En livrant le contenu de la boîte mail sur plusieurs années de Peter Lauener, l'ancien responsable de communication d'Alain Berset, l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT) a commis «des milliers d'atteintes à la personnalité». Non seulement celle du porte-parole, mais de tous les destinataires du courrier électronique, estime un rapport du Département fédéral des finances (DFF).
En vertu de la loi sur la transparence, Blick et d'autres médias ont demandé au DFF de leur fournir le rapport, qui porte sur «la publication d'informations par l'OFIT dans le cadre de procédures pénales». Pour avoir livré beaucoup trop de contenu, l'OFIT est désormais sous la menace de poursuites judiciaires.
À lire sur l'affaire
À l'origine de «l'affaire Walder»
Reprenons le contexte. Dans le cadre de l'enquête sur «l'affaire Berset», le procureur spécial Peter Marti a demandé à l'OFIT de lui fournir le contenu des mails de son chef de la communication d'alors, Peter Lauener, sur une période de six semaines. Or, l'office a livré l'ensemble du contenu de la boîte mail de Peter Lauener, soit des milliers de mails, dont certains à des journalistes. Autant de personnes dont la personnalité a été violée.
Peter Marti avait fait lui-même remarquer à l'OFIT que les documents reçus portaient sur une période trop longue, mais il avait tout de même utilisé l'ensemble du contenu. C'est dans le «restant» des mails que l'enquêteur spécial a trouvé des indices que Peter Lauener envoyait à Marc Walder, CEO de Ringier, qui édite Blick, des informations à l'avance sur les mesures fédérales concernant le Covid.
Ueli Maurer «blanchi»
Comme l'a écrit la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter au directeur de l'OFIT le 11 avril dernier, le rapport ne se prononce pas sur la responsabilité de certaines personnes au sein de l'Office. Néanmoins, le document de 19 pages indique qu'une enquête a été diligentée pour déterminer si la direction du Département fédéral des Finances (DFF), dirigé à l'époque par Ueli Maurer, avait «donné des instructions motivées politiquement» pour fournir davantage d'informations que ce que le procureur spécial Marti demandait. Tant l'OFIT que le secrétariat général du DFF ont répondu par la négative, ce qui concorde avec les conclusions de l'enquête.
La remise de l'ensemble du contenu des boîtes aux lettres électroniques correspondait à la pratique courante, se défend l'Office. Selon un état des lieux établi par l'OFIT, 26 ordonnances de «production et de sauvegarde» ont été reçues entre 2018 et 2023 dans le cadre de procédures pénales: violations du secret de fonction, fraude, falsification de documents et de pornographie.
Pas de limitation technique
L'OFIT a justifié sa pratique en arguant que pour limiter les courriels à une période donnée, il fallait les consulter, ce qui n'était pas permis. Or, des clarifications menées depuis lors ont montré qu'il était tout à fait possible de limiter techniquement la livraison d'e-mails à une période donnée, y compris les éléments supprimés pendant cette période.
SRF avait révélé la livraison illégale de la part de l'OFIT. Celle-ci n'avait pas donné lieu à une plainte pénale de la part du DFF. Le rapport révèle que le Département partait du principe que les autorités de poursuite pénale allaient se saisir elles-mêmes de l'affaire.
Comme l'a annoncé Blick, le Ministère public de la Confédération (MPC) a effectivement entamé des enquêtes préliminaires en vue d'une procédure pénale. Une plainte pénale contre inconnu a été déposée par Peter Lauener.
Une mauvaise image pour l'OFIT
Outre la livraison intégrale des e-mails — une pratique à laquelle Karin Keller-Sutter a désormais mis fin —, qui viole les droits de la personnalité, le fait que l'office compétent en informatique ne sache pas qu'il existe des possibilités techniques pour sélectionner des e-mails sur une période donnée ne donne pas une très bonne image de l'OFIT. Le rapport rassure néanmoins sur le fait qu'il n'y avait aucune intention malveillante derrière la publication de tous les e-mails.
Il faut néanmoins noter que l'enquête a été menée par la division juridique du DFF, et qu'elle blanchit ainsi ses propres dirigeants et collègues de l'OFIT. Il sera intéressant de voir si les juges arrivent à la même conclusion en cas de procédure judiciaire devant se prononcer sur les mêmes éléments.