Chaque matin, Blick plonge dans le volcan politique français que la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron est en train de faire exploser. Jusqu’au résultat du second tour des législatives le 7 juillet. Un voyage quotidien dans les coulisses du grand jeu du pouvoir, vu de Suisse. Des rires. Des larmes. De l’espoir. Et pas mal de chaos. Bienvenue sur la crête du volcan français.
Au menu ce mercredi, jour 2 de la campagne officielle: ce que Bardella et Le Pen redoutent d’avouer à leurs électeurs
Gouverner la France, le casse-tête
Jordan Bardella a commencé à rétropédaler sur l’abrogation de la réforme des retraites pourtant promise par le Rassemblement national (qui envisageait de ramener l’âge de départ à 60 ans, contre 64 ans depuis 2023). Le voici qui, désormais, assène qu’il refusera d’être Premier ministre si son parti n’obtient pas la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale, soit au moins 289 députés sur 577. Ces signes ne trompent pas, le RN – à qui les sondages prédisent la victoire aux législatives, et entre 200 et 250 sièges (contre 88 dans la précédente législature) – s’inquiète de devoir gouverner en cohabitation, avec un Emmanuel Macron protégé par ses prérogatives constitutionnelles.
En résumé: Le RN n’est toujours pas un parti de gouvernement
Référendum sur l’immigration, l’impasse
Marine Le Pen et Jordan Bardella ont travaillé d’arrache-pied sur ce sujet avec leur nouvelle recrue, tout juste élu député européen: l’ancien patron de l’agence Frontex (dont la Suisse est membre) Fabrice Leggeri. Leur volonté est toujours d’organiser un référendum sur l’immigration, qui permettrait par exemple aux Français d’approuver, ou non, la suppression de l’aide médicale d’État (AME). Elle qui permet à tous les étrangers présents sur le sol français d’être soignés gratuitement. Cette mesure, que le gouvernement souhaitait transformer en Aide médiale d’urgence, avait en effet disparu de la nouvelle loi sur l’immigration promulguée le 27 janvier 2024.
Problème 1: les experts se déchirent pour savoir si cette proposition passerait l’épreuve du Conseil constitutionnel, qui devra décider si elle entre dans le cadre de l’article 11 de la loi fondamentale selon laquelle un référendum doit porter «à l’origine sur des questions relatives à l’organisation des pouvoirs publics» ou sur des réformes relatives «à la politique économique ou sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent». Problème 2: Seul le président de la République peut décider, ou non, l’organisation d’un tel référendum. Même chose pour la volonté d’instaurer une «préférence nationale» contraire aux traités européens.
En résumé: Pas de mesure forte à proposer d’emblée sur l’immigration
Hausse des salaires, le mur de l’argent
Là aussi, Jordan Bardella et Marine le Pen moulinent tous les scénarios. La défense du pouvoir d’achat est, avec la lutte contre l’immigration massive, le meilleur de leurs arguments électoraux. Or aucune prévision ne permet pour l’heure de penser qu’ils pourront, comme ils le promettent depuis des années, parvenir à une hausse rapide des salaires.
Pour inciter les employeurs à augmenter les salaires, le RN propose de les exonérer des hausses de cotisations patronales, dans la limite de 10% et jusqu’à trois fois le salaire minimum. Quel impact sur le niveau de rémunération? Pas grand-chose. Bien moins, en tout cas, que la proposition du Nouveau Front populaire (gauche) d’instaurer un salaire minimum à 1600 euros mensuel net, d’augmenter le point d’indice des fonctionnaires et d’indexer les salaires sur l’inflation.
En résumé: Le RN reste coupé du monde réel de l’entreprise
Matignon-Élysée, grabuge annoncé
Les rôles sont en théorie répartis. Marine Le Pen sera à nouveau la cheffe du groupe parlementaire RN à l’Assemblée nationale. Ce qui fera d’elle la donneuse d’ordre si ce groupe obtient la majorité absolue des sièges. Jordan Bardella, lui, sera Premier ministre, donc chef de la majorité. Sauf qu’à peine les élections législatives terminées, une autre échéance va capter toutes les attentions et les luttes de pouvoir internes: l’élection présidentielle de mai 2027, à laquelle Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter. Bardella, portée par une forte dynamique électorale et médiatique, est aujourd’hui plus populaire que sa patronne. Après le duo, le duel?
En résumé: Plus le RN s’approche du pouvoir, plus il risque de se diviser
Marion Maréchal, le poison familial
Elle a trahi Éric Zemmour, accompagnée de trois autres eurodéputés tout juste élus. Marion Maréchal est redevenue, dès le lundi 10 juin qui a suivi les élections européennes (5% pour sa liste Reconquête), Marion Maréchal-Le Pen. Elle est la fille de Yann Le Pen, l’une des trois filles du patriarche Jean-Marie, dont elle reste très proche. Elle se retrouve donc, au sein de ce clan, rivale de facto de Jordan Bardella, en couple avec l’une de ses cousines. Marion Maréchal peut-elle, si le RN gouverne dans le cadre d’une cohabitation, obtenir un poste important dans le gouvernement? Là aussi, des «clarifications» vont s’imposer.
En résumé: Marion contre Jordan? Ou Marion et Jordan contre Marine?