Faudra-t-il éteindre l’éclairage cet hiver? Aurons-nous froid dans nos foyers? Le Conseil fédéral prépare la population à la menace d’une pénurie d’’électricité et de gaz. Il appelle à économiser l’énergie. L’objectif: éviter un black-out!
Lors d'une conférence de presse à ce sujet mercredi, le ministre de l’Economie Guy Parmelin a invité à faire preuve «d’autodiscipline et de frugalité» pour surmonter la crise. La ministre socialiste de l’Energie Simonetta Sommaruga a de son côté mis en garde: «Notre approvisionnement en énergie continue de bien fonctionner, mais la situation s’est aggravée.»
À cause de la guerre en Ukraine, personne ne peut dire avec certitude comment les choses vont évoluer. Il n’existe pas non plus de recettes miracles. «Mais le Conseil fédéral fait tout ce qui est en son pouvoir pour que notre pays soit bien préparé pour l’hiver prochain», a conclu la conseillère fédérale.
Blick fait le point sur les principales interrogations liées à la crise énergétique.
Combien d’électricité et de gaz la Suisse consomme-t-elle?
En 2021, la consommation d’électricité en Suisse s’élevait à 58,1 milliards de kilowattheures d’électricité, soit environ 4% de plus que l’année précédente. Parallèlement, 60,1 milliards de kilowattheures nets ont été produits dans le pays.
Un chiffre nettement inférieur à celui de l’année précédente, une révision de plusieurs mois de la centrale nucléaire de Leibstadt (AG) ayant entraîné un net recul de la production. Pendant les mois d’hiver, la Suisse dépend toutefois d’importations massives d’électricité. Au total, la Suisse a importé 2,4 milliards de kilowattheures l’année dernière.
Le gaz naturel couvre environ 15% des besoins énergétiques de la Suisse. En 2021, la consommation finale s’élevait à environ 34 milliards de kilowattheures, soit un peu moins que l’année précédente. La Suisse ne dispose toutefois ni de gisements de gaz naturel importants ni de grandes capacités de stockage en Suisse. C’est pourquoi la totalité du gaz naturel doit être importé. L’année dernière, près de la moitié du gaz provenait encore de Russie.
À lire sur la crise énergétique
Pourquoi la Suisse a-t-elle un problème d’énergie?
Le fait que l’approvisionnement en gaz soit tendu est lié aux conséquences de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine. La Russie a presque entièrement fermé le robinet de gaz. Pour les importations de gaz, la Suisse dépend du bon vouloir des pays voisins, notamment de l’Allemagne.
En ce qui concerne l’électricité, différents facteurs jouent un rôle. En France, plus de la moitié des centrales nucléaires ne sont pas raccordées au réseau. En raison de la sécheresse, il y a moins d’eau dans les rivières. On ne sait pas non plus dans quelle mesure les lacs de retenue pourront être remplis d’ici l’hiver. De plus, la centrale nucléaire de Mühleberg a été définitivement arrêtée.
Une chose est sûre: avec le début de la période d'utilisation du chauffage, le gaz risque de manquer. Pour l’électricité, la situation ne deviendrait délicate qu’à la fin de l’hiver, lorsque les lacs de stockage se vident peu à peu.
Comment la Confédération entend-elle garantir l’approvisionnement en gaz?
À cause de la grande dépendance vis-à-vis de l’étranger, la situation peut rapidement devenir critique pour l’approvisionnement de gaz de la Suisse. Le Conseil fédéral a déjà esquissé les grandes lignes de la procédure à suivre face à la menace de pénurie de gaz. Il entend concrétiser ses propositions la semaine prochaine.
Tout commence par des appels à se serrer la ceinture. Ainsi, le simple fait de baisser le chauffage d’un degré permet de réaliser une économie d’énergie de 6%. Pendant les mois hivernaux, les industries et la population devraient volontairement réduire l’utilisation de gaz de 15%. Un objectif que s’est également fixé l’Union européenne (UE). Si cela ne suffit pas, la Confédération peut ordonner la conversion des centrales à cycle combiné du gaz au pétrole.
Si ces mesures ne suffisent pas, la situation risque de devenir désagréable pour l’économie et la population. Certaines interdictions pourraient être mises en place. Il est par exemple envisageable que les piscines chauffées au gaz soient arrêtées ou que les chauffages au sol de terrasse ne puissent plus être utilisés.
