Fosses communes, femmes violées, des civils marqués par la torture... Des tas d'horreurs ont été commises lors de la guerre en Ukraine. Ils constituent des crimes de guerre. Le parquet général de Kiev enquête sur plus de 15'000 violations présumées du droit pénal international, toutes commises depuis le 24 février, jour où la Russie a envahi l'Ukraine.
Cette dernière appelle désormais la Suisse à l'aide. Le porte-parole Raphael Frei le confirme: «Des demandes d'entraide judiciaire ont été déposées par l'Ukraine. Elles sont actuellement en cours d'examen auprès de l'Office fédéral de la justice.» Le pays y demande officiellement à la Confédération de l'aider à enquêter sur des crimes de guerre. Celle-ci ne donne aucune indication sur le contenu exact des documents. Il est toutefois probable que Kiev souhaite que Berne interroge des témoins de crimes de guerre réfugiés en Suisse.
La Suisse n'est pas inactive
Il est également possible que l'Ukraine possède des informations selon lesquelles des auteurs présumés de crimes de guerre se trouvent en Suisse. Dans ce cas, le Ministère public de la Confédération pourrait ouvrir sa propre procédure pénale pour crimes contre le droit international. Aucune procédure de ce type n'est toutefois en cours à ce jour.
Mais la Suisse n'est pas inactive. Comme l'a révélé Blick à la mi-juin, l'Office fédéral de la police (Fedpol) a entre-temps interrogé des témoins potentiels qui se trouvent sur son territoire. Ces personnes sont des réfugiés ukrainiens. Ils se sont adressés à la Confédération car ils possèdent des informations sur des crimes de guerre présumés. La Fedpol a mis en ligne à cet effet un formulaire d'annonce pour les personnes déplacées en raison de la guerre.
Les efforts en Suisse sont coordonnés par une taskforce sous la direction du procureur général de la Confédération Stefan Blättler. Le Secrétariat d'Etat aux migrations y participe également. L'objectif commun est de préserver les preuves afin de pouvoir réagir rapidement aux demandes d'entraide judiciaire.
L'Europe déterminée à faire la lumière sur les crimes
Pour ce faire, la Suisse travaille en étroite collaboration avec des partenaires étrangers. C'est le cas d'un groupe d'enquête mis en place par l'agence européenne Eurojust, dont fait partie, en plus de différents pays, le Tribunal pénal international de La Haye.
Dès la mi-mai, le procureur fédéral Stefan Blättler s'est rendu aux Pays-Bas pour y rencontrer le procureur en chef de la Cour pénale internationale, Karim Khan. L'Europe aura rarement été aussi déterminée à faire la lumière sur des crimes de guerre de manière aussi rigoureuse. Que ce soit à Boutcha, Irpin ou Borodjanka, les rapports sur les atrocités commises par les troupes de Poutine ont manifestement mis d'accord même des nations souvent divisées.
Mais il faut être conscient que les résultats ne seront peut-être pas pour tout de suite. Les efforts internationaux pour lutter contre les violations du droit international en Ukraine prendront beaucoup de temps. La recherche de preuves s'avère difficile et l'identification des auteurs pourrait prendre des années.
(Adaptation par Thibault Gilgen)