Au bout du fil, Oskar Freysinger n’a rien perdu de sa verve. Ce lundi, l’ancien ministre valaisan habitué des polémiques a de quoi avoir le sourire. Il vient de gagner une manche cruciale dans un long combat judiciaire. «Quand je pense que toute cette affaire dure depuis six ans, soupire-t-il toutefois. Je suis effaré par la durée même si très satisfait sur le fond.»
Posons le décor. Entre les deux tours de l’élection au Conseil d’Etat en 2017, un Chablaisien avait posté sur Twitter la phrase: «Je ne suis pas raciste, parce que le racisme est un crime. Et le crime c’est pour les noirs.» Cet internaute faisait croire qu’elle avait été publiée par Oskar Freysinger.
Le Tribunal cantonal (TC) vient de confirmer sa condamnation pour diffamation, prononcée en 2021 par le Tribunal de Martigny, relate «Le Nouvelliste» en début d’après-midi. Dans son jugement, le TC rappelle tout d’abord que «la liberté d’expression indispensable à la démocratie implique que les acteurs de la lutte politique acceptent de s’exposer une critique publique, parfois même violente, de leurs opinions».
Cependant, selon les juges cantonaux, «si on ne peut évidemment contester le droit de tourner en dérision les personnalités publiques, notamment dans la période qui précède une élection, ce droit ne saurait empiéter sur celui de la personne visée à son honneur».
Or, toujours selon le quotidien régional, la cour précise bien qu’il y a atteinte à l’honneur si «l’attaque ne se limite pas à rabaisser les qualités de l’homme politique et la valeur son action», mais l’expose aussi «au mépris en tant qu’être humain». Ce qui est le cas ici pour le TC.
L'auteur du tweet est donc condamné à 20 jours-amende avec sursis. Les frais et dépens, eux, se montent à 8667 francs. À cela s'ajoute le remboursement de l'assistance judiciaire — 4365 francs — et les prétentions civiles encore inconnues. «Une douloureuse à plus de 14'000 francs», résume en ligne l'avocat Sébastien Fanti. Un recours au Tribunal fédéral reste possible.
Que deux plaintes du genre
«Je me suis ramassé énormément de choses dans la poire mais là, ça allait trop loin», glisse à Blick l’ancienne figure de l’Union démocratique du centre (UDC) en Suisse romande. «Aller usurper mon nom puis publier une phrase ignoble, je trouve cela particulièrement perfide, assène-t-il. Je suis content que la justice le reconnaisse. Malheureusement, l’auteur du message, lui, n’a pas eu de prise de conscience. Tant pis.»
Celui qui fut probablement le plus célèbre politicien au catogan du pays indique que ce n’était que la deuxième fois qu’il déposait une plainte du genre. Souvenez-vous. Fin août 2007, le cador du parti radical valaisan Adolphe Ribordy allait trop loin en publiant, dans le journal du parti radical «Le Confédéré», une caricature d’Oskar Freysinger aux côtés d’Adolf Hitler flanquée du message «Autrichiens: on a déjà donné», référence à la nationalité de l’ancien conseiller national conservateur.
L’habitant de Savièse en garde un souvenir amer: «Un média gratuit avait reproduit ce dessin et un camarade de classe de ma fille lui avait posé un exemplaire sur son pupitre. J’avais eu mal pour elle. Ces affaires marquent, c’est certain.»
L’affaire du drapeau controversé
Dans le lot des controverses qui l’ont touché, Oskar Freysinger cite encore l’épisode du fanion qui avait fait le buzz après avoir été filmé dans sa maison. «On m'a accusé d'être en possession d'un drapeau du IIIe Reich alors qu'il s'agissait d‘un drapeau de la marine impériale tombé en désuétude en 1918, peste-t-il. Ça, c’est probablement l’épisode le plus douloureux que j’ai eu à vivre puisque mon père avait souffert de cette époque en Autriche et qu’il en avait tiré une agoraphobie terrible. Mais voilà… Une fois que c’est publié en ligne, on ne peut plus rien faire, on est complètement impuissant.»
Interrogé sur les réseaux sociaux et sur les attaques qui y fusent, l’ancien vice-président de l’UDC Suisse, qui a souvent manié l’art de la provocation et du clash, est pessimiste. «Cela fait six ans que je me suis retiré de la politique et je ne pense pas que je pourrais aujourd’hui avoir les mêmes débats qu’alors, avec la même liberté de parole. Aujourd’hui, c’est directement la chasse aux sorcières et cela ne va pas en s’améliorant. Je place la bascule à 2020. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a eu un avant et un après Covid.»
Juste avant de raccrocher, le Valaisan qui n’avait pas été réélu après être arrivé derrière le libéral-radical Frédéric Favre souffle un vœu pieux: «Pour moi, on devrait pouvoir tout dire tant que cela respecte le cadre légal. Y compris des bêtises! Nous sommes assez grands pour faire le tri. Je regrette que trop souvent l’insulte remplace l’argument.»