À la recherche des fuites d'informations
L'enquêteur avait pris pour cible le chef des services secrets en 2021

Peter Marti, chargé d'enquêter sur les fuites d'informations au gouvernement, avait mené à ce sujet en 2021 un interrogatoire contre l'ancien chef du SRC Jean-Philippe Gaudin. Ce dernier avait supplié l'enquêteur: un procès serait «sa fin».
Publié: 29.01.2023 à 18:32 heures
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Dernière mise à jour: 29.01.2023 à 19:55 heures
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L'enquêteur spécial Peter Marti avait déjà créé un tohu-bohu dans la Berne fédérale en mars 2021 lorsqu'il avait interrogé Jean-Philippe Gaudin, chef du SRC, sur des fuites d'informations.
Photo: NZZ-Photographen-Team
Rafi Reza

Les fuites d’informations provenant du gouvernement créent un tohu-bohu impressionnant au sein de la Berne fédérale: méfiance envers les médias et l’administration, diverses enquêtes ouvertes, ou encore un porte-parole de département honni.

L’ancien chef de la communication du Département de l’intérieur, Peter Lauener, est la cible de Peter Marti la plus en vue jusqu’à présent. On sait aussi que l’enquêteur spécial accuse deux collaborateurs du Département des affaires étrangères de violation présumée du secret de fonction. Dans les deux cas, il s’agissait d’indiscrétions en rapport avec l’affaire Crypto.

Un interrogatoire de plus de quatre heures

Dans cette affaire, une autre piste apparaît désormais au grand jour: comme le révèlent l'enquête du SonntagsBlick, Peter Marti avait également l’ancien chef des services secrets Jean-Philippe Gaudin en ligne de mire.

Ce général deux étoiles a dirigé le Service de renseignement de la Confédération (SRC) de 2018 à 2021. Peter Marti l’avait interrogé le 28 mars 2021 à Zurich en tant que personne appelée à fournir des renseignements.

L’interrogatoire, qui a duré quatre heures et demie, a été motivé par un rapport classifié de la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) du Parlement sur des appareils de chiffrement manipulés, dont une partie du contenu avait été préalablement diffusée dans les médias en 2020.

Peter Marti avait remarqué que le SRC s’en était «en fait plutôt bien sorti» dans un article de la «NZZ» d’octobre 2020 sur le sujet. «Ni le SRC en tant qu’unité organisationnelle ni l’activité de renseignement en tant que telle ne sont fondamentalement remis en question dans l’affaire qui nous occupe», déclarait-il.

Viola Amherd incomplètement informée

L’enquêteur spécial avait cependant formulé l’hypothèse que «c’était une personne du SRC» qui avait bien dû transmettre aux journalistes des passages du rapport confidentiel. Jean-Philippe Gaudin lui avait répondu qu’il ne pouvait pas s’imaginer que quelqu’un du SRC ait parlé.

Au cours de l’entretien, l’enquêteur ne cessait d’insister en plus sur un état des lieux que Jean-Philippe Gaudin avait commandé sur l’affaire Crypto et dont il n’avait apparemment informé que de manière incomplète la cheffe du DDPS Viola Amherd. Jean-Philippe Gaudin l’a reconnu: «Je n’ai peut-être pas suffisamment informé Madame Amherd. C’était peut-être une erreur de ma part.»

Pierre Marti n’a pas changé de cap après les récents rebondissements autour des fuites et s’imagine aujourd’hui être sur la piste d’un «violeur du secret de fonction» du SRC.

«Je ne sais vraiment rien»

Pierre Marti laisse donc l’épée de Damoclès au-dessus de la tête de Jean-Philippe Gaudin. Il ne le considère pas comme un coupable, mais ne peut «pas non plus l’exclure en tant qu’accusé», d’autant plus que le chef du SRC aurait un intérêt immense à pouvoir «influencer et contrôler les informations dans les médias».

Le comportement hésitant de Jean-Philippe Gaudin a fait réfléchir l’enquêteur: ce dernier doit-il engager une procédure d’autorisation contre l’ancien chef des services secrets, c’est-à-dire vérifier si une procédure pour violation du secret de fonction ne devrait pas être menée contre lui en tant qu’inculpé? Ce à quoi le fonctionnaire en chef affirmait: «Si une procédure était ouverte contre moi, ce serait la fin pour moi. Je ne sais vraiment rien.»

Licencié six semaines plus tard

Six semaines et demie après avoir été interrogé par Peter Marti, Jean-Philippe Gaudin a été licencié par la cheffe du DDPS. Probablement à cause du contrat avec un conseiller externe qu’il avait caché à la conseillère fédérale.

Comme le DDPS l’a fait savoir au SonntagsBlick, il ne s’exprimera «pas sur les enquêtes en cours». Il n’y aurait pas de lien entre l’audition et le licenciement de l’ex-chef du SRC. Toutes les personnes concernées bénéficient de la présomption d’innocence.

(Adaptation par Lliana Doudot)

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