Un pays coupé en deux. Un président contesté, mais pas désavoué. Un ancien chef d'Etat qui perd son statut de grand favori. Et surtout, une date à retenir: celle du 6 décembre. C’est ce jour-là que les électeurs de Géorgie voteront pour le second tour de l’élection sénatoriale, une particularité de cet État.
Le sénateur sortant démocrate Raphaël Warnock n’a pas réussi à distancer son adversaire républicain Hershel Walker. Le vainqueur du scrutin pourrait alors faire basculer le Sénat dans un camp ou un autre. Ce qui aura un impact déterminant sur les deux années restantes de Joe Biden à la tête des États-Unis. Retour sur la journée où Biden a résisté, et Trump a commencé à vaciller.
Joe Biden et les démocrates ont résisté
A l’heure d’écrire ces lignes mercredi 9 novembre au soir, le président des États-Unis tenait l’habituelle conférence de presse postmidterms (élections de mi-mandat) à la Maison Blanche. Or ses collaborateurs, qui redoutaient une sérieuse défaite électorale, ont tous averti que Joe Biden est d’une humeur très positive.
Celui-ci se retrouve en effet dans une situation plutôt favorable, ayant limité les pertes en sièges et en postes alors que ses principales initiatives politiques, tels le plan énergie & climat adopté en août 2022 et doté de plusieurs centaines de milliards de dollars, vont mettre du temps pour prouver leur efficacité.
Biden a, en plus, quelques victoires symboliques à brandir devant l’opinion publique comme celle du sénateur démocrate Fetterman dans la Pennsylvanie, cet État clef où le pro-Trump Mehmet Oz a finalement accepté sa défaite.
Le parti démocrate devrait perdre la majorité à la Chambre des représentants. «Ils semblent avoir tenu bon, mais ils risquent toujours de se retrouver en minorité», note l’excellent live de la chaîne CNN. Lequel donne les chiffres suivants: 187 sièges assurés pour les Démocrates, 204 pour les Républicains, 44 encore en ballottage (pour une majorité à 218 sièges).
Coté Sénat, où le parti présidentiel dispose depuis deux ans d’une seule voix d’avance, celle de la vice-présidente Kamala Harris, c'est plus compliqué. «L’affaire est délicate, poursuit CNN, car les Démocrates n’ont gagné qu’un seul siège en Pennsylvanie. Tous les regards se tournent maintenant vers l’Arizona, la Géorgie et le Nevada, où il est encore trop tôt pour se prononcer.»
Donald Trump a vacillé
Retranché dans sa résidence de Mar-A-Lago, en Floride, l’ancien président a, selon des confidences recueillies par les médias américains, «très mal encaissé» la défaite des candidats républicains qu’il a tout fait pour imposer au «Grand Old Party», le surnom de cette formation.
Le fil électoral de CNN est affirmatif: «Il est clair que les négationnistes de l’élection de 2020 (ceux qui refusent toujours de reconnaître la victoire de Joe Biden) ont été les perdants des résultats de ces élections de mi-mandat jusqu’à présent».
La chaîne de télévision développe son analyse: «Plusieurs négationnistes très en vue qui se présentaient au poste de gouverneur ont perdu. Dans le Wisconsin, Tim Michels a perdu. Dans le Michigan, Dixon a échoué. Mastriano a été battu en Pennsylvanie. Idem pour Dan Cox dans le Maryland. Et Darren Bailey dans l’Illinois». «Aussi puissant que soit Trump au sein du parti républicain, nous avons appris qu’il ne peut pas donner à quiconque l’onction d’un gagnant. Vous avez toujours besoin de candidats qui ont les fondamentaux», estime Bryan Lanza, un de ses conseillers de longue date.
Cela ne va sans doute pas empêcher Donald Trump de déclarer sa candidature pour 2024 dans les jours qui viennent, comme il l’a laissé entendre. Mais l’absence de déferlante pro-MAGA (Make America Great Again) le rend vulnérable à l’offensive de ses rivaux au sein du parti, comme le gouverneur de Floride Ron DeSantis, brillamment réélu avec 59% des suffrages.
Le quotidien populaire «New York Post», propriété du magnat conservateur Rupert Murdoch, ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Sa «une» de mercredi montre DeSantis vainqueur avec le titre «DeFuture». Même la chaîne TV Fox News, qui a tant soutenu Donald Trump dans le passé, reconnaissait mercredi que DeSantis a réalisé «la meilleure opération de ces midterms». Les chances d’un éclatant «come-back» trumpiste ont subitement diminué ce mardi.
L’Amérique s’interroge
Le pays le plus puissant du monde est plus que jamais divisé en deux. C’est la leçon la plus préoccupante de ces midterms qui compliqueront à coup sûr la fin du mandat présidentiel de Joe Biden, contraint de laisser planer le suspense sur son avenir, même si beaucoup d’observateurs croient que ce chef de l’État, âgé de 79 ans, ne se représentera pas en 2024.
Deux faits nouveaux sont toutefois apparus dans le radar électoral américain. Le premier est la poussée des candidats du camp républicain, qui s’étaient engagés à respecter les résultats du scrutin. Visiblement, l’accent mis par Joe Biden durant la campagne sur le danger que fait courir Trump pour la démocratie américaine a payé. L’enquête parlementaire sur l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 a aussi laissé des traces. Une nette majorité d’Américains font encore confiance à leur système démocratique.
La seconde leçon du scrutin est l’économie. L’administration Biden a recueilli en partie les fruits de ces plans massifs d’aide budgétaire, tel l’Inflation Reduction Act, doté de 369 milliards de dollars pour le climat sur dix ans. L’inflation tourmente les Américains. Les Latinos, sensibles aux promesses des Républicains, votent de plus en plus pour le GOP. Mais le pays n’est pas si pessimiste sur son avenir. Les électeurs ont tenu à distance les pronostics les plus sombres de Donald Trump. Ce dernier croyait être ressuscité par les midterms. Il se retrouve le dos au mur.