Spectaculaire. Exceptionnel. Terrifiant. Aucun qualificatif n’est trop fort pour décrire l’immense incendie de Vétroz (VS) qui s’est déclaré dans une halle industrielle, le jeudi 6 juillet. Les efforts de 140 pompiers ont été nécessaires pour venir à bout de ce brasier, finalement complètement éteint ce lundi. Les nombreuses images du sinistre, qui n'a heureusement fait aucun blessé, ont d’ores et déjà marqué les esprits.
Y compris celui de Frédéric Favre. Le conseiller d’Etat valaisan en charge de la Sécurité était aux premières loges, lorsque les flammes hautes de plusieurs mètres ont commencé à lécher le ciel, confie-t-il à Blick. Nous sommes désormais quelques jours plus tard. Les cendres sont retombées, tout le monde va bien. Le ministre savoure le calme retrouvé. À froid, il se replonge néanmoins à notre demande au cœur du feu et nous raconte la manière dont il a intimement géré les événements.
L'occasion rêvée pour s’élever un peu: comment l’homme fort du Parti libéral-radical (PLR), qui saute d’une situation «problématique» à une autre dans le cadre de ses fonctions, vit-il ses émotions dans ce genre de moments intenses? Plus généralement, quelle est sa technique pour faire face aux drames tout en se protégeant? Interview.
Comment avez-vous réagi quand vous avez vu le gigantesque incendie de Vétroz?
J’ai réagi avant tout le monde, puisque j’habite Vétroz et que j’étais vraiment en face du sinistre. Depuis chez moi, à l’étage, on voyait absolument tout en direct. C’est vrai qu’une scène pareille interpelle. Après, pour être franc, nous sommes régulièrement devant des situations problématiques avec le Département de la sécurité, donc…
Des situations problématiques de cette ampleur?!
Évidemment, quand on parle de feux, cette fois, c’était un cas hors normes. Cependant, dès que j’ai appris que personne n’était blessé, j’ai été soulagé. Vous savez, j’ai malheureusement déjà connu des cas bien plus dramatiques.
Un exemple vous vient en tête?
Rappelez-vous l’avalanche à Crans-Montana, en 2019. Nous ne savions pas combien de personnes étaient ensevelies. Finalement, un mort. Mais cela aurait pu être encore bien pire. J’étais directement monté sur place. Cela marque.
Vous portez votre casquette de ministre dans ce genre de moments, mais qu’est-ce que l’homme ressent?
Beaucoup de tristesse. Réaliser que des gens sont touchés physiquement ou, pour reprendre le cas de Vétroz, économiquement et écologiquement, c’est lourd. Sur le moment, je laisse travailler les professionnels et suis en contact permanent avec ma cheffe de service. Les jours qui suivent, je m’intéresse aux personnes impactées et les secours engagés. Ces derniers ont besoin d’un capitaine qui a un discours clair, qui les écoute, et qui, surtout, leur fait confiance. Je dois donc laisser mes émotions de côté, même si je n’ai d’ordinaire pas de problème à les communiquer.
Il y a des fois où masquer vos sentiments est impossible?
Début 2022, j’étais président du gouvernement quand nous avons commémoré les dix ans de l’accident de car de Sierre, qui avait fait 28 victimes, dont 22 enfants. J’ai fait mon discours, j’étais avec les familles et, forcément, j’ai ressenti beaucoup de choses. Bien sûr, j’ai, comme toujours, essayé de porter un message serein. Cette fois-là, ce n’était pas évident.
Le soir, quand vous rentrez chez vous, vos émotions vous rattrapent?
Elles ne me rattrapent pas forcément… La réalité de mon travail, c’est que je passe d’une situation problématique à une autre. Actuellement, ce qui m’occupe, c’est que nous allons probablement devoir prendre des mesures en lien avec la canicule et les risques d’orage. Si j’accumule sur mes épaules le poids de tous les cas que nous traversons, cela devient dangereux pour ma santé et je serais moins efficace pour soutenir la population valaisanne. Je ne peux donc pas me le permettre, je sais faire la part des choses.
Vous avez une technique pour laisser ces situations problématiques derrière vous?
Le sport! J’en fais beaucoup. J’aime courir pour me vider la tête. Je me répète aussi que, dans ces crises, l’aspect humain ne m’appartient pas: ce n’est pas moi, le responsable.
Revenons au cas de Vétroz. Une scène vous a particulièrement touché?
Oui. Je suis revenu sur le lieu du sinistre dimanche puisque 100 astreints de protection civile étaient sur place en train de nettoyer les débris, sous une chaleur caniculaire. Même si des mesures de sécurité étaient toujours en vigueur et que la mobilisation était massive, le pire était déjà derrière. À ce moment-là, je vais au contact de ces gens et cela me touche de les voir si engagés, d’autant plus qu’une personne souffre d’un coup de chaleur et est par conséquent dans les mains des samaritains.
Nous avons beaucoup parlé des sentiments lourds causés par ces crises. Y a-t-il aussi parfois du beau qui en résulte?
Absolument! J’ai ressenti une immense émotion en voyant tous les secours mobilisés à Vétroz. Avec, notamment, près de 140 pompiers venus de toute la région! Sans parler de nos amis vaudois, qui nous ont spontanément proposé leur aide. Concernant la protection civile, nous avons fait beaucoup de demandes en pensant que nous aurions un nombre considérable de refus pour des raisons légitimes. Eh bien pas du tout: les gens ont répondu favorablement en masse. C’est comme cela que fonctionne la Suisse. Avec cette solidarité caractéristique, qui a déjà fait ses preuves durant la crise Covid. Dans les moments comme celui-ci, je suis très fier de notre pays, de nos institutions et de toutes les personnes qui s’engagent.