En sommet, face à l'Occident
Les BRICS veulent changer le monde, voici pourquoi

Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud: cinq grands pays émergents désireux de construire une alternative à la domination occidentale. Mais de quel poids ces géants émergents peuvent-ils peser?
Publié: 22.08.2023 à 19:25 heures
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Dernière mise à jour: 22.08.2023 à 21:08 heures
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Cinq lettres en forme d'avertissement: le nouvel ordre mondial ne peut plus être celui défini par l'Occident. Les grands pays émergents veulent aussi avoir leur mot à dire
Photo: IMAGO/SNA
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils veulent changer le monde. Pas seulement influer sur les grands événements internationaux, ou faire entendre leur point de vue à propos de la guerre en Ukraine. C’est un nouvel ordre mondial que le Brésil, l’Inde, la Russie, la Chine et l’Afrique du Sud rêvent d’imposer, avec le soutien d’une quarantaine de pays émergents invités à leur sommet de Johannesburg (Afrique du Sud), du 22 au 24 août.

Peuvent-ils y parvenir? Quelles sont les forces et les faiblesses de ce front anti-occidental, d’autant plus difficile à tenir que les désaccords persistent entre ces géants aux ambitions parfois contradictoires?

Un adversaire commun: l’Occident

Les BRICS ne constituent pas une alliance militaire. Ils ne forment pas non plus un bloc économique et commercial uni. C’est contre la domination occidentale que le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud trouvent, depuis leur premier sommet en 2011, l’essentiel de leurs convergences. Logique: tous ces pays se sont retrouvés confrontés à l’impérialisme européen et américain au cours de leur histoire. Et tous sont incontournables dans leurs zones d’influence géopolitiques.

Mais attention: tous n’ont pas le même passé, et tous ne partagent pas les mêmes intérêts. Il faut d’ailleurs se souvenir qu’à l’origine, en 2009, l’Afrique du Sud ne faisait pas partie du groupe. Dans les faits, la place de la Chine est particulière. La deuxième puissance économique mondiale est, au sein des BRICS, la seule à pouvoir remplacer l’expertise des pays occidentaux, et accompagner presque toute la chaîne du développement économique, via ses exportations, ses financements, et l’aide à la construction d’infrastructures, dans le cadre de son initiative «Ceinture et Route» (Belt and Road). Sauf que l’économie chinoise est confrontée en 2023 à un sévère ralentissement. Et que le «découplage» voulu de plus en plus par les Occidentaux, qui se désengagent de la Chine, lui complique la tâche.

Une ambition commune: le commerce

Les BRICS représentaient en 2022 26% du Produit intérieur brut (PIB) mondial par habitant. Un bond remarquable, par rapport aux 8% de 2001. Logique, donc, que les grands pays émergents cherchent, avec cette organisation informelle, à constituer un marché et à commercer davantage. Les cinq BRICS représentent après tout près de 30% des terres émergées et environ 42% de la population mondiale (3.2 milliards d’habitants). Ils ont aussi créé une banque, la New Development Bank, actuellement présidée par l’ancienne Cheffe de l’État du Brésil, Dilma Rousseff (2011-2016).

Cette idée de marché est renforcée par leurs liens avec une quarantaine d’autres pays, dont des poids lourds tels que l’Argentine, l’Égypte, l’Indonésie, l’Iran, le Nigeria, l’Arabie saoudite, la Turquie et les Émirats arabes unis. Problème: nombre de ces pays ont des liens privilégiés avec l’Union européenne et avec les États-Unis. Autre difficulté: les investissements étrangers vers les BRICS, qui ont quadruplé en vingt ans, sont loin d’être équitablement répartis. En clair, la concurrence règne entre eux. Tandis qu’un autre groupe, le G20, cherche aussi à représenter les pays émergents.

Un défi commun: la démographie

Les BRICS sont confrontés à un écueil majeur: leur démographie. Les uns, comme la Chine et la Russie, parce qu’ils sont confrontés à un vieillissement rapide de leur population. Les autres, parce qu’ils font face à un accroissement démographique assuré de peser très lourd sur leurs infrastructures. L’exemple de la compétition entre la Chine et l’Inde sur ce plan est frappant. D’ici à 2050, le nombre d’Indiens devrait croître de 200 millions tandis que la population chinoise chutera de 100 millions d’habitants. Le monde des BRICS, hors Chine et Russie, est donc celui d’une jeunesse qu’il faut parvenir à intégrer socialement.

Avec tout ce que cela suppose de conséquences: flots migratoires, exigences politiques, épuisement des ressources naturelles. Là encore, la désunion est patente au sein de ce groupe qui ressemble, à bien des égards, au mouvement des non-alignés dans les années 50-70 (il existe toujours, regroupe 120 pays mais n’exerce pas d’influence majeure sur l’agenda géopolitique): unis dans leurs revendications, les membres de ce groupe le sont beaucoup moins pour trouver des solutions.

Un casse-tête commun: l’Ukraine

Le président Russe Vladimir Poutine a dû renoncer à venir en personne au sommet de Johannesbourg, où il était invité. Motif: les menaces que font peser sur lui la Cour pénale internationale (CPI) qui a délivré contre lui un mandat d’arrêt. Or l’Afrique du sud est signataire des statuts de la CPI… On connaît les réticences de la Chine à s’engager davantage aux côtés de la Russie, même si le conflit a permis à Pékin de se rendre incontournable à Moscou. À noter aussi: le resserrement actuel des liens militaires entre l’Inde et les puissances occidentales, notamment la France à laquelle New Delhi vient de commander 26 avions de combat Rafale. En clair: tous les BRICS, sauf la Russie, souhaitent le retour rapide de la paix pour rétablir, notamment, les circuits d’exportation de blé ukrainien et pour reprendre le cours normal du commerce mondial. De quoi offrir aux Occidentaux une bonne marge de manœuvre diplomatique.

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