L'appel d'Adolf Ogi
«Seul le pape François peut encore faire entendre raison à Poutine»

L'ancien conseiller fédéral fêtera ses 80 ans lundi 18 juillet. Il sera ensuite, le 23 juillet, l'invité des rencontres «Swiss Made Culture» à Crans Montana (VS). Il lance un appel au seul capable d'obtenir la paix en Ukraine: le pape François.
Publié: 17.07.2022 à 06:07 heures
|
Dernière mise à jour: 17.07.2022 à 08:08 heures
L'ancien Conseiller Fédéral Adolf Ogi fête ses 80 ans ce lundi 18 juillet. Il sera l'invité de Swiss Made Culture à Crans Montana le 23 juillet.
Photo: Peter Mosimann
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Adolf Ogi veut encore croire à la paix en Ukraine. Alors qu’il s’apprête à fêter ses 80 ans ce lundi, l’ancien conseiller fédéral (1988-2000) estime possible de rompre le cycle infernal de violences par un geste fort: un appel à la médiation du pape François dans le Donbass! En plus d’avoir répondu aux lecteurs de Blick, il nous a accordé un entretien sur la situation internationale et les défis actuels pour la Suisse dans ses relations avec l’Union européenne. Une parole forte et directe, qu’il sera possible d’entendre le samedi 23 juillet à 18h30, lors des rencontres «Swiss Made Culture» de Crans-Montana.

La guerre en Ukraine bouleverse tout. Vous ne pensiez sans doute pas fêter vos 80 ans dans des circonstances aussi tragiques. L’Europe a aujourd’hui un conflit à ses portes qui pourrait bien s’étendre. Que faire pour l’arrêter?
Il faut tenter le tout pour le tout. Poser un geste symbolique fort, tendre une main que les deux présidents Poutine et Zelensky ne pourront pas refuser. Or, je ne vois aujourd’hui qu’une seule personnalité capable d’obtenir un tel résultat: le pape François. Je sais que son état de santé est fragile mais il doit se rendre dans le Donbass et y demander solennellement un cessez-le-feu en invitant les deux chefs d’Etat à se rencontrer en sa présence. Il faut arrêter de tourner autour du pot. Je parle comme un protestant croyant. Le Pape est la seule personnalité qui peut espérer être respectée par les deux parties. Il est le seul qui peut faire entendre raison au président russe. Je pense que Vladimir Poutine, qui a beaucoup misé sur le renouveau de la religion orthodoxe en Russie, pourrait difficilement refuser une telle invitation et s’opposer à un tel voyage. Le pape doit tenter l’impossible: rouvrir la porte d’une paix possible.

La Suisse a décidé d’appliquer les sanctions européennes contre la Russie. Sa neutralité se retrouve exposée. Qu’en pensez-vous?
La Suisse se devait d’être solidaire avec ses voisins et avec les pays démocratiques. Je ne crois pas que la neutralité suisse soit altérée. Elle demeure. Ses mesures ne sont pas dirigées contre la Russie, mais contre le régime de Vladimir Poutine qui a choisi la guerre et la violation brutale de l’ordre international tel que défini par les Nations unies. Ne rien faire face à Poutine, c’est avaliser l’idée qu’un grand pays peut à tout moment décider de s’en prendre à un petit pays voisin. Je suis convaincu que la Suisse demeure perçue comme un pays neutre au sein de la communauté internationale. Mais je ne suis pas contre l’initiative lancée par Christoph Blocher. Qu’il le fasse. Qu’il rouvre le débat sur notre neutralité. Tant mieux. Si cela permet au peuple suisse de débattre de ce concept en profondeur, profitons-en.

La guerre en Ukraine redéfinit aussi nos relations avec l’Union européenne, dans l’impasse depuis le rejet par le Conseil fédéral du projet d’accord institutionnel, en mai 2021.
Je suis très inquiet à ce sujet. Ce qui a été fait n’est ni correct vis-à-vis de l’UE, ni productif pour la Suisse et pour la suite. On ne peut pas négocier pendant des années puis arrêter d’un jour à l’autre sans avoir un plan, une stratégie, un objectif. Il faut bien se rendre compte que cette façon de faire a braqué nos partenaires européens. Ils se sont sentis giflés, et ils se comportent depuis comme des voisins blessés. On peut bien sûr stopper une négociation. La Suisse en avait le droit. Mais pas comme ça. Pas de cette façon. D’ailleurs, regardez le résultat: tout le monde est fâché contre nous. Fâché, c’est peut-être exagéré, mais quand même. Macron qui refuse de rencontrer Parmelin, président de la Confédération, c’est incroyable! C’est un signe. La Suisse n’est plus dans le radar de nos voisins. Le bilan de cette année écoulée, vis-à-vis de l’Union européenne, est complètement négatif.

Et on en sort comment, de cette impasse?
Le Conseil fédéral doit s’impliquer. Collectivement. Directement. On ne confie pas un sujet de cette importance à une négociatrice et aux diplomates, aussi talentueux soient-ils. Il faut prendre les choses en main, provoquer une nouvelle rencontre, bref, s’engager. Je l’ai fait dans le passé, lorsque j’étais aux affaires pour négocier l’accord de transit avec l’Union. Je n’avais pas hésité à m’engager pour une solution.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la