L’esprit de défaite: voilà le mal qu’Emmanuel Macron considère comme une faute nationale, à la veille des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, déclenchées par sa dissolution surprise de l’Assemblée au soir des élections européennes de dimanche.
L’esprit de défaite: le terme a plusieurs fois été répété par le président français qui l’a dénoncé, en l’attribuant en priorité aux «élites politiques et médiatiques» qui ont, selon lui, le goût de «l’émotion négative» et qui surjouent «la France orange mécanique», en référence au fameux film de Stanley Kubrick qui met en scène d’abominables violences urbaines.
Pas question donc, pour ce chef de l’État de 45 ans réélu en avril 2022 avec 58,5% des voix, de ne pas livrer combat. Un autre mot a scandé sa conférence de presse d’environ une heure trente, prononcée devant l’ensemble du gouvernement: la «clarification». Une clarification entre un «bloc républicain progressiste» et les «extrêmes», à savoir le Rassemblement national (RN, droite nationale populiste) et la France Insoumise (LFI, gauche radicale).
Cette intervention présidentielle devant les médias, et au-delà devant les Français, visait à expliquer les raisons de cette convocation surprise d’élections législatives. Lesquelles se dérouleront après une campagne de seulement vingt jours, soit le minimum prévu par la constitution. A-t-elle tout clarifié? Pas tout à fait. Emmanuel Macron a confirmé qu’il restera en fonction même si son camp est battu au soir du second tour des législatives, le 7 juillet, dix-neuf jours avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris le 26 juillet. «Il faut tordre le cou à ce canard: je ne démissionnerai pas», a-t-il asséné. Point.
Bardella? La porte n’est pas ouverte
Sur le fait de nommer un Premier ministre issu de ces fameux extrêmes, le président a en revanche esquivé. Il ne s’est pas engagé à nommer Jordan Bardella en cas de victoire du RN, favori des sondages, alors que celui-ci est le candidat désigné de ce parti pour diriger le gouvernement, s’il remporte une majorité de députés (289 sur 577). Il a par ailleurs diabolisé, en le citant, une possible candidature à ce poste de Jean-Luc Mélenchon, le chef de la gauche radicale dont il a dénoncé les manœuvres électorales et l’antisémitisme. Bardella? A voir. Mélenchon? Non. Telle est sa position.
Emmanuel Macron voit de la lumière dans le tunnel électoral. Pourquoi? Parce que les Français seraient selon lui condamnés à s’appauvrir s’ils choisissent de donner une majorité de députés aux «extrêmes». Tous les indicateurs économiques ont été passés en revue par le locataire de l’Élysée, qui avait choisi de convoquer la presse hors de son palais présidentiel, pour bien marquer la différence de registre, au début de cette campagne éclair.
Les dépôts de candidatures doivent être bouclés ce dimanche. «Les extrêmes sont l'incarnation du non. Ils n'ont pas de réponses. Ce n'est pas parce qu'on a envoyé un message que le messager est la réponse. Le jour d'après est une vraie réponse parce qu'il va vous appauvrir. On le voit depuis lundi: les marchés financiers s'affolent. L'accès au crédit coutera plus cher. Le programme du RN, c'est 5 à 6000 euros par contribuable. Alors, bon courage!»
Premiers sondages
Les premiers sondages donnent, pour l’heure, entre 240 et 270 députés au RN (contre 88 actuellement) ce qui ne permettrait pas à ce parti d’obtenir la majorité absolue. Haro, donc, sur les conséquences d’une possible victoire extrémiste, de droite ou de gauche, sur le porte-monnaie des Français. «L’extrême droite empêchera la France de prospérer. L’extrême gauche ne pense qu’à taxer. Les deux blocs extrêmes sont un appauvrissement du pays et de nos compatriotes», a-t-il rappelé après avoir, à plusieurs reprises, redit que les experts chiffrent à environ 100 milliards d’euros de dépenses supplémentaires le coût du programme économique du Rassemblement national. Alors que la France affiche une dette publique record de 3100 milliards d’euros, soit 112% de son PIB.
Et maintenant? Emmanuel Macron pense que la dramatisation, les rappels historiques, les contraintes économiques et la dénonciation des combines électorales vont jouer en sa faveur. Devait-il dissoudre l’Assemblée? Oui. «Cette situation depuis 2022 ne nous a pas permis de bâtir des coalitions durables, s’est-il justifié. À cela s’est ajoutée l’attitude de certains députés de la France insoumise qui ont créé du désordre dans l’Assemblée inquiétant pour les Français. L’équation politique devenait difficile tenable. J’ai donc pris acte de ce qui devenait dangereux pour la France.» Avec dans le viseur, le test des réalités: «Il faut endiguer la montée des extrêmes par la qualité de notre débat démocratique. Il faut demander aux candidats qu’allez-vous faire, avec quel argent? Parce que demain, il faudra gouverner.»
Attaques ciblées
Ses attaques étaient ensuite ciblées:
1) Contre Mélenchon, qui fait honte à Léon Blum (le leader socialiste français des années trente) avec ce «Front populaire» oublieux de l’antisémitisme de LFI.
2) Contre Le RN qui n’est que le parti du non et de la colère.
3) Contre le leader de la droite traditionnelle Eric Ciotti, qui vient de passer un accord électoral avec le RN.
Son inquiétude sur le standing de la France dans le monde, et sur l’impact d’une victoire des extrêmes sur la guerre en Ukraine, a été répétée.
Et maintenant? «Qui gouvernera demain le pays? Oui, il y aura des compromis à bâtir». Sa main tendue? A tous les centristes de droite ou de gauche: «Je ne vois pas comment un radical-socialiste, un socialiste, un communiste peut faire cause commune avec quelqu’un qui ne respecte plus les valeurs de la République», a-t-il asséné, en référence à Jean-Luc Mélenchon.
Après avoir répété qu’il est «un indécrottable optimiste» et qu’il reprendra le fil de ses réformes si son camp remporte les législatives, Macron vient de confirmer qu’il ne connaît qu’une seule méthode: l’offensive. Et qu’un seul argument face aux dangers politiques: se présenter comme le rempart face au chaos annoncé. Dans lequel il n’a reconnu qu’à demi-voix sa part de responsabilité depuis sept ans.