Ce n’est qu’en cas d’urgence que les entreprises seraient touchées par des mesures restrictives, ce qui provoquerait toutefois des dommages importants pour l'économie.
Quand le courant sera-t-il coupé?
C’est à la fin de l’hiver, lorsque les lacs de stockage se vident que la situation devient risque de devenir réellement tendue, soit aux alentours de février/mars. Là aussi, la Confédération veut prendre des mesures préventives à temps. La procédure se déroulerait par étapes, comme pour le gaz.
Dans ce cas-là on commencerait également par des appels aux économies. Il s’agirait par exemple d’éteindre plus souvent la lumière ou les appareils non utilisés. Cela devrait permettre d’économiser environ 5% d’électricité. Si le volontariat ne suffit pas, des restrictions et des interdictions suivront. En d’autres termes: les saunas, les climatiseurs ou les enseignes lumineuses seront débranchés. Cela permettrait d’économiser environ 10% d’électricité.
Si cela est insuffisant, le Conseil fédéral peut par exemple décider de contingentements pour les gros consommateurs. Ceux-ci devraient économiser une quantité d’énergie déterminée afin d’éviter autant que possible les coupures.
Enfin, les coupures de courant cycliques sont l'ultime solution. L’électricité serait alors coupée dans certaines régions pendant quatre à huit heures. De telles coupures doivent toutefois être évitées dans la mesure du possible, car elles pourraient également compromettre la sécurité. «Il serait possible que la population se rebelle ou qu’il y ait des pillages», a mis en garde le directeur général de la police, Fredy Fässler, interrogé par Blick.
L’avènement d’une police à domicile?
Le Conseil fédéral a clairement indiqué que les ménages privés devaient eux aussi contribuer aux économies, surtout en ce qui concerne le gaz. Le Conseil fédéral n’a toutefois pas voulu s’avancer sur la question de savoir s’il pourrait y avoir une prescription contraignante pour une réduction de la température à l’intérieur des habitations. Il s’agit donc d’une option qui devrait être soumise à consultation. Simonetta Sommaruga a en outre cité comme exemple possible une interdiction de chauffer les piscines privées. Ce ne serait qu’une petite perte de confort, a estimé la conseillère fédérale.
S’il existe des directives pour les ménages privés, la question du contrôle se pose. Une police «à domicile» viendra-t-elle surveiller la température des pièces? Le contrôle incombe aux cantons, a précisé Guy Parmelin. Même s’il doit y avoir un suivi, le conseiller fédéral a précisé qu’il ne voulait pas d’un état de surveillance. Il n’exclut pas qu’un voisin porte plainte et que la police doive alors agir – comme cela s’est produit de manière isolée pendant la pandémie de Covid-19.
Le télétravail va-t-il faire son grand retour?
Pendant la crise liée au Covid, le télétravail est devenu obligatoire en de nombreux endroits. Au niveau de la Confédération et des cantons, mais aussi des entreprises, cette pratique est redevenue un sujet d’actualité, notamment en tant que mesure d’économie d’énergie.
Travailler de manière généralisée chez soi permettrait de ne plus chauffer ou de chauffer partiellement les locaux d’entreprise et administratifs. Le canton de Soleure, par exemple, a déjà commencé à élaborer des plans dans ce sens. La Confédération veut elle aussi montrer l’exemple et étudie actuellement comment regrouper les sites de l’administration fédérale afin de réduire les besoins en chauffage.
Comment combler le déficit énergétique à l’avenir?
La ministre de l’Energie, Simonetta Sommaruga, voit dans la crise énergétique un signal pour aller de l’avant et produire davantage d’énergie en Suisse. L’accent est mis sur le développement massif des énergies renouvelables, en premier lieu l’énergie solaire, mais aussi l’énergie hydraulique et éolienne.
«Entre-temps, tout le monde a pris conscience de l’importance de réduire la dépendance au pétrole et au gaz», a assuré la conseillère fédérale. Reste à savoir si ce développement sera suffisant pour éviter les pénuries dans les années à venir.
Avant même de penser à augmenter la production, la socialiste martèle l’importance d’économiser. «Nous devons cesser de gaspiller l’énergie – cela aussi contribue à éviter les pénuries.»