Les midterms l'ont à demi sanctionné
Biden, ce président qui change (quand même) l'Amérique

Donald Trump l'avait affublé du surnom «Sleepy Joe». Depuis son élection en 2020, Joseph Biden est apparu souvent faible et trop fatigué pour la Maison Blanche. Ses choix politiques, en revanche, ont été en partie validé par les midterms.
Publié: 10.11.2022 à 21:00 heures
Le président américain a tenu, mercredi 9 novembre, la traditionnelle conférence de presse à l'issue des midterms, les élections cruciales de mi-mandat. Sa pugnacité, souvent sous estimée, sort renforcée de ce scrutin dont les démocrates se tirent mieux que prévu.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

48 sénateurs démocrates contre 49 républicains, et encore trois sièges à pourvoir. 192 représentants (députés) démocrates contre 209 républicains, et un dépouillement toujours en cours dans plusieurs États. Les midterms, ces cruciales élections de mi-mandat, n’ont pas tourné à la déroute attendue pour Joe Biden.

Le président américain de 79 ans, élu en 2020 face au sortant Donald Trump, sort fragilisé par ce scrutin que les locataires de la Maison-Blanche perdent traditionnellement. Mais il reste politiquement bien vivant, et plus solide que prévu face à l’offensive de l’ancien promoteur New-Yorkais dont le rêve de reconquérir la présidence en 2024 apparaît, depuis la clôture des opérations de vote, bien plus difficile à réaliser.

Sérieux boulets politiques

Joe Biden traîne pourtant derrière lui de sérieux boulets politiques. Son âge et son état de santé sont un sujet de commentaires permanents, attisés par les images qui circulent sur les réseaux sociaux montrant sa démarche parfois incertaine et ces gaffes à répétition.

La guerre en Ukraine et la rivalité géopolitique avec la Chine alimentent les doutes sur sa capacité à mener le pays sur ces deux fronts. L’inflation, qui mine l’économie américaine, fait peser une épée de Damoclès sur sa fin de mandat. La division du pays en deux sur le plan politique rend surtout très difficile d’obtenir les compromis indispensables.


«Une défaite est une défaite, assène la chaîne CNN. Nos sondages à la sortie des urnes montrent que seuls 30% des électeurs de la course à la Chambre des représentants souhaitent qu’un président dont la cote de popularité est inférieure à 40%, qui aura 80 ans dans quelques semaines, se représente lors d’une campagne qui pourrait bien coïncider avec la récession que craignent de nombreux économistes».

Bref: même s’il n’a pas été mis K.O. par les électeurs, et même si le parti démocrate conserve in fine la majorité au Sénat – ce qui serait une forme de victoire – l’ancien sénateur du Delaware (1973-2009) semble déjà appartenir au passé. Place à la lutte pour sa succession.

Il a quand même réussi à changer l’Amérique

La réalité est pourtant que ce président âgé, sans cesse pris à partie par Donald Trump et vilipendé par les partisans de ce dernier, a quand même réussi à changer l’Amérique durant ses deux premières années de présidence. Et voici comment.

Joe Biden, en plaçant toute la campagne électorale ou presque sous le signe de la défense de la démocratie face aux assauts trumpistes, a réussi à redonner un agenda au parti démocrate. Sa formation reste divisée, entre progressistes et conservateurs. Mais le credo de la défense des libertés, et de certains fondamentaux comme le droit à l’avortement, a consolidé les rangs du parti.


Joe Biden a, avec son soutien ferme et déterminé à l’Ukraine face à Vladimir Poutine, empêché Donald Trump d’être le seul avocat de la puissance Américaine. Biden a aussi la Chine dans son viseur. Il va d’ailleurs, la semaine prochaine en Asie au sommet du G20 de Bali en Indonésie (15/16 novembre) incarner ce retour d’une Amérique forte. Les nombreuses commandes militaires européennes, qui enrichissent le complexe militaro-industriel des Etats-Unis, vont dans le même sens.

Remise en marche de la machine budgétaire

Joe Biden a, enfin, réussi à remettre en marche la machine budgétaire américaine, notamment avec l’Inflation Reduction Act voté en août 2022 et doté, pour les seules contributions consacrées au climat, de 369 milliards de dollars sur dix ans. L’État fédéral, surendetté (31 000 milliards de dollars de dette publique), a un peu repris l’avantage.

Cela ne veut pas dire que l’économie américaine ne souffre pas de fragilités importantes. Mais l’addition des exportations énergétiques (le gaz de schiste, exporté vers l’Europe) et du rapatriement en cours de nombreuses usines (par exemple dans le secteur crucial des semi-conducteurs après le Chips and Science Act entré en vigueur cette année), permettent davantage aux Etats-Unis de se projeter vers l’avenir.

Le virus de la colère

Toutes ces réalités n’empêchent pas la colère d’être répandue à travers le pays. La popularité de Donald Trump et de ses propositions économiques y restent incontestables.

Joe Biden n’a absolument pas colmaté la fracture qui mine de plus en plus les États-Unis. Il vient néanmoins de prouver lors de ces midterms perdues, mais moins dramatiques qu’anticipées, qu’il est un président solide. Du moins, plus solide que beaucoup le pensaient.

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