Un entretien mardi
Croire que Poutine et Trump sont déjà d'accord est une erreur

Les présidents américain et russe doivent se parler cette semaine, selon la Maison Blanche. La preuve, justement, qu'ils sont encore loin d'être d'accord sur la future paix en Ukraine.
Publié: 05:58 heures
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Dernière mise à jour: 06:27 heures
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Donald Trump doit, selon son entourage, reparler cette semaine au téléphone avec Vladimir Poutine.
Photo: imago images/ZUMA Press
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Richard WerlyJournaliste Blick

Trump et Poutine donnent l’impression d’être d’accord sur presque tout. C’est du moins l’analyse de la plupart des observateurs occidentaux, qui déplorent la victoire narrative du président russe, avec lequel son homologue américain semble prêt à s’entendre à n’importe quelles conditions, sur le dos des Ukrainiens en lutte pour la survie de leur pays. La victoire russe serait donc proche, avec Poutine en maître du jeu et du calendrier. Pas si sûr…

La première erreur à ne pas commettre, lorsque l’on aborde la future conversation téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine – dont le président américain a annoncé qu'elle aurait lieu mardi – est de croire que les jeux sont déjà faits. Les avocats de cette théorie jugent, par exemple, que la contre-offensive actuelle de l’armée russe dans la poche de Koursk (d’où les Ukrainiens sont en passe d’être complètement refoulés), a déjà fait l’objet d’un «deal» entre les deux chefs d’Etat, lors d’un de leurs échanges téléphoniques précédents. 

En clair: Poutine aurait obtenu le feu vert de Trump pour récupérer ces territoires russes. Et ce dernier l’aurait aidé en privant ponctuellement les Ukrainiens de l’aide militaire et du renseignement américain.

Levier de négociation

Le problème est que ce raisonnement a ses limites. Il est vrai que le fait de détenir une poche de territoire russe donnait en théorie à l’Ukraine un levier de négociations dans les futurs pourparlers de paix. 

Il est vrai aussi que Donald Trump, en plaidant la cause des soldats ukrainiens encerclés dans la poche de Koursk, apparaît dans les médias internationaux comme un président magnanime, soucieux de sauver des vies humaines. Mais quel est l’intérêt de Trump de laisser Poutine arriver à la table des négociations en absolue position de force?

La seconde erreur est de penser que Trump veut simplement fermer la parenthèse du conflit ukrainien. Non! Le président des Etats-Unis a besoin d’un réel succès diplomatique, car il doit envoyer un signal à la Chine, qu’il considère comme l’adversaire principal de son pays. Il lui faut donc à la fois obtenir un blanc-seing des Ukrainiens (ce qui est maintenant le cas, depuis leur accord sur un cessez-le-feu total de trente jours, négocié à Djeddah en Arabie saoudite) et une concession significative de la Russie.

Image internationale

Laisser Poutine s’installer en position de force, c’est ruiner son image internationale et sa crédibilité sur d’autres dossiers. L’ancien promoteur immobilier new-yorkais doit apparaître comme un faiseur de paix respecté, pas comme celui qui a «bâclé un deal».

La troisième raison pour laquelle Donald Trump n’a pas encore scellé un accord avec Poutine est qu’il ne maîtrise pas toutes les cartes. Il peut bien sûr, au téléphone, suggérer telle ou telle avancée à son homologue russe, mais il doit aussi pouvoir imposer ses décisions aux Européens et surtout aux Ukrainiens. La pire des situations, pour Donald Trump, serait celle où sa propension à satisfaire Poutine entraîne, par exemple, une brusque rupture au sein de l’OTAN, voire la décision d’un ou plusieurs Européens de fermer les bases américaines sur leur sol.

Parole américaine

Inimaginable? Voire. Si Donald Trump abandonne l’Ukraine en rase campagne, reniant l’engagement pris par son pays et par le Congrès, toute l’architecture actuelle de sécurité en Europe sera ébranlée. Plus personne ne pourra compter sur la parole des Etats-Unis. Il lui faut donc, dans l’immédiat, trouver une solution qui soit, in fine, acceptable pour ceux qui restent ses partenaires et ses alliés. C’est tout l’enjeu des pressions européennes.

Dernière raison d’être méfiant sur un soi-disant accord déjà bouclé entre Poutine et Trump: la volonté de ce dernier d’obtenir un deal électoralement vendable auprès de son électorat. Or Poutine, ancien espion du KGB, est, à juste titre, considéré aux Etats-Unis comme un pur héritier de l’Union soviétique.

Menace russe

Le locataire de la Maison Blanche doit dès lors, marquer son territoire et pouvoir dire à ses concitoyens qu’il a arrêté la menace russe. Son intérêt n’est pas de laisser Poutine, actuel allié de la Chine, augmenter considérablement son armement. On sait par ailleurs que son objectif stratégique est d’éloigner Moscou de Pékin. Cela demande bien plus que des mots. Il lui faut apporter la preuve qu’un tel revirement russe est plausible. 

Non, Trump et Poutine ne sont pas encore tombés d’accord. Mais une chose est sûre: l’un comme l’autre sont aujourd’hui convaincus qu’ils peuvent (et vont) s’entendre.

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