Chaque matin, Blick plonge dans le volcan politique français que la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron est en train de faire exploser. Jusqu’au résultat du second tour des législatives le 7 juillet. Un voyage quotidien dans les coulisses du grand jeu du pouvoir, vu de Suisse. Des rires. Des larmes. De l’espoir. Et pas mal de chaos. Bienvenue sur la crête du volcan français. On marche ensemble en essayant de ne pas tomber dans le cratère? On danse, on rigole ou on panique?
Zemmour, le poignard
Il croyait tout comprendre de la politique qu’il a passé sa vie à observer, avant de plonger dans le grand bain et d’être candidat à la présidentielle (7,07% des voix): Éric Zemmour n’a rien vu venir. En tout cas, c’est ce qu’il dit. Tué. Poignardé. Trahi. La coupable? Sa comparse de «Reconquête», Marion Maréchal Le Pen qui vient, comme il l’a cruellement dit, de choisir le «regroupement familial» en retournant au Rassemblement national et dans le giron de son clan familial (elle est l’une des nièces de Marine Le Pen, et l’une des cousines de la compagne de Jordan Bardella). La preuve est faite qu’être éditorialiste, c’est observer le pouvoir sans en comprendre toutes les règles. Marion a planté son poignard. L’affaire est conclue. Le RN vient d’éliminer un concurrent gênant, juste après avoir obtenu cinq députés européens. Trois l’accompagnent. Il en reste une: Sarah Knafo, la compagne de Zemmour. Vous avez dit famille?
Mélenchon, merci Léon!
Jean-Luc Mélenchon est un transformiste hors pair. Le voilà redevenu Jean Jaurès, la figure mythique des socialistes français, tué le 31 juillet 1914 à Paris, au café du Croissant, pour s’être opposé à la marche vers la Première Guerre mondiale. Vous connaissiez Mélenchon qui vocifère? Mélenchon qui dénonce le «génocide» en cours à Gaza, Mélenchon qui, sans être député (il ne s’est pas représenté aux législatives de 2022), orchestre la «bordellisation» de l’Assemblée nationale par les élus de son parti «La France insoumise». Retour vers le futur: le leader de LFI, toujours les yeux braqués sur la présidentielle 2027 (21,25% des voix en avril 2022, éliminé de justesse au premier tour), est redevenu un hiérarque socialiste qui préside aux destinées de l’Union de la gauche. Le Front populaire, c’était Blum en 1936. Mélenchon, féru d’histoire et accusé d’antisémitisme par Emmanuel Macron, préfère le recueillement à la révolution.
Ciotti, vinaigre niçois
Une salade niçoise! La formule est facile. Mais pour tous ceux qui ne connaissent pas Éric Ciotti, la recette résume bien le président (en théorie exclu depuis mercredi) du parti Les Républicains. Un homme de droite toute. Un ancien assistant parlementaire devenu député, qui brûle de prendre la place de son ex-mentor et employeur, le maire de Nice Christian Estrosi depuis 2017. Ciotti se voyait, paraît-il, possible ministre de l’Intérieur d’un Emmanuel Macron résolu à pactiser avec la droite. Il se voit, dit-on, comme un premier ministre de recours, en vue d’une cohabitation entre le président français et le Rassemblement national. Il connaît surtout la carte électorale par cœur. Dans sa première circonscription des Alpes-Maritimes (qui couvre une partie de Nice, la ville dont il rêve d’être maire), un candidat RN l’aurait balayé. La salade Ciotti manque d’huile. Il est le vinaigre de la droite traditionnelle française.
Bercy, la braderie
C’est le nom d’un quartier de l’est parisien. Au bord de la Seine. Une forteresse des comptes publics, chargée de faire fonctionner un État toujours plus dépensier: environ 3100 milliards d’euros de dette fin 2023, soit 113% du produit intérieur brut (contre 45% pour la Suisse) – et 43,2% de prélèvements obligatoires, le record de l’Union européenne. Or Bercy s’alarme. «La prime de risque sur la dette française est au plus haut depuis 2017. Le spread avec l’Allemagne a dépassé 70 points de base. A la Bourse de Paris, le CAC 40 plonge de près de 2%», titre le quotidien économique «Les Échos». Emmanuel Macron a promis, lors de sa conférence de presse du 12 juin, que les Français allaient payer avec leur porte-monnaie cet «esprit de défaite» face au Rassemblement national. Un oubli toutefois: depuis sept ans, et malgré ses réussites sur le front de l’attractivité, «Jupiter» les a bien détroussés. Après «Choose France», «Sell France»?
Malhuret, Tonton flingueur
On l’a connu, il y a longtemps, médecin sans frontières au chevet des plaies du monde. Puis, il devint maire de Vichy, cette ville du centre de la France (à 250 kilomètres de Genève), connue pour ses produits de beauté, son eau minérale et la figure tutélaire du Maréchal qui décida, entre juillet 1940 et août 1944, d’en faire la capitale de son «État français» de sinistre mémoire. Claude Malhuret est aujourd’hui l’une des figures de la droite indépendante, et sénateur flingueur. Ses vidéos sur Youtube font des cartons. Il dézingue. Il prône une mobilisation sans faille contre le RN, «qui va mettre la France en faillite». Et que pense-t-il de Macron, ce président qu'il soutient par défaut ? Sans doute quelque chose comme cette réplique d’Audiard, le dialoguiste des «Tontons flingueurs»: «Non mais t’as déjà vu ça? En pleine paix, y chante et pis crac, un bourre-pif, mais il est complètement fou ce mec! Mais moi les dingues, j’les soigne, j’m’en vais lui faire une ordonnance, et une sévère.»