«Nos pensées vont avant tout aux personnes concernées», précise dans son e-mail adressé à Blick la responsable de la communication de la Conférence des évêques suisses (CES). Depuis septembre, l'assemblée des neuf haut-responsables de l'Église catholique suisse est sous le feu des projecteurs et des critiques. La CES a elle-même ordonné une enquête préliminaire à la suite de soupçons d'abus sexuels et leur dissimulation.
Certains, comme Monseigneur Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, et Monseigneur Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, sont accusés d'avoir dissimulé des cas d'abus sexuels. Le Vatican a appointé un des membres de la Conférence, l'évêque de Coire Joseph Bonnemain, pour enquêter au sein de l'Église catholique.
Les évêques concernés et appelés à réagir
L'enquête de «Mise au point» sur l'abbaye de Saint-Maurice, diffusée dimanche, éclabousse la haute autorité de l'Église catholique romaine en Suisse, même si le haut-lieu religieux valaisan est placé directement sous l'autorité de Rome. Les révélations de la RTS viennent s'ajouter à la longue liste de plus de 1000 cas d'abus établie par l'Université de Zurich, dans une étude parue en septembre.
La Conférence des évêques n'avait «pas souhaité commenter» les informations de la RTS sur le remplacement du père-abbé Jean Scarcella par Roland Jaquenoud — tous deux accusés d'abus — à la tête de l'abbaye. Mais l'institution épiscopale a fini par répondre aux questions de Blick mercredi. Dans un échange de mails, leur communicante Julia Moreno nous rappelle que «les diocèses et abbayes territoriales sont des instances indépendantes qui ne doivent pas rendre compte à la CES».
«Effarés» de découvrir les abus dans la presse
Les «ministres de Dieu» en Suisse se disent «effarés de découvrir, à travers cette enquête journalistique, les affaires d’abus qui concernent l’abbaye de Saint-Maurice.» La Conférence «prend connaissance que certains de ces dossiers sont encore ouverts» et que certains religieux «ont été sanctionnés pénalement ou ont reçu un verdict de non-lieu».
Principal nom cité dans l'affaire, le prieur Roland Jaquenoud avait été propulsé à la direction ad interim de l'institution valaisanne. Problème? Il a vraisemblablement, selon la RTS, été écarté par le Saint-Siège après avoir «obtenu un rapport sexuel non consenti» de la part d'un novice en 2003. Après un temps passé à l'étranger, il est revenu en Valais pour prendre l'important poste de prieur.
Dans sa réponse, la Conférence des évêques réfute toute responsabilité dans la nomination de l'accusé à la place de Jean Scarcella. «Roland Jaquenoud n’a pas été 'choisi' comme responsable ad interim, précise la chargée de communication de la CES. En effet, au sein d’une communauté de chanoines, le remplaçant ad interim d’un père-abbé est directement le prieur, qui est le n°2 officiel.»
«Malgré la présomption d’innocence...»
Roland Jaquenoud a été suspendu par le collège de Saint-Maurice, dans lequel il travaillait auprès des élèves comme professeur de grec et de latin. Une décision que salue la Conférence des évêques suisses: «En cas de doutes sur les agissements de professeurs en contact avec des jeunes, malgré la présomption d’innocence, la suspension immédiate est une mesure nécessaire — et ceci jusqu'à ce que les faits soient établis par les autorités juridiques.»
L'Église dit «continuer d’avancer dans la mise en œuvre des mesures communiquées le 12 septembre dernier en conférence de presse à Zurich.» Les évêques Felix Gmür — lui aussi accusé d’inaction face à des cas d’abus — et Joseph Bonnemain se sont par exemple rendus à Rome, raconte Cath-info, pour demander au pape François l'ouverture d'un «tribunal pénal ecclésiastique».