Mattea Meyer soutient les syndicalistes
«Avec l'UDC, il n'y aura jamais de politique européenne constructive»

En mars, le peuple suisse votera sur la 13e rente AVS pour tous. La conseillère nationale suisse Mattea Meyer compte fermement sur une victoire de son parti. Dans le dossier européen, la co-présidente du PS soutient les syndicats. Interview.
Publié: 14.01.2024 à 13:44 heures
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Dernière mise à jour: 14.01.2024 à 13:46 heures
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Mattea Meyer se bat côte à côte avec les syndicats pour une Suisse sociale.
Photo: Linda Käsbohrer
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Peter Aeschlimann

Le 3 mars prochain, les Suissesses et les Suisses se rendront aux urnes pour voter sur deux initiatives que tout opposent. Le peuple suisse devra se prononcera sur l'initiative populaire de l'Union syndicale suisse «Mieux vivre à la retraite», qui demande une 13e rente AVS pour tous les retraités, et d'autre part, l'initiative sur les rentes des jeunes libéraux-radicaux «Pour une prévoyance vieillesse sûre et pérenne». 

La conseillère nationale socialiste Mattea Meyer compte fermement sur une victoire de son parti pour une 13 rente. Dans le dossier européen, la co-présidente du Parti socialiste (PS) est du côté des syndicats et déplore les lacunes du mandat du Conseil fédéral.

Mattea Meyer, comment vont les relations avec les syndicats?
Elles sont toujours aussi constructives.

Le président de l'Union syndicale suisse, Pierre-Yves Maillard, s'engage pour une 13e rente AVS. En même temps, il menace de bloquer les négociations avec l'UE. Quel est le PYM que vous préférez?
Au fond, il s'agit dans les deux cas de justice sociale: autrement dit, de faire en sorte que les gens aient suffisamment d'argent pour s'en sortir. C'est valable chez nous en Suisse, mais aussi de l'autre côté de la frontière. En sachant cela, je préfère... les deux.

Parlons d'abord de l'Europe. Le mandat de négociation du Conseil fédéral est «mesquin et sans ambition», d'après les dires de votre parti. Qu'est-ce qui vous dérange dans le projet?
Je voudrais d'abord préciser que nous soutenons le Conseil fédéral dans l'ouverture de négociations et que nous participerons à la recherche de solutions. Mais le mandat ne fournit pas de réponses aux grands défis de notre époque: injustice fiscale, manque de responsabilité des entreprises, crise climatique. Nous devons collaborer avec l'UE pour résoudre ces problématiques, mais le Conseil fédéral continue de les ignorer.

Monsieur Maillard s'acharne pourtant sur la réglementation des frais pour les travailleurs détachés...
Tous les ouvriers savent que des frais trop bas impliquent du dumping. Si des travailleurs polonais viennent en Suisse, ils gagneraient certes un salaire conforme aux usages du pays, mais en ce qui concerne le logement, ils recevraient des remboursements de frais beaucoup plus bas, aligné aux normes polonaises. On aurait alors à faire à un dumping salarial indirect au détriment de notre économie. Personne ne souhaite ce scénario.

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«Pourquoi libéraliser le trafic ferroviaire et tout mettre en péril? Nous ne supportons déjà pas lorsqu'un train a cinq minutes de retard...»
Mattea Meyer
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Il existe pourtant des solutions à ce problème. Dans l'UE aussi, le principe est le suivant: à travail égal, salaire égal au même endroit.
Le problème peut être résolu, à condition qu'il y ait une volonté politique derrière. Une chose est sûre: notre protection salariale est intangible. Nous combattrons toute détérioration de la situation des travailleurs. L'ouverture et l'intégration ne peuvent se faire que si elles sont associées à des mesures d'accompagnement.

