L’ancienne patronne du groupe électrique BKW, une des plus importantes entreprises suisses de fourniture d’électricité, tire la sonnette d'alarme. Suzanne Thoma s’attend au pire en matière d’approvisionnement énergétique: «Nous devons nous préparer à d’éventuelles coupures de courant», déclare-t-elle dans une interview accordée au magazine «Bilanz», publiée ce vendredi.
À ses yeux, le fait que les barrages suisses aient «relativement peu d’eau» est inquiétant. Mais notre pays n’est pas le seul qui doit trembler: les centrales nucléaires françaises vieillissantes ne fonctionnent qu’à moitié en raison de longs travaux de maintenance et l’Allemagne n’a pas assez de gaz en raison de la guerre en Ukraine.
Avec une éventuelle coupure de courant, l’approvisionnement en eau potable de la population est également menacé, prévient-elle. Elle estime néanmoins qu’il est juste de mettre les ménages privés à contribution pour économiser l’électricité, plutôt que de se limiter aux consommateurs industriels.
«Je préfère avoir un peu plus froid chez moi et une économie qui fonctionne. Il y va de l’emploi, de la réputation de la Suisse en tant que place industrielle, tertiaire et économique», lance-t-elle à ce sujet.
La sortie du nucléaire, une erreur?
Suzanne Thoma rend également la jeunesse climatique coresponsable de la menace de pénurie d’électricité. La possibilité de construire des centrales à gaz était sur la table. Toujours selon elle, les militants climatiques se sont opposés à cette «technologie traditionnelle».
«Pourtant, les centrales n’auraient guère augmenté les émissions de CO2 car elles ne fonctionnent que lorsqu’on en a vraiment besoin, et pas toute l’année», appuie-t-elle. Sur ce genre de thématiques, les considérations idéologiques mènent tôt ou tard à l’impasse, ajoute l’ancienne gestionnaire d’électricité.
Suzanne Thoma considère également que l’abandon du nucléaire est une erreur — bien qu’elle ait été personnellement responsable de l’arrêt de la centrale nucléaire de Mühleberg en tant que directrice de BKW. «Du point de vue de l’entreprise, la poursuite de l’exploitation aurait été une charge énorme». Mais: «C’était quand même une erreur». Elle enchaîne, estimant que la construction de nouvelles centrales nucléaires est une option qui mérite d’être sérieusement examinée.
Un nouvel employeur qui questionne
Dans l’interview, celle qui est titulaire d’un doctorat et d’un diplôme d’ingénieure EPF s’exprime également en détail sur son nouvel employeur, le groupe industriel Sulzer de Winterthour — et sur son grand actionnaire Viktor Vekselberg. Cet oligarque russe figure depuis 2018 sur une liste de sanctions américaines en raison de sa proximité supposée avec le président russe Vladimir Poutine. Depuis, il a dû réduire ses parts dans Sulzer à moins de 50%.
Bien que Vekselberg ne détienne «plus que» 49% du groupe, ce dernier doit faire face à des restrictions en raison des sanctions. Au printemps, Sulzer a même dû fermer ses succursales en Pologne à la suite d’un ordre du gouvernement. Conséquence: des pertes de plusieurs millions de francs!
Interrogée sur le fait de savoir si elle serait heureuse s’il n’était plus un actionnaire important de Sulzer, Suzanne Thoma répond par la négative. L’oligarque s’est engagé à long terme et a accompagné l’entreprise pendant plus de quinze ans dans des périodes plus ou moins difficiles. «Il faut le lui reconnaître», avance-t-elle.