La Grèce n’est pas pour rien la «mère» de toutes les démocraties. Parce qu’il reste le pays du débat permanent et de la politique-reine, et parce que son acrobatique sauvetage financier européen a cristallisé, depuis dix ans, toutes les (bonnes et mauvaises) questions sur la solidité de l’euro et de l’Union à 27, cet État-membre de l’UE est toujours un bon baromètre des intempéries électorales.
Un résultat sans appel
Or ce qui s’est passé dimanche 21 mai dans les urnes helléniques est sans appel: les colères d’hier se sont transformées en revendications impératives. Stabilité, autorité, crainte d’un retour du désordre social sur fond de défi géopolitique posé par la guerre en Ukraine… Ces trois exigences ont dicté le résultat. Avec, à la sortie des isoloirs, une victoire éclatante pour le Premier ministre conservateur sortant, Kyriakos Mitsotakis, et une défaite cuisante pour la coalition de gauche radicale Syriza, au pouvoir entre 2015 et 2019.
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Il est bien sûr possible que le second scrutin à venir – faute de coalition majoritaire au sein des 300 députés de la «Vouli» pour former d’emblée un gouvernement – modifie cette donne. Mais cela n’effacera de toute façon pas la leçon de ce dimanche électoral, à une semaine d’une autre date cruciale: le second tour de l’élection présidentielle turque, le 28 mai. En 2023, l’heure est aux hommes et aux femmes fortes qui rassurent les électeurs.
L’exemple italien
L’Italie avait paradoxalement donné le ton en portant au pouvoir, à l’automne 2022, l’énergique Giorgia Meloni, néofasciste obsédée par l’autorité, adoubée par le puissant patronat et par les États-Unis. La Grèce n’a fait que suivre.
Héritier d’une des plus puissantes familles du pays, soutenu par les forces économiques, bien vu à Washington face à la Turquie voisine et avocat d’une centralisation maximale des pouvoirs pour contrebalancer les failles récurrentes de l’administration, Kyriakos Mitsotakis, chef de gouvernement polyglotte de 55 ans, a profité à plein de la peur du changement, de l’inconnu et du risque de retour aux confrontations avec ce bailleur de fonds indispensable qu’est l’Union européenne en cas de victoire de son adversaire, Alexis Tsipras.
Le pragmatisme l'emporte dans les urnes
Stabilité, autorité et capacité à convaincre Bruxelles de continuer à mettre la main au portefeuille. Ce triptyque doit servir de grille de lecture, car il influera à coup sûr les électeurs en Pologne, pour les législatives de cet automne, puis en Espagne cet hiver. Les frontières politiques d’antan ont, de facto, perdu leur pertinence. Le pragmatisme l’emporte dans les urnes. L’ordre prime lorsqu’il permet de tenir les migrants à distance derrière des murs et de se projeter dans l’avenir. D’où le fait qu’en Grèce, des scandales problématiques, comme celui des écoutes téléphoniques d’opposants ou du contrôle de plus en plus préoccupant du gouvernement sur les médias, ont été relégués au second plan.
La leçon d’Athènes est limpide: les dirigeants forts, s’ils sont présumés compétents et acceptés par les bailleurs de fonds, ont le vent en poupe dans l’Europe de 2023.