Un autre point sensible concerne la libéralisation du trafic ferroviaire, qui ne semble pas non plus être un obstacle insurmontable. L'attitude de blocage des syndicats est-elle justifiée, selon vous?
Je n'appelerai pas ça une attitude de blocage. L'objectif est de trouver des solutions qui soient dans l'intérêt de la population et du service public. En ce qui concerne le transport ferroviaire, nous disposons d'une excellente infrastructure publique avec un horaire cadencé qui fonctionne grâce aux CFF. Pourquoi libéraliser le traffic et mettre tout cela en péril? Nous ne supportons déjà pas lorsqu'un train a cinq minutes de retard...

Faut-il pour autant rejetter tout l'accord?
Si la droite veut abuser du mandat de négociation pour démanteler les services publics et dégrader les conditions de travail, nous nous y opposerons. Le passé l'a clairement montré: en matière de politique européenne, nous n'avancerons que si les syndicats et les bourgeois tirent à la même corde. Avec l'Union démocratique du centre (UDC), il n'y aura jamais de politique européenne constructive. Un jour ou l'autre, le PLR et le Centre devront aussi se rendre compte qu'ils ont besoin de nous.

Comme lors de l'échec de l'accord-cadre, où l'on défendait des positions idéologiques sur la protection des salaires, le PS risque de devenir le fossoyeur des négociations avec l'UE.
C'est le conseiller fédéral PLR Ignazio Cassis, responsable de l'accord-cadre, qui l'a mis à mal. Aujourd'hui, nous avons fait un pas en avant, bien heureusement. Les négociations vont dans la bonne direction. Mais le mandat ne doit jamais être une fin en soi. Il doit toujours servir les gens, améliorer leur vie... ou du moins, ne pas la rendre plus difficile.

Le mandat aura-t-il un jour une chance de voir le jour?
Le peuple sera convaincu le jour où la protection des salaires en Suisse sera clairement établie. C'est un impératif.

L'adhésion à l'UE est-elle toujours la meilleure option pour vous?
Je vous l'ai dit, je pense que les réponses aux grands défis se trouve au niveau européen. Je préfère être à la table des négociations et pouvoir participer aux décisions plutôt que de rester à l'écart et me contenter de suivre.

Mais pour l'instant, pratiquement personne ne veut adhérer à l'UE...
Je suis consciente qu'une adhésion à l'UE n'est pas à l'ordre du jour. Nous essayons de faire bouger les choses là où nous en avons la possibilité, c'est-à-dire sur le mandat de négociation. Nous avons tendance à oublier que la Suisse se trouve au cœur de l'Europe. De nombreuses entreprises dépendent des exportations avec l'UE. Notre culture, mais aussi l'état de nos recherches actuelles sont marquées par l'Europe. La politique européenne influence notre quotidien.

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«L'AVS n'est pas une aide sociale! C'est une assurance pour chacune et chacun d'entre nous»
Mattea Meyer
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Changeons de sujet. Avez-vous déjà mis le champagne au frais en prévision du dimanche 3 mars?
Je ne suis pas trop champagne. Mais évidemment, j'espère que nous aurons quelque chose à fêter.

Vous avez vos chances. 70% des gens semblent actuellement favorables à une 13e rente AVS. Même les bourgeois sont pour!
Cela ne m'étonne pas. Pour la majorité, l'AVS est la prévoyance vieillesse la plus importante et la plus fiable. C'est un acquis social qui ne connaît pas les couleurs des partis. Les électeurs bourgeois voient eux aussi ce qu'il leur reste dans leur porte-monnaie à la fin du mois. Hausse des loyers et des primes d'assurance maladie, augmentation des prix des denrées alimentaires... Un mois entier de rente a été perdu ces derniers temps. Pour pouvoir compenser ces déficits, nous avons besoin d'une 13e rente AVS.

