Malaise en Valais. Nous sommes mardi, il est 16h43. Des dizaines de membres de la Constituante, majoritairement de gauche ou rattachés au mouvement non partisan Appel citoyens, quittent les débats tandis que l’élu UDC Damien Fumeaux achève une véhémente diatribe.
Ses propos? Critiques acerbes de l’islam, des Verts et de la gauche en général. Un prêche cru, saupoudré de la théorie du grand remplacement, notion complotiste chère à toute une frange de l’extrême-droite française.
Précisons: selon cette thèse très baroque, une élite politique organiserait la substitution des populations européennes par d'autres, originaires en premier lieu d'Afrique subsaharienne et du Maghreb. Pour l'illustrer, le politicien prend notamment pour exemple un fait: le nom de famille d'origine... portugaise Da Silva est le patronyme le plus répandu en Suisse romande.
À lire aussi
Comment en est-on arrivé là? Posons le contexte. La Constituante — assemblée chargée de la révision de la Constitution valaisanne menée actuellement — avance dans ses travaux. Sans surprise, les échanges, selon les thématiques, sont parfois âpres. Les visions de société s’entrechoquent, les arguments plus ou moins bien sentis fusent.
C’est cette fois la question du droit de vote et d’éligibilité des étrangers au plan communal, prévu dans le nouveau texte, qui cristallise les tensions. Au point de donner de l’urticaire à l’UDC.
Alors que la deuxième lecture du chapitre trois — chapitre où figure justement ce point — est terminée, Damien Fumeaux prend le micro pour annoncer que son groupe s’y opposera, rapporte «Le Nouvelliste». Jusqu’ici, nul ne bronche.
«Vous, les chevaliers du temple LGBT»
Mais, rapidement, les choses se corsent. Florilège des déclarations du député conservateur: «Ils ont quitté là-bas, parce qu’ils n’aimaient pas là-bas. Nous les avons accueillis ici, car ils ne savaient pas où aller. Une fois ici, ils veulent le transformer en là-bas.»
Il enchaîne: «Jusqu’à présent, la démocratie nous offrait une forme de protection quant à la transformation d’ici comme [sic] là-bas. Alors que dans les autres démocraties ces gens se seraient vus renvoyer chez eux, ici, non. Non seulement nous les laissons rester, mais, grâce à une courte majorité d’entre vous, maintenant nous les laissons voter afin qu’ils puissent transformer ici en là-bas.»
Entrée en matière terminée. Damien Fumeaux s’adresse à présent à ses camarades de gauche. En particulier aux Verts. «Vous, les chevaliers du temple LGBT et toutes les lettres qui viennent après — il faut dire qu’à force d’en rajouter, on perd le fil. Vous, les ardents défenseurs de la sacro-sainte théorie du genre. Vous, qui voulez à tout prix donner le droit de vote à tout le monde. Vous, les grands défenseurs d’une immigration de masse. Vous, les grands amis de l’islam, religion de paix, d’amour et de tolérance. Toutes ces chances pour la Suisse que vous accueillez à bras ouverts et à qui vous voulez donner le droit de vote.»
Pas de contre-attaque
Sans transition, le député UDC digresse sur le fait que le Qatar, pays hôte de la prochaine Coupe du monde de football, punit sévèrement les relations sexuelles hors mariage et l’homosexualité. La présidente l’interrompt: «Monsieur Fumeaux, je vous rappelle que le débat a déjà eu lieu et je vous rappelle également que vous devez vous exprimer avec la bienséance parlementaire.»
À lire aussi
L’élu n’apprécie visiblement pas cette remise à l’ordre et la coupe. Damien Fumeaux poursuit même sa démonstration avec aplomb. Las, les rangs du plénum sur lesquels ils s’acharnent commencent à se dégarnir, refusant d’aller au combat. Une réaction logique et mesurée? Ou, au contraire, un lâche abandon face à des propos qui auraient mérité contradiction sur le fond? Ces membres de la Constituante ont visiblement fait leur choix.