Qui donne le ton en Suisse? En 2024, c'est «Pym Il-sung». C'est ainsi que Pierre-Yves Maillard est parfois malicieusement appelé. «Pym» sont les premières lettres de son prénom et de son nom. Le jeu de mots avec la famille dirigeante nord-coréenne laisse entrevoir à quel point Pierre-Yves Maillard domine en politique, et pas seulement dans le camp de la gauche.
Le conseiller aux Etats socialiste vaudois et puissant patron syndical sera incontournable cette année. Dans la politique européenne qui vient d'être relancée, il est une puissance de veto. Et dès les prochaines semaines, le président de l'Union syndicale suisse (USS) sera omniprésent sur le dossier. Le 3 mars, les Suisses voteront sur une 13e rente AVS. Et le Vaudois ne cessera de militer pour le oui.
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Un homme puissant issu de la classe ouvrière
Mais l'analogie avec la dynastie Kim n'est pas appropriée. Certes, Pym se bat toujours avec acharnement. Et il ne connaît pas la demi-mesure. Mais c'est avant tout un homme du peuple.
Interrogé sur son caractère, il commence par dire: «C'est un honneur d'être parlementaire et président de l'USS.» Avant d'ajouter: «Je viens d'une famille ouvrière, je n'ai pas eu les meilleures chances. Mais j'ai reçu beaucoup de confiance de la population, je souhaite maintenant être à son service.» Puis, il plaisante: «Sinon, je m'ennuie.»
Pierre-Yves Maillard a grandi dans des conditions modestes, son père travaillait comme garagiste et concierge, sa mère était ouvrière d'usine. Aujourd'hui, le politicien s'identifie avec fierté à la classe ouvrière. Il vit avec sa femme et ses deux enfants dans la banlieue ouvrière de Lausanne, à Renens, où le PS, les Vert-e-s et le Parti du travail donnent le ton. Il aime les chansons du «Boss» Bruce Springsteen. On le trouve au moins une fois par semaine à une réunion syndicale, et le week-end sur un terrain de foot.
Pourtant, malgré un quotidien populaire, Pierre-Yves Maillard est désormais l'un des hommes les plus puissants du pays. Il est craint comme un «socialiste à la tête dure» mais apprécié comme «dealmaker». Il a appris le métier sur le tas: il a été conseiller communal, cantonal, national ainsi que membre du Conseil d'État vaudois. Et maintenant, le voilà membre du Conseil des États. Seul le poste de conseiller fédéral lui a échappé. Mais en tant que patron syndical, il est toujours capable de pousser le Conseil fédéral devant lui avec des référendums et des initiatives. C'est peut-être une meilleure affaire.
Il ne connaît qu'un seul sujet
En mars prochain, Pierre-Yves Maillard se battra pour plus de rentes. Juin sonnera le début de la prochaine campagne de votation, pour la réduction des primes. Ensuite, l'initiative du PS, qui demande que personne ne paie plus de 10% de son revenu pour la caisse maladie, sera soumise aux urnes. Enfin, en septembre au plus tard, le Vaudois lancera le référendum contre la réforme des caisses de pension.
«Au cours des six prochains mois, la population a la possibilité de résoudre elle-même ses deux principaux soucis: le poids des primes et la prévoyance vieillesse», lance-t-il en minimisant son rôle, dans un entretien avec Blick. Il espère que «la population fera usage de son pouvoir pour se battre pour ses propres préoccupations». Car il n'y a rien à attendre du Conseil fédéral et du Parlement dans la lutte contre la «perte de pouvoir d'achat la plus brutale depuis des décennies».
Ce qui relie l'AVS, les primes, la caisse de pension et aussi la politique européenne dans l'esprit de Pierre-Yves Maillard, c'est son véritable thème: le pouvoir d'achat. «Le pouvoir d'achat, c'est la liberté. C'est l'avenir!»
Ses chiffres, il les connaît
Le PS n'a vraiment découvert le sujet que lors de la campagne électorale de 2023, alors que Pierre-Yves Maillard demandait déjà en 2018 dans une entrevue avec Blick: «Nous devons trouver des solutions à la baisse du pouvoir d'achat.» Cela montre à quel point son flair pour les thèmes à venir est développé. Et combien sa capacité à mettre à nu le cœur d'un problème, ou du moins à le révéler, est bonne.
«La votation de mars est décisive», affirme Pierre-Yves Maillard. Si la 13e rente AVS passe, cela aidera à trouver de meilleurs compromis sur les primes et autres. Et pour cela, il ne craint pas les slogans populistes. «En une année, un rentier AVS moyen reçoit autant qu'un conseiller fédéral en deux semaines. Cela devrait faire prendre un peu conscience à nos conseillers fédéraux de la difficulté de vivre avec une rente AVS.»
Ceux qui lui demandent qui doit payer l'AVS, les primes et tout le reste, récoltent un feu d'artifice d'arguments et de chiffres:
- L'AVS fera entre trois et quatre milliards de bénéfices dans les années à venir, la 13e rente est donc financée.
- Un conseiller fédéral qui a risqué 200 milliards pour le sauvetage d'une banque privée ne devrait pas attiser la peur pour les finances de l'AVS.
- Tant qu'il y a de la place dans le budget fédéral pour cinq milliards de dépenses supplémentaires pour l'armée, quelques centaines de millions de plus pour l'AVS sont également possibles.
Sur les politiques suisses
Un «oui» pour la voie bilatérale
Pour ses combats, Pierre-Yves Maillard ne craint aucune arène, même pas celle du stand de tir de l'Albisgüetli – là où l'UDC zurichoise tient sa traditionnelle conférence annuelle à la mi-janvier. Un endroit difficile pour la gauche. Mais le patron du syndicat saisira sa chance en tant que contradicteur de Christoph Blocher, tout en faisant pression sur le Conseil fédéral.
Il s'insurgera contre la baisse du pouvoir d'achat et obtiendra ainsi quelques voix supplémentaires en faveur de la 13e rente AVS. Il mettra en garde contre un mauvais accord avec Bruxelles. Parce qu'il sait que seul son «oui» peut sauver la voie bilatérale. Ce qui lui vaudra le reproche de bloquer une solution. «Blocage? Je ne vois pas les choses ainsi, rétorque-t-il, endurci. Nous avons la liberté d'expliquer notre position.»
Et quelle est cette position? Ne pas céder un iota sur la protection des salaires, ni sur le service public. Selon Pierre-Yves Maillard, les syndicats sont les seuls à avoir fait des propositions concrètes pour les deux thèmes. Contrairement aux employeurs, au Conseil fédéral, aux partis bourgeois, précise-t-il. «Quand on ne se déplace plus que dans la Berne fédérale, on court le risque de faire de mauvais compromis. On est content quand on peut encore changer un mot dans une loi. On oublie la réalité du pays, en dehors de la capitale.» En 2024, il fera tout pour que cela n'arrive pas.