Comment les journalistes d'autres pays voient-ils la Nati? Croient-ils en elle? Blick est allé poser la question à plusieurs d'entre eux, dont l'envoyé spécial de L'Equipe auprès de la Nati, Sébastien Buron.
Sébastien Buron (France) - L'Equipe
«Sur ces deux premiers matches, je pense qu’on peut dire que la Suisse a des qualités évidentes et un vrai potentiel, mais qu’elle n’aime pas être mise sous pression. Yann Sommer est champion d’Italie, Manuel Akanji champion d’Angleterre et Granit Xhaka est le capitaine du champion d’Allemagne. Cet axe-là, je pense que beaucoup d’équipes peuvent l’envier. Mais on a vu aussi que lorsque l’adversaire met de l’intensité comme la Hongrie en deuxième mi-temps et l’Ecosse en première, la Nati est vite en difficulté. Xhaka a été moyen contre l’Ecosse et cela s’est ressenti. Mais globalement, je trouve cette équipe intéressante et très propre techniquement.
J’ai été moins convaincu par les pistons. Michel Aebischer a été la surprise du premier match face à la Hongrie et on peut dire que le plan a bien fonctionné, puisqu’il a marqué et réussi une passe décisive, mais il est également fautif sur le but hongrois et on a bien vu, à ce moment-là, que ce n’était pas sa position naturelle. Et face à l’Ecosse, l’effet de surprise avait déjà disparu. Et de l’autre côté, Silvan Widmer n’a pas été très convaincant, je trouve. Dans ce système à trois défenseurs, on attend des pistons qu’ils prennent vraiment le couloir, qu’ils percutent, et je trouve la Suisse en dessous de ce point de vue.
Et puis, bien sûr, il y a la problématique offensive, qui devrait pénaliser la Nati dans les matches à élimination directe, pour espérer aller très loin. Ruben Vargas et Dan Ndoye ont de l’activité, de la fraîcheur et de la percussion, mais le manque d’efficacité pourrait être un frein. Face à la Hongrie, on a vu geste génial de Xherdan Shaqiri, un joueur techniquement impressionnant, mais qui a peiné à exister autrement. Tant que Breel Embolo n’est pas à 100%, je pense que la Suisse manque d’impact devant.»
Scott McDermott (Écosse) - Sunday Mail
«J'attendais plus de la Suisse. Beaucoup plus. Après la première mi-temps contre la Hongrie, j'ai été impressionné, surtout par Granit Xhaka. L'entraîneur écossais l'a sans doute aussi constaté et a placé un joueur, Scott McTominay, sur lui. Cela a plutôt bien fonctionné, Billy Gilmour et Callum McGregor ont également contribué à l'écarter. Ce que la Suisse a certainement, c'est un bon banc. Cela pourrait faire la différence à la fin. Dans un éventuel huitième de finale contre la Croatie, la Suisse est favorite. Contre l'Italie, non»
Matthias Dersch (Allemagne) - Kicker
«La situation avec les deux victoires d'entrée est idéale pour l'Allemagne, car la Mannschaft aurait très bien pu avoir des problèmes contre la Suisse si elle avait encore eu la pression de se qualifier. La Suisse est toujours un peu sous-estimée en Allemagne, même si on connaît beaucoup de joueurs de la Bundesliga. On l'a d'ailleurs remarqué lors de la conférence de presse: deux jours avant le match, la Suisse n'était pas un thème de discussion... La Suisse m'a agréablement surpris. J'avais plutôt vu la Hongrie devant. La Nati a montré ce dont elle était capable. Mais elle a aussi des faiblesses, notamment en défense, où elle laisse trop d'espaces. A l'inverse, l'Allemagne doit veiller à bien défendre sur les moments de transition. Breel Embolo peut nous faire mal s'il joue».
Yvonne Gabriel (Allemagne) - Bild
«Les Allemands savent que l'adversaire le plus difficile du groupe se présente à eux. C'est une équipe expérimentée, avec des joueurs issus de championnats de haut niveau et un bon axe qui peut aussi poser des problèmes à notre équipe. Mais la Mannschaft sera tellement motivée qu'elle voudra absolument terminer première du groupe. Julian Nagelsmann affirme que ce serait un signal très important tant à l'intérieur de l'équipe que vers l'extérieur, car l'Allemagne veut atteindre le tour à élimination directe avec une certaine dynamique. Pour cela, la Suisse représente un bon test. L'entraîneur ne changera donc rien. Il ne ménagera pas non plus les joueurs qui ont déjà reçu un carton jaune. Il est cohérent sur ce point».
Paolo Tomaselli (Italie) - Corriere della Sera
«Le match nul contre l’Ecosse était un peu une surprise. La Suisse, on la connaît bien, personne ne peut oublier ici qu’elle a empêché l’Italie d’aller au Mondial au Qatar. La Suisse passe toujours en 8es de finale, un bilan dont l’Italie ne peut que rêver en ce moment… La Suisse a un gardien que nous avons appris à connaître encore mieux en Italie depuis cette année, même si nous savions déjà très bien qu’il était fiable. Et puis, il y a Dan Ndoye, un joueur très convaincant à Bologne cette saison. La Suisse a de nouveaux joueurs et peut-être qu’il y a une petite difficulté à changer de génération, mais cette difficulté-là, toutes les nations l’ont, l’Italie aussi. S’il devait y avoir un Italie-Suisse en huitièmes, je ne suis pas convaincu que l’Italie serait forcément favorite. Attendons de voir comment se passent les troisièmes journées.»
Lukas Vrablik (Slovaquie) - pigiste pour la BBC, ESPN et The Guardian
«La force de la Suisse réside tout d'abord dans la qualité individuelle de son milieu de terrain. Granit Xhaka est tout simplement un grand joueur qui organise tout. Et il s'entend très bien avec Remo Freuler. A cela s'ajoute Xherdan Shaqiri, qui est très créatif et peut changer un match à lui tout seul. En défense aussi, je ne vois guère de faiblesses. D'autre part, le système fonctionne, même si la Suisse ne dispose pas de la même qualité individuelle au niveau des latéraux et des ailiers. Ce qui me plaît moins, c'est que les joueurs offensifs comme Xherdan Shaqiri ou Dan Ndoye changent constamment de position. Je miserais plutôt sur un véritable avant-centre comme Breel Embolo. La Suisse a prouvé lors des derniers tournois qu'elle faisait partie de l'élite européenne élargie».