Les Corona Leaks font tache d'huile
Les informaticiens de la Confédération ont-ils fauté?

Pour l'enquête sur l'affaire Crypto, le procureur spécial Peter Marti a reçu de la Confédération et de Swisscom bien plus de données qu'il ne l'avait demandé. La nouvelle ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, demande à la Confédération d'enquêter sur cette fuite.
Publié: 01.02.2023 à 19:10 heures
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La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter fait clarifier la légalité des livraisons de données de la Confédération à l'enquêteur spécial Peter Marti, dans le cadre de l'affaire Crypto..
Photo: keystone-sda.ch
Tobias Ochsenbein, Pascal Tischhauser

La saga Peter Lauener continue, et ce sont maintenant les informaticiens de la Confédération qui tremblent. La nouvelle ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, fait examiner pourquoi l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT) a remis au procureur extraordinaire Peter Marti tous les courriels existants de Peter Lauener, l'ancien porte-parole du président de la Confédération Alain Berset.

L'enquêteur spécial n'avait en effet demandé à l'OFIT que les échanges de courriels qui tombaient dans une période de six semaines bien définie. Si des informations confidentielles se trouvaient parmi les données livrées, quelqu'un à l'OFIT se serait rendu coupable de violation du secret de fonction.

Le service juridique chargé d'éclaircir la situation

Dans cette affaire, Karin Keller-Sutter veut manifestement faire table rase du passé. La Saint-Galloise a repris le Département des finances (DFF) d'Ueli Maurer au début de l'année — et donc aussi la responsabilité de l'OFIT.

L'enquête, dont le «Tages-Anzeiger» a fait état dans un premier temps, doit permettre au service juridique du secrétariat général du DFF de clarifier comment la divulgation de données à grande échelle a pu avoir lieu. En outre, les processus internes de l'OFIT seront examinés et l'on verra s'ils doivent éventuellement être adaptés. Le DFF ne communique pas d'autres détails, car il s'agit d'une procédure en cours.

Un traitement minutieux promis

Que s'est-il passé exactement? Début septembre 2021, Peter Marti avait demandé à l'OFIT de lui remettre le courrier électronique de Peter Lauener pour la période du 7 octobre au 15 novembre 2020. Il avait été engagé pour découvrir comment les fuites vers la «NZZ» et le «Tages-Anzeiger» avaient pu avoir lieu dans le cadre de l'affaire Crypto AG. La raison? Ces médias avaient cité un rapport de la Délégation des Commissions de gestion, supposé confidentiel.

Lorsqu'il a reçu beaucoup plus de mails de Peter Lauener que nécessaire, l'enquêteur spécial avait même attiré l'attention de l'office fédéral sur ce point. Et il avait promis de les traiter avec soin, en assurant que la responsabilité du processus lui incombait.

Peter Lauener est au centre de cette enquête.
Photo: Keystone

Swisscom aussi a tout livré

Mais l'OFIT n'est pas le seul à avoir remis à Peter Marti tout le contenu de la boîte mail visée. Swisscom lui a également fourni tous les e-mails disponibles sur le compte privé de Peter Lauener. Comme pour l'OFIT, la question de la légalité de cette livraison de données se pose.

Cette transaction avait été réalisée sur la demande du procureur extraordinaire à l'entreprise de télécommunications suisse, fin janvier 2022. Et cette fois, la requête ne concernait pas seulement les six semaines précitées, mais de début octobre 2021 au 27 janvier 2022.

Pourquoi Peter Marti a-t-il prolongé cette période?

Cette longue période devrait intéresser le deuxième procureur extraordinaire, Stephan Zimmerli. Celui-ci a été nommé pour examiner la procédure de son collègue. La question se pose de savoir sur quelle base juridique celui-ci s'était adressé à Swisscom, car l'affaire Crypto était déjà en cours à la mi-novembre 2021.

Peter Marti avait-il déjà Peter Lauener dans le collimateur pour des indiscrétions présumées en rapport avec la pandémie de coronavirus? Si c'était le cas, la base juridique est ici aussi bancale. Car en janvier 2022, l'enquêteur spécial n'avait pas encore d'autorisation pour cela. Il n'en a fait la demande que le 4 avril 2022 et l'a obtenue neuf jours plus tard de l'Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (AS-MPC).

Une charge pour la procédure

Le fait que Swisscom — comme l'OFIT auparavant — ait également livré tous les mails possibles, augmente encore le nombre d'erreurs possibles dans la procédure. L'entreprise ne prend pas position sur le cas et, depuis, Peter Lauener a fait sceller les e-mails. Peter Marti n'a donc pas le droit de les utiliser pour le moment.

Cependant, comme la «Schweiz am Wochenende» avait rendu publics des extraits des procès-verbaux d'audition — montrant que Peter Lauener et Marc Walder, CEO de la maison d'édition Ringier (qui publie également Blick), avaient échangé de nombreux e-mails pendant la pandémie de Covid-19 — les mails ont tout de même été dévoilés.

On ne sait pas encore si l'ancien porte-parole d'Alain Berset a violé ou non le secret de fonction en envoyant des mails à la direction de Ringier et en échangeant avec d'autres maisons d'édition. La présomption d'innocence s'applique, tout comme elle s'applique à Peter Marti ainsi qu'aux responsables de l'OFIT et de Swisscom.

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