Le Suisse Kurt Koch occupe l'un des postes les plus passionnants que le Vatican ait à offrir: autrefois évêque de Bâle, il est aujourd'hui cardinal – et ministre de l'œcuménisme du pape François.
Contrairement à la Suisse, où l'œcuménisme est souvent compris comme des apéros du troisième âge pour catholiques et réformés, la collaboration entre les confessions chrétiennes est considérée comme une affaire hautement explosive au Vatican.
Peu après le début de la guerre en Ukraine, le pape François et le cardinal Koch ont tenté d'influencer le patriarche de Moscou Kirill lors d'une conférence zoom, mais sans succès.
L'étude sur les abus accable le cardinal Koch
Depuis la publication de l'étude de l'Université de Zurich sur les abus au sein de l'Eglise catholique en Suisse, le cardinal Koch a désormais un autre problème à gérer. En effet, les auteurs de l'étude, venant du département d'histoire de l'Université de Zurich, accusent un des hommes les plus puissants de l'Eglise suisse. Il s'agit de l'un des deux seuls cardinaux du pays. Il est accusé de ne pas avoir signalé les cas d'abus, ni à la police ni au Vatican. Le successeur de Kurt Koch à Bâle, Felix Gmür, n'a rien fait non plus.
La personne au cœur de ce scandale est appelé «K.S.» dans l'étude. Les recherches de Blick le montrent: derrière ce pseudonyme se cache le prêtre Adolf G.*.
C'était un conservateur pur et dur: né en 1945 en Roumanie au sein de la minorité allemande, il a prêché en Autriche, en Allemagne et en Suisse. En 1985, il est devenu prêtre du diocèse de Bâle. En 1988, il a pris un poste de curé à Utzenstorf dans le canton de Berne, où il a exercé pendant près de 20 ans. Il est décédé en 2019.
Dès 2003, le diocèse de Bâle a été informé
Adolf G. a agressé à plusieurs reprises: en 2003, une personne concernée s'est adressée à l'évêché de Bâle et a fait état de «plusieurs abus sexuels, tant chez lui que dans le cadre de son activité au sein de la Jungwacht, l'Association suisse de la jeunesse catholique, et comme enfant de chœur», écrit l'Université de Zurich.
Quelques mois plus tard, le prêtre a dû se présenter à l'évêché de Bâle pour s'expliquer sur les accusations. Un garçon de neuf ans a accusé Adolf G. de lui avoir imposé des baisers avec la langue. Adolf G. a signé une déclaration selon laquelle il n'y avait jamais eu «de contacts sexuels sous quelque forme que ce soit entre lui et des enfants ou jeunes.»
«L'affaire était ainsi provisoirement réglée pour le diocèse de Bâle. Aucune autre conséquence ne ressort du dossier», note l'étude. En 2005, le prêtre a été replacé sous l'autorité de son diocèse d'origine roumain, mais il est resté en Suisse en tant que retraité.
Après 2005, d'autres personnes concernées se sont manifestées. Adolf G. aurait invité des mineurs dans un sauna lors de son activité de pasteur et leur aurait demandé de se déshabiller en public lors de sorties en groupe de jeunes.
Pourquoi Kurt Koch n'a-t-il pas fait appel au ministère public?
Bien que Adolf G. ne fasse plus partie du diocèse de Bâle du point de vue du droit ecclésiastique, l'évêque de l'époque, Kurt Koch, aurait été obligé de porter les reproches à la connaissance du ministère public. Il aurait dû mener une enquête ecclésiastique préliminaire et signaler le cas à Rome. «Les documents consultés ne précisent pas pour quelles raisons cela n'a pas été fait», écrit l'Université de Zurich.
Lorsqu'une autre personne a porté des accusations contre Adolf G., le diocèse de Bâle a exigé que le prêtre se dénonce lui-même. L'étude précise à ce sujet: «Les documents ne permettent pas de savoir si une plainte a effectivement été déposée et aucune indication n'a été trouvée dans les archives publiques correspondantes.»
Concernant l'inaction du successeur du cardinal Koch dans le cas Adolf G., le diocèse de Bâle fait savoir que «l'évêque Felix Gmür est parti du principe que l'évêque de l'époque, Kurt Koch, avait tout fait en son âme et conscience.»
Les directives de la Conférence des évêques suisses n'ont pas été respectées
C'est avec Blick que le cardinal Koch s'est expliqué pour la première fois sur l'étude suisse sur les abus au sein de l'Eglise. Concernant le dossier Adolf G., il déclare que les collaborateurs de l'office du personnel ont d'abord voulu traiter le cas en privé et le clarifier au préalable: «Cette procédure n'avait pas pour but de vouloir dissimuler quoi que ce soit.»
Pourtant, les directives de la Conférence des évêques suisses et le droit canonique préconisaient autre chose. Le cardinal Koch reconnaît: «En rétrospective, je dois admettre que cette procédure n'a pas fonctionné de manière satisfaisante et que c'était une erreur de ne pas avoir mis en place les mesures prévues. Je le regrette surtout pour les victimes. Cette démarche a pu leur donner l'impression qu'elles n'étaient pas prises au sérieux par nous. Je vous prie de m'en excuser.»
L'organisation suisse d'enfants et de jeunes Jungwacht Blauring (Jubla) se dit horrifiée par le manque de réactivité de Kurt Koch et Felix Gmür: «Les structures actuelles de l'Eglise catholique favorisent les abus et la dissimulation, déclare la directrice de Jubla Andrea Pfäffli. Jubla Suisse demande depuis des années déjà des changements au sein de l'Eglise catholique. En font partie l'égalité de tous les genres, plus de structures démocratiques, plus de mécanismes de contrôle et la volonté d'un travail de mémoire radicalement transparent.»
Pour Andrea Pfäffli, le cardinal Koch et l'évêque Gmür ont un devoir à remplir: «Tous les responsables ecclésiastiques doivent assumer leurs responsabilités et faire examiner les cas en externe.»
*Nom connu