Discours solennel
Face aux Français, Macron ménage Trump et accuse Poutine

Le président français est intervenu à la télévision à la veille du sommet européen extraordinaire à Bruxelles. Oui, la France et l'Europe sont menacées par la Russie. Et oui, il n'est plus possible de compter sur l'allié américain. Un appel au courage.
Publié: 05.03.2025 à 21:11 heures
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Dernière mise à jour: 05.03.2025 à 21:27 heures
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Lors de son intervention télévisée, Emmanuel Macron a montré des graphiques sur l'armée russe.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Vladimir Poutine n’a pas été qualifié d’ennemi par Emmanuel Macron. Le président français a aussi évité d’accuser Donald Trump de lâcher l’Ukraine. Mais l’affaire est entendue. Oui, la France de 2025 est menacée par la Russie. Et oui, son allié américain n’est plus fiable. L’heure est donc venue de faire des choix «en Européens».

Le locataire de l’Elysée avait choisi son moment. Parler à ses compatriotes avant le sommet européen extraordinaire qui se tiendra à Bruxelles jeudi 6 mars, et juste avant de dîner avec Viktor Orbán, le Premier ministre Hongrois ouvertement pro-Trump, et résolu à ménager Poutine. Le résultat: un discours complet, engagé et pédagogue, sur ce que risquent la France et ses voisins dans ce monde «sans cesse plus brutal».

Un discours dont l’essentiel peut se résumer en trois points:

  1. Il faudra investir davantage dans la défense, ce qui supposera de «faire de nouveaux choix budgétaires».
  2. Le débat stratégique est ouvert sur une couverture européenne de la dissuasion nucléaire française dont «la décision restera entre «les mains du président de la République».
  3. Tout doit être fait pour convaincre les Etats-Unis de renoncer à leurs projets, sur la paix en Ukraine comme sur les tarifs douaniers.

Moment solennel

Emmanuel Macron sait le moment solennel, après la décision de Donald Trump de suspendre l’aide militaire à l’Ukraine et le partage du renseignement avec ce pays en guerre. Mais plutôt que de revenir sur les responsabilités de la nouvelle administration américaine, le président français a choisi de faire simple.

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D’abord sur la menace russe, personnifiée par Vladimir Poutine. «Elle est là et touche les pays d’Europe […] La Russie a fait du conflit ukrainien un conflit mondial. Elle viole nos frontières, manipule les élections, organise des attaques numériques, tente de manipuler nos opinions. Cette agressivité ne semble pas connaître de frontières. Qui peut croire que la Russie s’arrêtera à l’Ukraine», a-t-il asséné, alors que des graphiques montrant l’augmentation des effectifs de l’armée russe (+ 300'000 soldats d’ici 2030) s’affichaient en arrière-plan.

Ingérences russes… et américaines

Ensuite sur Trump et les Etats-Unis. Pas question, là, d’ouvrir des hostilités politiques, malgré les ingérences notables des responsables américains dans la vie politique européenne, assez similaires aux ingérences russes. La porte reste ouverte, y compris sur l’Ukraine où la France entend continuer de défendre un plan de paix européen dont les contours n’ont pas été précisés.

«Je veux croire que les Etats Unis resteront ou nos côtés. Nous restons attachés à l’OTAN» a précisé Emmanuel Macron tout en parlant de «la paix en Ukraine acquise rapidement ou non». Preuve que selon lui, la précipitation de Trump n’est pas assurée de l’emporter.

On connaît le tropisme pro-européen du président français. La crise actuelle lui a permis d’enfoncer ce clou, alors que l’opinion est divisée à propos de la guerre en Ukraine, et que les partis extrémistes (Rassemblement national et La France Insoumise) rejettent tous deux les avancées de la défense européenne. «A Bruxelles nous franchirons des pas décisifs. Plusieurs décisions seront prises», a-t-il promis, en évoquant «des financements communs massifs». Fait notable: l’Allemagne, la Pologne, les pays Baltes ont été cités mais pas l’Italie dirigée, il est vrai, par Giorgia Meloni, proche de Donald Trump et désireuse d’organiser au plus vite un sommet Europe-Etats-Unis.

Quels sacrifices?

Reste l’essentiel: les sacrifices que les Français devront consentir. Budgétaires. Sociaux. Economiques. Car la facture de cette défense sera lourde. Là, Emmanuel Macron n’est pas entré dans le détail, se réfugiant dans deux phrases en forme de slogan, après avoir insisté sur le «courage» indispensable: «Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d’hier» et «Les budgets ne remplaceront jamais la force d’âme d’une nation.»

D’accord. Mais au-delà des paroles, les trois questions qui fâchent demeurent posées. Combien cela va coûter? Qui va payer? Et à quoi faudra-t-il renoncer dans une République déjà confrontée à un déficit budgétaire chronique et à une dette record de 3300 milliards d’euros.

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