Nouveau scandale à l'Eglise
Ces 6 évêques auraient dissimulé des abus sexuels

Plus de 1000 cas d'abus et un silence systématique: l'Université de Zurich condamne l'Eglise catholique – et accable de nombreux dignitaires. Plusieurs cadres auraient participé à détruire des preuves d'abus sexuels. Blick analyse.
Publié: 12.09.2023 à 18:06 heures
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L'étude pilote de l'Université de Zurich critique de nombreux dignitaires. Parmi les plus connus figure le cardinal Kurt Koch.
Photo: Mario Heller
Raphael Rauch

Entre 1950 et aujourd'hui, au moins 1002 cas d'abus sexuels ont eu lieu dans l'Eglise catholique en Suisse – c'est le résultat d'une étude de l'Université de Zurich. Mais le nombre de cas non recensés est probablement encore plus élevé. De nombreuses personnes concernées n'ont pas osé signaler l'agression. De plus, de nombreux dossiers ont été détruits. «Les cas identifiés ne sont sans doute que la pointe de l'iceberg», affirment les historiennes Monika Dommann et Marietta Meier.

L'étude de l'UZH porte sur des dépassements de limites problématiques, mais aussi sur «des abus systématiques très graves qui ont duré des années.»

Destruction ciblée de dossiers

Cette étude pilote est une première étape. Au cours des prochaines années, d'autres détails devraient être mis en lumière. Il s'agit également de dénoncer la dissimulation par les responsables. «Dans de nombreux cas, les abus sexuels ont été éludés, les accusés ont été mutés et les personnes concernées et celles qui étaient au courant ont été contraintes au silence. Les responsables de l'Eglise ont ainsi pris le risque que d'autres cas d'abus sexuels se produisent», critique l'équipe de recherche.

Des dossiers ont par ailleurs été détruits de manière ciblée. Dans le diocèse de Sion, par exemple, «il est prouvé que des dossiers des archives secrètes ont été régulièrement détruits» – car c'est précisément ce que prescrit le droit canonique. Dans le diocèse de Lugano, il y avait ordre de «brûler ce qui se trouvait dans les tiroirs de l'évêque concernant les prêtres.»

L'étude pilote vise de nombreux hauts dignitaires. Les plus connus sont:

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Le cardinal Kurt Koch

Kurt Koch a été évêque de Bâle de 1995 à 2010 et officie depuis comme cardinal à Rome. Il est l'homme d'Eglise suisse le plus puissant. L'Université de Zurich reproche à Kurt Koch de n'avoir informé ni le ministère public ni Rome de la présence d'un prêtre problématique. Le prêtre K.S. a ainsi «invité des mineurs dans un sauna et leur a demandé de se déshabiller en public dans le cadre de sorties de groupes de jeunes», constate l'Université de Zurich. Kurt Koch aurait été tenu de «porter les reproches à la connaissance du ministère public» et d'engager une procédure ecclésiastique.

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L'évêque Markus Büchel

L'évêque de Saint-Gall n'aurait également pas agi de manière assez conséquente contre un auteur d'abus. Certes, l'Université de Zurich félicite le diocèse de Saint-Gall pour avoir mis en place relativement tôt un comité d'experts pour le travail de prévention. Mais la mise en œuvre n'a pas été à la hauteur, comme le montre le cas du «pasteur Tätscheli»: il aurait forcé des enfants placés en institution à le rejoindre dans son lit. Le comité d'experts a tiré la sonnette d'alarme et a sermonné Markus Büchel en 2010: «Nous devons aujourd'hui constater que la direction du diocèse n'a pris aucune des mesures recommandées.» Selon l'Université de Zurich, le prêtre continue de célébrer des messes.

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L'évêque Charles Morerod

L'évêque de Lausanne, Genève et Fribourg est mis en cause dans une plainte interne à l'Eglise pour dissimulation, comme l'avait révélé Blick. L'expertise de l'Université de Zurich pose également des questions critiques. Ainsi, Charles Morerod aurait supprimé une commission pour le travail de prévention. Par conséquence, il n'y aurait eu «aucune instance spécialisée dans les questions d'abus sexuels» entre 2012 et 2016.

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L'archevêque Wolfgang Haas

Mgr Haas a été évêque de Coire de 1990 à 1997, il est archevêque de Vaduz depuis 1997. L'Université de Zurich émet le reproche suivant: «Lors de la formation et de la sélection des prêtres, il a imposé ses propres critères sans aucune autre considération. Ceux-ci consistaient à ordonner le plus grand nombre possible de jeunes prêtres et les plus conservateurs possible – même ceux que les responsables de la formation sacerdotale considéraient comme non aptes à la profession de prêtre.» Les recherches menées par Blick montrent que Wolfgang Haas avait par ailleurs employé un auteur d'abus dans le diocèse de Coire, bien que des doutes massifs aient été émis à son encontre.

5) L'évêque Vitus Huonder

L'ancien évêque de Coire a réorganisé de manière problématique la formation des prêtres dans les Grisons: A la fin des années 1990, des thèmes comme la sexualité auraient été abordés avec les futurs prêtres et des expertises psychologiques auraient été réalisées pour déterminer l'aptitude des candidats. Sous le mandat de Vitus Huonder, cette pratique aurait été abolie. Et selon des témoignages sur lesquels s'appuie l'Université de Zurich, Vitus Huonder aurait «régulièrement déchiqueté des dossiers au contenu inconnu dans son bureau.»

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L'archevêque Martin Krebs

L'ambassadeur du Vatican représente les intérêts du pape à Berne. Son titre officiel est celui de nonce apostolique. Selon l'UZH, l'envoyé du pape peine à se montrer coopératif: les archives de la nonciature n'étaient pas accessibles à l'équipe de recherche. «En raison de doutes concernant la protection diplomatique de la nonciature, la demande de l'équipe de recherche a reçu une réponse négative», constate l'étude.

Des communautés qui ne coopèrent pas

Selon l'Université de Zurich, les communautés religieuses telles que les salésiens se comportent de manière très peu coopérative: «Pour la recherche scientifique également, le manque de volonté de coopération des ordres religieux et l'accès difficile aux archives institutionnelles privées font partie des plus grands obstacles à l'enquête sur les cas d'abus sexuels.»

D'autres dignitaires sont également sous pression en raison d'accusations de dissimulation. Des enquêtes du «Beobachter» accablent l'évêque Felix Gmür.

L'étude de l'UZH, les accusations du lanceur d'alerte Nicolas Betticher et les recherches des journalistes le montrent: malgré de nombreux efforts, l'Eglise catholique n'a pas réussi à professionnaliser le travail de prévention dans toute la Suisse. La dissimulation n'est pas un problème du passé, mais aussi du présent. La protection de l'institution a été plus importante pour le cloître que l'élucidation des cas. Il faudra encore beaucoup de temps pour éclaircir le chapitre le plus sombre de l'Eglise catholique en Suisse.

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