Commentaire de Richard Werly
L'accord-cadre entre la Suisse et l'UE n'est pas si mort que ça!

L'annonce par le Conseil fédéral d'un prochain mandat de négociations pour aboutir à un accord entre la Suisse et l'Union européenne ne doit pas faire illusion. L'accord-cadre est peut-être enterré, mais son principe et ses grandes lignes ne sont pas morts.
Publié: 29.03.2023 à 20:31 heures
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Dernière mise à jour: 30.03.2023 à 09:15 heures
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Le 15 mars à Berne, Ignazio Cassis a reçu le Commissaire européen Maros Sefcovic, chargé du dossier suisse. Ce dernier était intervenu juste avant à l'université de Fribourg.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il est mort l’accord-cadre! Mort et enterré! A entendre Ignazio Cassis et les principaux protagonistes des négociations à venir avec la Commission européenne, le menu de celles-ci sera très différent du texte rejeté unilatéralement, le 26 mai 2021 par le Conseil fédéral. Logique.

Il faut bien justifier les deux années qui se sont écoulées. À écouter ces voix bernoises, tout est désormais différent. Le futur mandat de négociation avec Bruxelles, que le Conseil fédéral vient d’annoncer pour la fin juin, remettra la relation entre la Confédération et l’Union européenne sur des rails helvétiques.

L’Union européenne réitérera ses exigences

Le problème est que cette affirmation est fausse. Bien sûr, de nouveaux éléments seront pris en considération et intégrés à la négociation. On pense aux accords sur la santé (un secteur propulsé sur le devant de la scène par la pandémie de Covid-19) ou à la participation suisse au marché européen de l’électricité, rendue plus indispensable par la guerre en Ukraine et ses conséquences énergétiques.

Le périmètre des discussions sera donc différent, et cela n’a rien de surprenant. Mais regardons les choses en face: l’Union européenne réitérera les exigences qu’elle n’a d’ailleurs jamais abandonnées. La Suisse, membre de l’espace Schengen, devra reprendre plus systématiquement la législation communautaire et accepter, en cas de litige, que la Cour du Luxembourg soit le garant ultime de l’interprétation du droit européen. De facto, la Confédération perdra en marge de manœuvre ce qu’elle gagnera en accès au marché.

L’Union syndicale suisse est dans son rôle

L’Union Syndicale Suisse est dans son rôle lorsqu’elle alerte, dans un communiqué publié aussitôt après l’annonce du Conseil fédéral, sur le fait que «la Suisse a les salaires les plus élevés d’Europe, qu’elle est ouverte comme aucun autre pays du continent, et qu’elle a besoin de la meilleure protection des salaires qui soit.»

Normal, aussi, son insistance sur «les services publics qui occupent en Suisse une position particulière qui doit continuer à être préservée.» Sauf que depuis deux ans, les Européens eux-mêmes ont évolué sur ces sujets. Des questions comme la défense du pouvoir d’achat, le protectionnisme à l’échelle de l’UE ou les aides d’État accordées aux entreprises ne sont plus balayées avec mépris par les fonctionnaires de la Commission, obsédés par la question de la concurrence.

Certaines questions posées par la Suisse, pour faire simple, sont sur la table des Vingt-Sept. Croire en revanche que des dérogations fondamentales seront concédées à Berne sur la libre circulation des personnes et des travailleurs relève du fantasme.


L’accord-cadre est mort, oui. Mais il est assuré, à partir de la fin juin, de ressortir de son cercueil. C’est sur sa dépouille que les négociateurs vont immanquablement se retrouver, avec pour principal souci de le débaptiser, et d’en confectionner un autre, peut-être par «paquets bilatéraux», puisque les Suisses aiment cette formule. Le terme «reprise automatique» de la législation communautaire sera bien sûr banni…

L'UE a choisi son calendrier

En visite à Fribourg et à Berne les 15 et 16 mars, le Commissaire européen (slovaque) Maros Sefcovic a de toute façon tranché coté calendrier. L’objectif est, pour lui et pour sa patronne Ursula Von Der Leyen, d’en finir avec la Suisse d’ici à l’été 2024, avant l’entrée en fonction d’une nouvelle équipe au Berlaymont (suite aux élections de mai 2024), le QG bruxellois de l’institution.

Attendue sur place le 20 avril pour d’ultimes pourparlers exploratoires, la négociatrice Suisse Livia Leu n’a, au fond, qu’une seule mission: ressusciter, en jurant le contraire, l’esprit de l’accord que la diplomatie helvétique a décidé de tuer voici deux ans.

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