Stabilité. Continuité. Crédibilité économique et financière. Dans une Grèce toujours profondément divisée et surendettée, dix ans après la crise de la dette et les plans de sauvetage européens successifs, le premier ministre conservateur sortant Kyriakos Mitsotakis a fait oublier, dans les urnes, les accusations de l’opposition sur sa dérive népotiste et autoritaire. Au terme des élections législatives de ce dimanche 21 mai, son parti Nouvelle Démocratie obtiendrait près de 41% des suffrages, soit le double de la coalition de gauche Syriza, dirigée par l’ancien chef du gouvernement (2015-2019) Alexis Tsipras. Au pouvoir depuis 2019, le premier ministre, hériter d’un des clans politiques les plus puissants du pays, peut donc revendiquer une nette victoire. Un «tremblement de terre en faveur de l'unité nationale et d'un gouvernement fort» s'est-il félicité. Un second tour de scrutin risque néanmoins de devoir être organisé, sans doute le 2 juillet, faute de coalition parlementaire majoritaire pour former un gouvernement dans les prochains jours.
Ce résultat n’avait pas été anticipé par les sondages. Kyriakos Mitsotakis était le plus souvent donné vainqueur avec 30% des voix. Le tragique accident de train survenu le 28 février, le scandale des écoutes téléphoniques pratiqué par les services secrets grecs sur ses opposants grâce au logiciel israélien Pegasus, et la colère sociale toujours importante en Grèce semblaient devoir accoucher d’un résultat plus serré. Erreur. Le contrôle des principaux médias télévisés par des proches du parti Nouvelle Démocratie a sans doute amplifié le phénomène, mais la volonté de ne pas replonger le pays dans l’incertitude l’a emporté.
En focalisant sa campagne sur le premier ministre, Alexis Tsipras semble même avoir renforcé les réticences d’une partie des électeurs de gauche envers Syriza, comme en témoigne le score, meilleur que prévu (autour de 10%), du Pasok, le parti social-démocrate pourtant décrié. «Le résultat de la Nouvelle démocratie est sans précédent au cours des quatre dernières décennies, juge l'analyste Plamen Tonchev. De nombreux observateurs ont jugé la toxique campagne préélectorale 'suicidaire' pour Alexis Tsipras, concentré sur son noyau dur fanatique, au lieu de chercher à élargir son attrait parmi les électeurs plus modérés.»
Deuxième vote probable
Le mode de scrutin grec impose un deuxième vote à la proportionnelle, au plus tard dans cinquante jours, si le vainqueur de ce soir ne parvient pas à réunir une majorité d’au moins 151 députés sur les 300 de la Voulí, le parlement. Ce second scrutin se fera alors avec une prime automatique de députés supplémentaires pour le parti victorieux, afin de lui permettre de former un gouvernement. Le contexte international, avec le second tour de l’élection présidentielle turque le 28 mai, et la possible victoire du président sortant Recep Tayyip Erdogan, pourrait être un avantage supplémentaire pour Kyriakos Mitsotakis, dont la stature de leader sort renforcée des urnes. Ses adversaires, qui l'avaient pilonné sur le thème de sa présumée dérive autoritaire et sur le fait qu'il est l'héritier d'une des principales dynasties grecques, ont perdu face au refus du changement, bien plus massif que prévu.