Près de 800'000 Russes tués ou blessés au combat depuis trois ans. Au moins 600'000 Ukrainiens fauchés par cette guerre déclenchée, le 24 février 2022, par l’agression de l’armée de Vladimir Poutine. Les chiffres sont toujours difficilement vérifiables et, comme toujours en temps de guerre, la propagande des belligérants s’en mêle.
Restent les faits. Affreux. Terribles. Tragiques. Ce conflit régional, qui oppose deux pays hier si proches, aura bientôt fait 1,5 million de victimes, tuées ou blessées dans un paysage de tranchées qui ressemble à ceux de la Première Guerre mondiale. Sans compter les destructions des villes et des infrastructures, victimes de tirs d'artillerie et d'attaque aériennes.
Ces chiffres constituent l’argument massue de Donald Trump, à quelques heures de sa prochaine conversation téléphonique avec Vladimir Poutine, annoncée pour ce mardi 18 mars. A chaque fois qu’il prend la parole, le président des Etats-Unis dénonce la «boucherie» de ce conflit et la nécessité d’en finir pour épargner des vies humaines. Est-ce, dans sa bouche, une figure de style ou un argument avant tout politique, pour se positionner comme un «faiseur de paix»? Peut-être. Mais les faits lui donnent malheureusement raison.
Poutine, le responsable
L’ironie affreuse est que Donald Trump a entrepris de négocier en direct avec celui qui est le principal responsable de cette tragédie. Poursuivi depuis le 17 mars 2023 par la Cour pénale internationale (CPI), Vladimir Poutine fait l’objet d’un mandat d’arrêt dont l’énoncé glace le sang. Le voici en intégralité: «Né le 7 octobre 1952, le Président de la Fédération de Russie serait responsable du crime de guerre de déportation illégale de population (enfants) et du crime de guerre de transfert illégal de population (enfants), et ce, de certaines zones occupées de l’Ukraine vers la Fédération de Russie.»
Le mandat de la CPI poursuit: «Ces crimes auraient été commis sur le territoire ukrainien occupé, à partir du 24 février 2022 au moins. Il existe des motifs raisonnables de croire que Vladimir Poutine est individuellement responsable au pénal des crimes susmentionnés pour avoir commis ces crimes directement, conjointement avec d’autres personnes et/ou par l’intermédiaire d’autres personnes, et pour avoir omis d’exercer le contrôle qui convenait sur les subordonnés civils et militaires qui ont commis ces crimes ou ont permis qu’ils soient commis, et qui étaient sous son autorité et son contrôle effectifs, conformément aux règles relatives à la responsabilité du supérieur hiérarchique.»
Une tragédie sans fin
Faut-il, pour autant, n’avoir qu’une lecture politique ou judiciaire de ce conflit? Quid de son effroyable dimension humaine qui conduit les pacifistes de tous bords à réclamer la fin la plus rapide possible des hostilités? Timothy Snyder a passé sa vie à inventorier la tragédie ukrainienne. L’historien a énuméré dans ses ouvrages les plaies fatales qui ont été imposées à l’Ukraine depuis la révolution d'octobre 1917 et la création, en 1922, de l'URSS.
En 1929, le pays a connu les ravages en Ukraine de la «dékoulakisation», la chasse aux propriétaires terriens. En 1932-1933, la famine provoquée par les Soviets a fait entre 2,5 et trois millions de morts. La Grande Terreur s’est ensuite abattue sur les Ukrainiens en 1937-1938.
Puis vinrent l’invasion nazie, la Shoah par balles (l’extermination des juifs d’Ukraine) et la destruction presque intégrale du pays. «Pour l’Ukraine, c’est toute l’histoire du XXe siècle qui est noyée dans le mensonge, de la Grande guerre à aujourd’hui», explique Timothy Snyder dans «Terres de sang» (Ed. Folio).
Exil massif
Donald Trump a donc raison d’insister sur la destruction de grande ampleur qu’il s’agit, trois ans après, d’interrompre. L’Organisation des Nations Unies, décriée par le locataire de la Maison Blanche, estime que «ce conflit est à l’origine de la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale.
Plus de 6,3 millions de réfugiés ont fui vers les pays voisins européens et 3,7 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays. Cela signifie que près d’un tiers de la population a été contraint de fuir son domicile, dont plus de la moitié des enfants ukrainiens». La Suisse a accueilli depuis 2022 environ 70'000 Ukrainiens.
Le prix de la paix
Mais attention aux raccourcis, la paix ne peut pas être imposée à n’importe quel prix à un peuple qui, de facto, a résisté dans des proportions que personne n’avait imaginées. «Les Ukrainiens continuent à faire preuve d’un fort sentiment d’identité nationale et d’appartenance à leur patrie. Les résultats mettent en évidence la force de l’identité nationale de l’Ukraine en tant que force unificatrice importante face à la guerre en cours», note une étude récente de l'ONU. Or Donald Trump nie cette évidence, estimant que la loi du plus fort doit prévaloir.
95'000 soldats russes tués
Les armées en présence, justement. Rappelons là aussi quelques chiffres. Le président Volodymyr Zelensky a annoncé publiquement que l’armée ukrainienne alignait 880'000 soldats et que, entre 2022 et janvier 2025, elle a subi 45'100 tués et 390'000 blessés.
Faute de chiffres officiels coté russe, les instituts spécialisés évaluent à 520'000 soldats le volume des troupes massés par Vladimir Poutine, début 2025, le long des 1500 kilomètres de front. Le 24 février 2025, une première liste des pertes humaines russes a été publiée. 95'323 soldats auraient été tués dans cette guerre depuis 2022.