Malgré l'accord des hôpitaux
La Suisse refuse de soigner les blessés d'Ukraine

Par l'intermédiaire de l'OTAN, la Suisse a été invitée à accueillir et soigner des blessés ukrainiens. Notre pays a dit non alors que les cantons et les hôpitaux étaient plutôt pour. C'est du côté du Département fédéral des affaires étrangères que les choses ont coincé.
Publié: 19.07.2022 à 18:29 heures
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Dernière mise à jour: 19.07.2022 à 18:31 heures
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Des soignants s'occupent des blessés à l'hôpital de Vinnyzja, à plus de 200 kilomètres au sud-ouest de Kiev.
Photo: keystone-sda.ch
Lea Hartmann

L’Ukraine a besoin d’aide pour soigner ses soldats et ses civils blessés. Elle a demandé à d’autres pays d’accueillir des patients ukrainiens, car les hôpitaux sont surchargés dans le pays ravagé par la guerre. De nombreuses installations médicales ont été détruites dans des frappes militaires.

Le «Tages-Anzeiger» révélait lundi qu’une demande d’aide similaire avait été adressée à la Suisse. Cette requête aurait été formulée dès le mois de mai, non pas directement par l’Ukraine, mais par l’intermédiaire d’un centre de crise de l’OTAN chargé de coordonner les évacuations médicales de zones de guerre. Il ne s’agit pas seulement de soldats blessés, mais aussi de civils mutilés ou de personnes ayant besoin d’un traitement hospitalier pour un autre motif que celui de la guerre.

La Confédération aurait refusé cette requête, alors que les cantons étaient d’accord de venir en aide aux Ukrainiens. C’est ce que rapporte l’enquête du quotidien alémanique.

Trois conseillers fédéraux impliqués

D’après le «Tages-Anzeiger», la demande est parvenue au Service sanitaire coordonné (SSC) de l’armée suisse. Des clarifications ont alors été immédiatement entreprises, dans lesquelles ont été impliqués, outre le Département de la défense (DDPS) de Viola Amherd, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) d’Alain Berset et le Département des affaires étrangères (DFAE) d’Ignazio Cassis.

Le service sanitaire a en outre consulté la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), car l’administration des hôpitaux relève de l’autorité cantonale. Lukas Engelberger, directeur bâlois de la santé et président de la CDS, affirme que lors d’une réunion le 19 mai, les parties prenantes se sont montrées «en principe ouvert[es] à la reprise par les cantons, respectivement les hôpitaux». L’OFSP et le SCC auraient également signalé leur disponibilité.

Inquiétudes quant à la neutralité

Si l’OTAN a finalement reçu une réponse négative, c’est à cause du DFAE. À la mi-juin, ce dernier aurait fait savoir dans une prise de position qu’il refusait l’admission de patients ukrainiens pour des raisons juridiques et pratiques. Cette appréciation aurait été déterminante pour le SSC.

Le DFAE d’Ignazio Cassis a fait état de préoccupations liées à la neutralité. Les Conventions de Genève, ratifiées par la Suisse, n’interdisent certes pas aux États neutres de traiter les soldats d’autres pays. Mais dans ce cas, ils doivent veiller à ce que ces derniers «ne puissent plus participer à des opérations de guerre» après leur guérison. Pour cela, la Suisse devrait même, le cas échéant, emprisonner les soldats. Une alternative – toutefois totalement irréaliste – serait, selon le DFAE, que la Russie autorise le retour des soldats ukrainiens rétablis.

On préfère aider sur place

Les civils pourraient certes être soignés. Mais Johannes Matyassy, directeur de la direction consulaire du DFAE, objecte: «Il est presque impossible de distinguer les civils des soldats. En ce moment, en Ukraine, de nombreux civils prennent aussi les armes.»

Il souligne que le DFAE «n’a pas simplement dit non», mais qu’il a l’intention d’aider sur place. Il a été décidé que l’aide humanitaire de la Confédération soutiendrait des hôpitaux civils en Ukraine. Il n’a toutefois pas encore été décidé quand ni dans quelle mesure.

Le directeur général de la santé, Lukas Engelberger, regrette cette décision. «D’un point de vue humanitaire, il aurait été souhaitable d’accueillir des civils», déplore-t-il.

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