Une seule courbe résume l’enjeu principal du sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) qui se tient jusqu’au jeudi 24 août à Johannesburg. Elle vient d’être publiée par le Financial Times. Elle montre que cette année, en 2023, la Chine exportera plus à destination des pays pauvres et émergents impliqués dans son initiative «Belt and Road» (Ceinture et route) que vers les États-Unis, l’Union européenne et le Japon réunis. Vous m’avez bien lu: la deuxième puissance économique mondiale est en train d’opérer, elle aussi, son «découplage». Pékin veut de moins en moins dépendre de l’Occident et de ses alliés.
L’économiste Jean Pisani-Ferry alerte sur les exportations chinoises
Pas étonnant, dans ce contexte, que le président Xi Jinping ait multiplié les annonces sur des nouveaux projets de coopération économiques entre les BRICS et leur périphérie: cette quarantaine de pays conviés à Johannesburg, parmi lesquels des géants à part entière comme le Nigéria ou l’Indonésie.
Un numéro de charme géopolitique d’autant plus facile à mener que la Russie, grand pourvoyeur de matières premières, a cruellement besoin de les exporter et qu’elle est aujourd’hui affaiblie par la guerre en Ukraine.
Et pourquoi ne pas rêver d’une grande réconciliation de la Chine avec l’Inde qui vient, pile en plein sommet, de réussir pour la première fois à faire atterrir une fusée sans pilote sur la face sud de la lune? Ça y est. L’alternative à la sempiternelle domination occidentale est en cours…
La réalité est, malheureusement pour de nombreux pays concernés, loin de ces déclarations et de cette courbe.
Il suffit de s’attarder sur un pays, un seul, pour comprendre combien les promesses de la Chine peuvent être sinon mortelles, du moins redoutables: le Sri Lanka. Ce pays de 22 millions d’habitants situé au sud de l’Inde doit à la Chine plus de sept milliards de dollars, soit un cinquième de sa dette souveraine. Depuis 2017, son grand port d’Hambatota a été accordé aux Chinois par une concession de 99 ans.
Le résultat? Une faillite abyssale due à une mauvaise gouvernance chronique et à un niveau de corruption sans précédent. Une restructuration actuelle de la dette supervisée par le Fonds Monétaire international. Et un moratoire des remboursements de deux petites années accordé par Pékin au gouvernement de Colombo.
La crise au Sri Lanka, en vidéo
Les BRICS ont raison de réclamer leur dû géopolitique. Ces pays ne supportent plus d’être toujours perçus par les Occidentaux comme un «tiers-monde» qui a besoin de saupoudrage humanitaire.
Le président de la Banque européenne d’investissement Werner Hoyer vient d’ailleurs, avec justesse, de tirer le signal d’alarme. Selon lui, l’attention accrue portée à l’élargissement du groupe des BRICS et à sa propre banque s’explique par le fait que de nombreux pays en développement «se sentent abandonnés» par l’Occident dans leur lutte contre la pandémie du virus COVID-19, la dette, les coûts de l’énergie et le changement climatique. Juste.
Mais croire que la méthode chinoise est le bon remède pour leurs populations est une illusion. La Chine nourrit les régimes qui servent ses intérêts. L’incubateur technologique des BRICS que vient d’annoncer Xi Jinping ne fera qu’accroître leur servitude scientifique.
Amis des BRICS, gare aux promesses de la Chine! Le Sri Lanka en sait quelque chose.