C'est une bombe pour l'Eglise catholique suisse: un membre porte des accusations graves contre six évêques. Quatre de ces hommes sont encore en fonction aujourd'hui, tandis que deux sont déjà à la retraite. Ils auraient tous couvert des cas d'abus sexuels, l'un d'entre eux aurait même agressé lui-même un jeune. A cela s'ajoutent des abus présumés commis par des prêtres en Suisse.
Le lanceur d'alerte n'est pas n'importe qui: Nicolas Betticher, pasteur très connecté à Berne, collaborateur de la conseillère fédérale Ruth Metzler et ancien vicaire général du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Nicolas Betticher est intervenu auprès du nonce Martin Krebs, l'ambassadeur du pape en Suisse – et a tout déballé. «Ces communications concernent six évêques suisses», peut-on lire dans sa lettre au nonce. Blick s'est procuré cette lettre.
Les reproches de Nicolas Betticher sont si importants que le Vatican est entre-temps intervenu. Rome a chargé l'évêque de Coire, Joseph Bonnemain, d'une investigation préliminaire interne – une mesure extrêmement rare: l'homme d'Eglise doit désormais enquêter sur ses confrères et vérifier la véracité des accusations. Joseph Bonnemain confirme à Blick que le Ministère public est également impliqué. Selon nos informations, quatre plaintes ont été déposées. La procédure étant en cours, l'évêque de Coire ne veut pas s'exprimer sur les détails. On ne sait pas si les faits sont déjà prescrits. Tous bénéficient de la présomption d'innocence.
Mais de quels faits parle-t-on exactement?
Voici les accusations:
- Un membre de la Conférence des évêques suisses est accusé de harcèlement sexuel sur un jeune. Il n'a pas pu être joint par Blick.
- Trois prêtres du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg sont accusés d'avoir harcelé sexuellement des jeunes. Une porte-parole de l'évêché a fait savoir: «Nous prenons ces accusations très au sérieux. Les services de l'Etat et de l'Eglise sont actifs sur le sujet.»
A cela s'ajoutent des accusations de dissimulation. Celles-ci ne relèvent pas du Ministère public, mais du droit canonique. Les accusés sont:
- Jean-Marie Lovey, 73 ans. Une victime se serait adressée à l'évêque de Sion et aurait fait état d'un abus – mais rien ne s'est ensuite passé. Le porte-parole de Jean-Marie Lovey rétorque: «L'évêque a pris les mesures prescrites.»
- L'évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Charles Morerod, 61 ans, aurait eu connaissance d'un cas d'abus en 2011. «Je lui ai fait part de cette information importante en novembre 2011», écrit Nicolas Betticher dans sa lettre à l'ambassadeur du pape. Malgré cela, Charles Morerod a promu le prêtre incriminé plus tard. Ce n'est qu'en 2020, lorsque le «Tages-Anzeiger» et le «Rundschau» ont révélé des détails sur les abus, que l'évêque a suspendu le prêtre.
- Un autre complice potentiel: Alain de Raemy, 64 ans, l'évêque des jeunes de Suisse. Auparavant, Alain de Raemy et l'auteur des faits possédaient ensemble un chalet en Valais, où l'agression a eu lieu. En 2020, l'évêque a nié au «Matin Dimanche» avoir eu connaissance de l'acte. Il aurait seulement appris que le copropriétaire du chalet «avait une relation homosexuelle. Il parlait d'un adulte, de baisers et de câlins». En réponse au SonntagsBlick, le porte-parole d'Alain de Raemy renvoie aux enquêtes en cours.
- Un ancien évêque auxiliaire aurait couvert des cas d'abus dans le canton de Vaud. Après un camp d'été – c'est ce qui est écrit dans la plainte adressée à l'ambassadeur du pape – des parents se sont plaints d'un prêtre qui «avait harcelé sexuellement plusieurs de leurs fils». Mais l'évêque auxiliaire n'aurait rien fait. Les parents se sont alors adressés à l'évêque Bernard Genoud, qui est intervenu à Rome. L'évêque auxiliaire aurait été retiré de Lausanne et nommé évêque de Reykjavik (Islande). A Blick, le dignitaire réfute toutes les accusations et annonce une plainte pénale pour diffamation. Il aurait adopté une politique de tolérance zéro par respect pour les victimes d'abus.
- L'évêque suisse Jean-Claude Périsset, 84 ans, a fait carrière en tant que diplomate du Vatican et a été ambassadeur du pape à Berlin de 2007 à 2013. Jean-Claude Périsset aurait appris à la fin des années 1980 les abus sexuels commis par le capucin Joël Allaz. Ce dernier a été transféré en France, où il a abusé d'autres jeunes. L'évêque fait savoir à Blick qu'en tant qu'officiant à l'époque, il n'a rien dissimulé. Le supérieur religieux responsable du capucin aurait assumé la responsabilité. Le droit canonique était différent à l'époque.
C'est une nouveauté que le Vatican ordonne des enquêtes contre des ecclésiastiques de haut rang en Suisse. C'est pourquoi les évêques attendent avec nervosité la conférence de presse de mardi. Des chercheuses de l'université de Zurich présenteront alors les résultats d'une étude sur les abus au sein de l'Eglise catholique.
«Je prends acte du fait que ma dénonciation a été portée à la connaissance des médias, a déclaré le lanceur d'alerte Nicolas Betticher à Blick. Je salue le fait que Rome ait pris des mesures. Nous avons besoin non seulement d'une enquête historique, mais aussi d'une enquête de droit canonique et d'autres procédures pour rendre justice aux victimes.»