La majorité des retraités s'en sortent financièrement. Les autres se reposent sur des prestations complémentaires. Qu'est ce qui cloche dans ce système?
L'AVS n'est pas une aide sociale! C'est une assurance pour chacune et chacun d'entre nous. Tout le monde cotise, tout le monde reçoit une rente. C'est vrai que de nombreux retraités vivent agréablement. Ils ont une maison et un patrimoine, et peuvent profiter de leurs vieux jours sans soucis. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Certaines personnes ont travaillé toute leur vie et doivent compter chaque franc dépensé. Je reçois des courriers de grands-parents qui ne peuvent plus se permettre d'aller au zoo avec leurs petits-enfants. Cela me brise le coeur. Quiconque a travaillé toute sa vie mérite de pouvoir vieillir sans soucis.

En cas de oui, un financement supplémentaire serait probablement nécessaire à partir de 2030.
La question du financement se pose toujours lorsqu'il s'agit de prendre soin des gens. Mais elle ne se pose lorsqu'il fait verser des centaines de milliards de garanties d'État pour sauver Credit Suisse.

Mais des centaines de millards ne suffiront pas dans le cas d'une 13 rente. Karin Keller-Sutter prévoit même une augmentation des impôts si l'initiative venait à être acceptée. Alors, qui devra payer au final?
Le dénigrement des finances de l'AVS est systématique. L'œuvre sociale repose pourtant sur des bases stables. Le Conseil fédéral a annoncé que des excédents seront réalisés jusqu'en 2030. Si l'AVS devait un jour avoir besoin d'un financement supplémentaire, les politiques trouveraient une solution.

Quel genre de solution?
L'initiative ne fait aucune proposition concrète à ce sujet. Une augmentation des pourcentages salariaux serait certainement réalisable. Le patron de l'UBS Sergio Ermotti devrait alors payer 4400 francs de plus par mois, mais son AVS serait plafonnée. Un collaborateur à temps partiel paierait 20 francs de plus par mois, mais recevrait 200 francs de plus par mois à la retraite.

La population active gagnera moins...
L'AVS est financée de manière solidaire. Même les millionnaires contribuent à l'œuvre sociale avec chaque franc de salaire. Neuf personnes sur dix reçoivent plus d'AVS qu'elles n'ont jamais cotisé.

Pourtant, les millionnaires doivent aussi pouvoir en profiter.
Cet argument de l'arrosoir de la droite est hypocrite. Il ne ressort jamais lorsqu'il s'agit d'allégements fiscaux dont les millionnaires n'auraient pas davantage besoin.

Si le projet est accepté, Elisabeth Baume-Schneider aura encore plus de mal à préparer l'AVS pour l'avenir. Pourquoi infliger cela à votre conseillère fédérale?
Je suis certaine qu'Elisabeth Baume-Schneider comprend très bien pourquoi son PS s'engage pour une Suisse sociale. Nous avons une majorité bourgeoise au gouvernement qui voit les choses différemment. Pourtant, d'un point de vue économique, il est parfaitement logique de compenser les pertes de pouvoir d'achat d'une grande partie de la population. Je m'étonne encore de voir le Conseil fédéral bourgeois qui ne fait rien contre la hausse des loyers ou des primes maladie. Au final, la population est mise sur le carreau.

Les bourgeois ont tout de même fait des propositions. Avec son initiative sur les retraites, le PLR veut garantir le financement des assurances sociales.
L'initiative sur les retraites conduit à l'âge de la retraite à 67 ans. Tout le monde le sait: ceux qui peuvent se permettre de partir plus tôt à la retraite sont les banquiers et les gens du secteur des assurances. Ce sont eux qu'on entendra dire à 62 ans: «Au revoir tout le monde, je m'en vais profiter de ma retraite.» La caissière de la Migros, l'employé de la crèche et vous, le journaliste, devrez continuer à travailler pendant plusieurs années. De plus, il est bien connu que les personnes qui travaillent plus intensément sur le plan émotionnel et physique vivent moins longtemps. C'est injuste à mon sens.

Vous êtes la seule à participer au vote. Votre co-président Cédric Wermuth ne reviendra de son congé sabbatique que fin février. En parlant de lui, savez-vous ce qu'il fait?
Oui, tout les autres se reposent en ce moment. Ne comptez donc pas sur moi pour révèler où le trouver et comment le joindre (rires)!

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