Son nom n’a jamais été prononcé, mais son fantôme constamment invoqué. Marc Atallah, ancien directeur de la Maison d’Ailleurs à Yverdon-les-Bains, a dû avoir les oreilles qui sifflent ce jeudi matin. Pour mémoire, après une enquête de Blick mettant en cause le charismatique ex-dirigeant du musée de la science-fiction et plusieurs audits déclenchés dans la foulée, celui qui est aussi maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne (UNIL) avait finalement quitté sa fonction deux ans plus tard, à la fin 2023.
Face aux médias venus en nombre, le conseil de fondation de l’institution connue loin à la ronde a réglé ses comptes avec son golden boy à l'éclat terni par les polémiques. Avant de tenter d’esquisser un avenir meilleur que la situation financière alarmante actuelle.
Commençons par le commencement. Comme nous le révélions ce mardi 19 novembre, des réductions de postes de travail ont bel et bien été prononcées ces derniers mois au sein du musée. En outre, la Municipalité (exécutif) de la cité thermale demandera effectivement à son Conseil communal d’octroyer une aide exceptionnelle de 200’000 francs au lieu, qui fait la part belle aux utopies.
Marc Atallah dans le viseur
Toutes ces mesures s’inscrivent dans un plan visant à remettre la Maison d’Ailleurs sur les bons rails. Pour expliquer les difficultés actuelles, Gloria Capt, présidente du conseil de fondation et ancienne municipale libérale-radicale (PLR) de la capitale du Nord vaudois, avance la thèse «du développement rapide» du musée. «Il y a eu une surcharge progressive de l’ensemble des ressources tant humaines que financières, appuie-t-elle. Jusqu’au débordement. Des choses n’ont pas été faites correctement, l’image du musée s’est diluée et la relation avec les publics s’est brouillée. Preuve en est, la baisse de fréquentation constatée ces dernières années.»
Celle qui est par ailleurs avocate évoque aussi la double casquette de Marc Atallah, qui fut également le directeur du festival Numerik Games après l’avoir lancé. «On ignorait le taux du directeur dans le festival ainsi que celui des collaboratrices et collaborateurs du musée, enchaîne Gloria Capt. Cela a eu des conséquences. Le musée et ses collections en ont pâti, la qualité des expositions a baissé dans les dernières années. La dimension scientifique à l’époque amenée par Patrick Gyger (ndlr: aujourd’hui directeur de Plateforme 10), avec des moyens limités et une rémunération faible, s’est appauvrie.»
De plus, le conseil de fondation souffle avoir découvert l’ampleur des dégâts à la suite d’audits qui n’ont néanmoins pas permis d’éviter «diverses problématiques financières successives». En cause, notamment: «Une direction qui a peiné à les anticiper puis les résoudre de manière pérenne.»
La responsabilité du conseil de fondation
Depuis, nous l’avons dit, différents départs se sont succédé. Jusqu’à celui de Marc Atallah et d’une partie de son équipe. «En amont, l’institution a subi la perte de plusieurs mandats importants ainsi qu’une baisse de fréquentation de l’institution», affirme encore le conseil de fondation qui veut maintenant dévier les regards vers la première exposition chapeautée par le nouveau patron de la Maison d’Ailleurs Frédéric Jaccaud, annoncée courant 2025.
Si les autorités semblent déterminées à tirer un trait sur l’ère Marc Atallah, comment expliquer que le conseil de fondation ait eu besoin d’un article de presse pour se mettre en action? Autrement dit, comment expliquer que les faits dévoilés par Blick aient pu échapper à cet organe suprême, responsable de l’institution en période de beau temps, mais aussi en temps de crise?
«Les problèmes ne nous avaient pas complètement échappé, concède Gloria Capt. Nous étions, par exemple, au courant de la problématique RH soulevée par votre média. Mais, si certains faits étaient connus, il faut se rappeler qu’un conseil de fondation n’est pas dans l’opérationnel.» C’est-à-dire? «Il a un rôle de surveillance, mais il est tributaire des choses qui lui sont remontées, développe l’ancienne élue. Il fonctionne dans le cadre d’une relation de confiance avec la direction et pense a priori qu’elle fait les choses correctement. Si des choses lui sont cachées… Aujourd’hui, nous prenons nos responsabilités.»
Vraiment? Prenons une des critiques portées à l’époque: le népotisme, Marc Atallah ayant proposé sa femme pour ouvrir la boutique du musée aujourd’hui fermée. Dans les faits, son épouse était employée par le conseil de fondation. C’est donc cette structure et non pas Marc Atallah qui l’a formellement engagée.
Le conseil de fondation d’alors, dans lequel siégeaient déjà Gloria Capt et la co-syndique verte Carmen Tanner aux côtés de l'ancien président et conseiller communal PLR Laurent Gabella, a-t-il manqué à ses devoirs? «Vous savez qu’une décision se prend à la majorité au sein d’un conseil de fondation, rétorque la figure locale PLR. Il m’est impossible de dévoiler des discussions ayant eu lieu en son sein et confier qui a voté quoi. Ce que je peux dire, c’est qu’il fallait une part de courage pour rester dans un conseil qui dysfonctionnait et ne s’entendait pas.»