Consternation pour l’Abbé Nicolas Betticher, ce mercredi matin au téléphone! Lundi 18 décembre, le procureur général fribourgeois Fabien Gasser a rendu une ordonnance de non-entrée en matière concernant les accusations de dissimulation envers l’Évêque Charles Morerod, ainsi que d’autres ecclésiastiques de haut rang.
C’est cet ex-vicaire de Lausanne qui avait formulé ces critiques, dans une lettre adressée à l’ambassadeur du Vatican, représentant le Pape en Suisse. Dévoilée par la presse en septembre, cette missive avait lancé le débat autour des abus sexuels dans l’Église catholique suisse.
«Je ne savais rien jusqu’à ce matin»
«Ma démarche n’a rien à voir avec le droit pénal suisse, mais elle n’est pas du tout infondée du point de vue ecclésial, commente l’abbé lanceur d’alerte. Sinon, Rome n’aurait pas ouvert d’enquête préliminaire.» L'homme d'Église bernois s'interroge sur ce qu'il nomme une «confusion entre droit pénal et ecclésial».
Il s'étonne tout autant de n'avoir «pas été mis au courant» de l’existence d’une procédure du Ministère public fribourgeois le concernant. Dans le communiqué de l’institution judiciaire, on apprend pourtant que sa lettre était la principale pièce à conviction des enquêteurs.
«Je suis très surpris, lâche Nicolas Betticher. Quand on fait une enquête sur une lettre, on demande à son auteur de s’expliquer. On ne m’a jamais contacté, je ne savais rien jusqu’à ce matin.» C’est bien la presse qui l’a informé du fait que le procureur a décidé de ne pas entrer en matière sur «les reproches formulés» contre l’Évêque de Genève, Lausanne et Fribourg et d’autres évêques et prêtres. Étant donné que les cas annoncés au nonce apostolique étaient «déjà connus de la justice», le procureur Fabien Gasser, contacté par Blick affirme que «l’audition de l’Abbé Nicolas Betticher n’aurait dès lors été d’aucune utilité».
«Excellente collaboration» de Mgr Morerod
Mais le statut juridique de l’Abbé Betticher dans cette affaire ne lui a vraisemblablement pas donné le droit d’être informé au préalable. Il n’est pas considéré comme «dénonciateur» des agissements supposés des hommes qu’il met en cause. «Même s’il revêtait la qualité de dénonciateur, l’Abbé Nicolas Betticher n’aurait pas pu prétendre à recevoir l’ordonnance du 18 décembre 2023», informe le procureur général fribourgeois.
Autre considération étonnante: c’est Monseigneur Morerod lui-même qui avait délivré la lettre aux enquêteurs, alors même qu’il était mis en cause. «Je me demande pourquoi Mgr Morerod a envoyé ma lettre au Ministère public, alors qu'il savait bien qu'il n'y avait rien de pénal dans les faits que j'ai mis en avant, questionne Nicolas Betticher. S'il y avait eu matière, j'aurais moi-même saisi la justice.» Dans un paragraphe entier, le communiqué du procureur souligne par ailleurs «l’excellente collaboration» de Mgr Morerod et de son évêché avec la police de sûreté.
Pas de «reproches» pour l'abbé
Des louanges que n’importe quel autre justiciable aurait aussi récoltées dans pareille situation? «Un fait», qu’il «convenait de relever», indique en tout cas l’institution judiciaire lorsqu’on leur demande pourquoi avoir choisi de souligner la coopération du haut-responsable religieux dénoncé.
Nicolas Betticher tique enfin sur le mot «reproche» utilisé dans la communication du Ministère public. «Dans ma lettre, il n’y a pas d’accusations ou de reproches, précise le concerné. Il y a seulement des faits, assortis de questions. Ces faits, je les ai constatés et je les ai portés à la connaissance de l’Université de Zurich et du Vatican.»
L’uni de Zurich s’était notamment basée sur ses informations pour sortir l’étude dans laquelle elle comptabilisait plus de 1000 cas d’abus sexuels au sein de l’Église depuis le milieu du siècle passé. Pour l'abbé, la décision pénale fribourgeoise est un «coup d'épée dans l'eau» et il faudra attendre les conclusions de l'enquête interne menée par Mgr Joseph Bonnemain.