Mais où est passé Vladimir Poutine? On le sait maintenant. Jusque-là, le Président russe était resté discret, entre deux échanges téléphoniques avec Donald Trump. Il s'était contenté de nommer un nouvel ambassadeur russe à Washington. Depuis le 28 février, Alexander Darchiev est le nouvel émissaire de Moscou aux Etats-Unis. Un inconnu du grand public que les experts jugent «programmé pour être l’homme de la normalisation des relations».
Cette normalisation peut-elle toutefois avoir lieu? Et sur quelle base, alors que Volodymyr Zelensky vient de réintégrer le jeu diplomatique, après le clash du 28 février à la Maison-Blanche? Une chose est certaine: Vladimir Poutine a choisi sa cible. Il s'agit du Président français Emmanuel Macron.
Poutine avertit Macron-Napoléon
Jeudi 6 mars, le Président russe avait invité les caméras de télévision pour sa rencontre avec une fondation soutenant les vétérans de l'«opération militaire spéciale en Ukraine. Et il en a profité pour répondre aux attaques du chef de l’État français, sans le nommer directement. «Depuis l’invasion de la Russie par Napoléon, certains sont encore avides (...) Il y a encore des gens qui veulent revenir à l’époque de Napoléon, en oubliant comment cela s’est terminé !». L'avertissement est clair: S'en prendre à la Russie, c'est risquer une bérézina et une retraite humiliante, comme en 1812.
Poutine maintient ses conditions
Rien n’a changé depuis l’agression russe du 24 février 2022. Vladimir Poutine a toujours affirmé être prêt à la paix, mais à ses seules conditions. Dès mars 2022, alors que la chute programmée de Kiev n’avait pas eu lieu, des pourparlers russo-ukrainiens s’étaient tenus à Istanbul.
Moscou affirme vouloir toujours travailler sur la base de ces accords qui «n’ont pas été rejetés». «Ils ont été approuvés par le chef de la délégation de négociation ukrainienne, ce qui signifie, apparemment, qu’ils étaient suffisamment satisfaisants pour l’Ukraine» a même répété Poutine en juillet 2024.
A l’époque, l’Ukraine proposait de devenir un pays neutre, à condition d’avoir des puissances étrangères garantissant sa sécurité. Kiev voulait que les questions de la Crimée et ses territoires sous contrôle des séparatistes pro-russes depuis 2014 fassent l’objet «de négociations séparées». La ligne rouge absolue, pour la Russie, est bien sûr le rapprochement entre l’Ukraine et l’OTAN.
Poutine compte sur Trump
Combien d’appels téléphoniques entre les deux hommes ont eu lieu depuis la victoire de Donald Trump le 5 novembre 2024? Le président américain a juste confirmé une conversation de plus d’une heure le 12 février. On connaît la suite, et les pressions déployées par les Etats-Unis sur l’Ukraine.
D’abord l’accord sur les minerais (que Zelensky est aujourd’hui prêt à signer). Puis la suspension de l’aide militaire américaine le 4 mars, et celle de la coopération en matière de renseignement. Selon les médias russes, l’appel du 12 février a permis de «briser le blocus de l’Occident». «Nous sommes ouverts au dialogue, a ensuite répété le porte-parole du Kremlin Dimitri Peskov.
De nombreux Occidentaux, y compris les dirigeants de l’Union européenne, ont peut-être été déconcertés par une simple conversation civilisée entre deux personnes bien élevées et polies, a-t-il ajouté. Bien sûr, ils ont des divergences, mais ils comprennent que la politique consiste à s’asseoir, à parler et à chercher un terrain d’entente.» Jusqu'à présider ensemble, à Moscou, le défilé du 80e anniversaire de la capitulation nazie, le 9 mai prochain?
Poutine est en position de force
L’Union européenne a adopté le 24 février un 16e paquet de sanctions économiques contre la Russie. Les familiers de ce pays notent aussi que, malgré une croissance de 4,1% en 2024, alimentée par l’industrie de défense qui produit à plein régime, les tensions inflationnistes et les taux d’intérêt très élevés (plus de 20%) prouvent le manque de confiance. «L’économie de guerre de la Russie est un château de cartes qui pourrait s’effondrer en 2025», juge le think-tank américain Atlantic Council.
Sauf que la lecture de Poutine n’est pas économique. «Il n’a jamais accordé d’importance aux chiffres», juge Sylvie Bermann, ex-ambassadrice de France à Moscou. Poutine voit que son armée, malgré d’énormes pertes, tient solidement environ 18% du territoire ukrainien. «Il pense qu’il peut gagner: Pourquoi négocierait-il?», interrogeait encore en décembre 2024 le Centre d’études stratégiques à Washington.
Il n’a aucune raison de s’asseoir ou de se dépêcher. Il se moque éperdument de savoir si d’autres Russes (ou Coréens du Nord) meurent pour ses ambitions territoriales».
Poutine veut contourner Zelensky
Le pouvoir russe est prudent. Le Kremlin a donc jugé mercredi «globalement positive» l’approche de Trump concernant les possibilités de pourparlers pour mettre fin au conflit en Ukraine. Sauf que pour Dimitri Peskov «l’interdiction légale faite au président ukrainien de négocier avec la Russie reste en vigueur».
Habile, car cette interdiction vient de Kiev. Volodymyr Zelensky avait interdit par décret en octobre 2022 tout pourparler direct avec le président russe. Depuis, le chef de l’Etat ukrainien a changé de position. La délégation russe aux pourparlers de Riyad a pour sa part affirmé que Vladimir Poutine serait «prêt» à négocier avec son homologue ukrainien, «si nécessaire». A condition que «le cadre juridique des accords soit discuté en tenant compte de la réalité».
Poutine a le temps
La décision des Etats-Unis de suspendre leur aide militaire à l’Ukraine, et la difficulté actuelle des Européens à se substituer à celle-ci, sont d’excellentes nouvelles pour le Président russe. Ses principaux objectifs restent les mêmes: que l’Ukraine renonce à rejoindre l’OTAN, qu’elle protège l’utilisation de la langue russe et que Kiev retire ses forces des quatre régions dont Moscou s’est emparé, mais que son armée ne contrôle pas entièrement.
L’idée d’une «trêve d’un mois dans le ciel et sur la mer» proposée par la France et le Royaume-Uni reste pour l’heure sans réponse de Moscou. Or «quiconque veut négocier ne frappe pas délibérément les gens avec des missiles balistiques» affirme Zelensky. A juste titre.