Chaque matin, Blick plonge dans le volcan politique français que la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron est en train de faire exploser. Jusqu’au résultat du second tour des législatives le 7 juillet. Un voyage quotidien dans les coulisses du grand jeu du pouvoir, vu de Suisse. Des rires. Des larmes. De l’espoir. Et pas mal de chaos. Bienvenue sur la crête du volcan français.
À la «une» ce vendredi 21 juin: comment le viol d’une collégienne juive peut tout faire basculer
Viol de Courbevoie, l’horreur
Ils se sont rassemblés mercredi soir sur le parvis de la mairie de Paris. Des centaines de manifestants juifs français, et leurs soutiens, venus crier leur colère après le viol présumé d’une collégienne juive de 12 ans à Courbevoie (banlieue ouest de Paris) samedi 15 juin. Les auteurs présumés de ce crime? Deux adolescents de 13 ans, mis en examen mardi pour viol commis en réunion avec «violences, menaces de mort et injures antisémites». Un troisième garçon de 12 ans a quant à lui été placé sous le statut de témoin assisté. Courbevoie est une ville voisine de Nanterre, la préfecture des Hauts-de-Seine où le jeune Nahel Merzouk, un adolescent franco-algérien de 17 ans, a été tué par un tir à bout portant d’un policier, le 27 juin 2023, lors de l’interpellation de son véhicule.
Plusieurs journées d’émeutes urbaines avaient suivi. En pleine campagne électorale pour les législatives, le crime de Courbevoie, ville dirigée par un maire de droite pose toutes les questions les plus terribles: violence des jeunes, antisémitisme dans les banlieues, et aussi attitude des partis politiques. Le député de La France Insoumise (LFI) Aymeric Caron a subi de violentes attaques sur les réseaux sociaux pour s’être indigné, au lendemain de ce viol très médiatisé, de la mort d’une jeune femme rom en Haute-Savoie.
Police et RN, l’alliance?
C’est un élément qu’il faut prendre en compte dans ce climat sécuritaire très tendu en France, à la veille des Jeux Olympiques et paralympiques qui s’ouvriront le 26 juillet par une cérémonie d’ouverture sans précédent, sur la Seine, devant 400 000 spectateurs: la proximité politique entre certains syndicats de policiers en France et le Rassemblement national est établie. Un exemple? Les responsables des organisations syndicales de la police ne donneront pas de consigne de vote pour les législatives du 30 juin et du 7 juillet, alors que le barrage anti-RN était autrefois à l’ordre du jour.
Autre exemple: l’un des nouveaux eurodéputés RN, élu le 9 juin, est un ancien commissaire de police, Matthieu Valet, souvent invité sur les plateaux de télévision. Le parti national-populiste surfe sur l’inquiétude des Français sur leur sécurité. «Les électeurs du RN attendent de l’État qu’il les protège» note le sociologue Félicien Faury dans «La Croix». Pouvoir d’achat et sécurité sont, pour mémoire, les deux préoccupations prioritaires des Français avant les législatives des 30 juin et 7 juillet.
Juifs de France, la cible
L’antisémitisme est l’une des plaies ouvertes, que cette campagne des législatives risque d’aggraver. Lors d’un discours à la suite d’un dîner avec le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), le Premier ministre Gabriel Attal a fait état, en mai dernier, de «366 faits antisémites» enregistrés en France au premier trimestre, soit «une hausse de 300% par rapport aux trois premiers mois de l’année 2023».
L’une des causes de cette recrudescence de l’antisémitisme est évidemment la polarisation du débat sur la guerre à Gaza, après l’attaque terroriste du Hamas palestinien le 7 octobre contre Israël. La tragédie de Courbevoie relance le débat sur la banalisation de l’antisémitisme dans une partie de la jeunesse, y compris chez les jeunes adolescents. La jeune victime juive aurait été filmée lors du viol commis par deux garçons. La France, rappelons-le, est le pays de l’Union européenne qui compte à la fois la plus importante communauté musulmane (entre six et sept millions de personnes) et la plus importante communauté juive (environ 600 000).
Colombe, l’autre histoire
Son prénom est devenu viral avant les élections européennes du 9 juin, largement remportées par le Rassemblement national avec 32% des voix. La preuve? Cet échange entre une présentatrice de BFM TV et Marine Le Pen, la patronne du Rassemblement national. «Qu’est-ce que vous dites à Colombe? Je lui dis de tenir bon, on arrive, voilà ce que je dis à Colombe et à toutes les Colombe de France» avait alors répondu celle qui se représente dans sa circonscription d’Hénin Beaumont, dans le département du Pas-de-Calais.
Qui est Colombe? Une électrice du Rassemblement National croisée par le journaliste Paul Larrouturou à Perpignan, seule ville de plus de 100 000 habitants gérée par le RN depuis les municipales de septembre 2020. Colombe lui avait expliqué pourquoi elle votait «Rassemblement National», pas parce qu’elle rejette les étrangers, mais uniquement parce qu’elle est confrontée à d’abyssales difficultés sociales et s’inquiète pour sa sécurité. Il s’avère, après vérification, que l’intéressée est une électrice de longue date du RN. Mais qu’importe pour les réseaux sociaux: Colombe symbolisait la France qui a peur.
Papy Voise, retour vers 2002
Ces élections législatives, décidées par Emmanuel Macron, font remonter à la surface un souvenir terrible. Nous sommes en avril 2002. Les Français s’apprêtent à voter au premier tour de la présidentielle pour laquelle Jacques Chirac, chef de l’État sortant, est donné favori face au premier ministre socialiste Lionel Jospin. Or un fait divers va-tout bouleverser: le 18 avril, Paul Voise, un retraité (décédé en 2013), est agressé chez lui à Orléans. Il est roué de coups et sa maison est incendiée. Le scandale est national.
L’insécurité croissante en France s’étale à la «Une». Paul Voise, pleure devant les caméras, le visage tuméfié. Personne ne sera appréhendé après son aggression. Le retraité pourra s’acheter une nouvelle demeure avec les donc venus de la France entière. La suite: le 21 avril 2002, pour la première fois, le candidat du Front national Jean-Marie Le Pen accède au second tour. Il perdra au second tour, avec seulement 19,8% des voix contre Chirac. 22 ans après, la fille de Jean-Marie, Marine Le Pen, est désormais donnée favorite en cas de présidentielle anticipée.