Les Européens avec Zelensky
Armer l'Ukraine maintenant, c'est préparer la guerre mondiale?

A Londres, une quinzaine de dirigeants européens se réunissent ce dimanche 2 mars autour de Volodymyr Zelensky. Objectif: répondre à la fracture entre l'Ukraine et les Etats-Unis. Avec une question en suspens: le risque, évoqué par Trump, d'une 3e guerre mondiale.
Publié: 02.03.2025 à 11:22 heures
|
Dernière mise à jour: 01:15 heures
1/5
Le 9 mai prochain, la Russie commémorera le jour de la victoire sur l'Allemagne Nazie. Donald Trump sera-t-il présent à Moscou?
Photo: Anadolu via Getty Images
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Les dirigeants européens sont-ils des «faiseurs de guerre», incapables de comprendre que la seule façon d’obtenir une paix durable à l’est de leur Vieux Continent est d’apaiser la Russie, et de lui accorder une «zone d’influence» conforme à sa taille et à son histoire?

Cette accusation est celle qui pèse au-dessus de la réunion de Londres. Le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui était dans le bureau de Donald Trump le 27 février, a pris l’initiative de rassembler une quinzaine de dirigeants européens, aux côtés du Secrétaire général de l’OTAN (l’Alliance atlantique dominée par les Etats-Unis) Mark Rutte et du Chef du gouvernement canadien (démissionnaire) Justin Trudeau. La Turquie et la Norvège ont aussi été invitées. 

La résistance et la paix

Or la donne est claire depuis l’affrontement, à la Maison Blanche, entre le président américain et son homologue ukrainien le 28 février: pour Trump, toute volonté de poursuivre la résistance en Ukraine, et toute mise en cause de la menace russe revient à s’opposer à la paix et faire courir à la planète le risque d’une «troisième guerre mondiale».

La conséquence, pour les Européens réunis à Londres avant un sommet extraordinaire de l’Union européenne le 6 mars à Bruxelles, est qu’ils se retrouvent mis par Trump dans le camp des «va-t-en-guerre», responsable de la poursuite d’un conflit qui a sans doute déjà fait près d’un million de victimes civiles et militaires. Le locataire de la Maison Blanche insiste, on le sait, sur l’absolue nécessité pour ses 31 pays alliés de l’OTAN de se réarmer, de dépenser au moins 5% de leur produit intérieur brut pour leur défense (contre un peu moins de 2% aujourd’hui), et d’acheter le plus possible d’armes «Made in USA». Mais simultanément, Trump considère que la défense de l’Ukraine pour résister à la Russie qui l’a agressée doit être conditionnée à un accord sur un cessez-le-feu immédiat.

Plus de livraisons d’armes

Il fait aussi peser la menace d’interrompre les livraisons d’armes américaines à ce pays (des équipements pour une valeur d’environ quatre milliards de dollars doivent encore être livrés à Kiev, dans le cadre des accords passés par l’administration Biden). En clair: les Européens doivent s’armer, à condition que ces armes ne servent pas à menacer la Russie via l’Ukraine. Une situation contradictoire lorsque l’on sait que, de facto, la menace la plus directe sur le Vieux Continent est celle que fait peser Moscou, soit sous forme militaire et nucléaire (Poutine l’a répété plusieurs fois) soit sous forme de guerre hybride et d’ingérences électorales.

Donald Trump a-t-il raison d’un point de vue militaire? L’heure serait-elle venue, pour les Européens d’apaiser le Kremlin tout en se réarmant. Ce qui, concrètement, revient à faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle signe une paix sans garanties de sécurité. Peut-on croire le Kremlin qui, ce dimanche, affirme partager les vues pacifiques de Trump?

Choix européen en urgence

La réponse à cette question est double, et les Européens doivent choisir en urgence ce qu’ils vont faire. C’est le sens de l’intervention d’Emmanuel Macron dans les médias ce dimanche. Le président français évoque à la fois un possible partage européen de la dissuasion nucléaire tricolore et la nécessité d’avancer rapidement vers «un financement massif et commun» représentant «des centaines de milliards d’euros» pour bâtir une défense commune au nom d’un «d’un réveil stratégique». Dans une intervention au «Figaro» le président français a également martelé la nécessité d'une trêve d'un mois en Ukraine «dans les airs, sur les mers et les infrastructures énergétiques». 

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Première réponse possible: les principaux pays européens lient le destin de l’Ukraine à la défense du continent. Ils s’engagent dès lors, et vite, à remplacer toute aide militaire défaillante des Etats-Unis à Kiev, voire renforcent encore plus le potentiel de l’armée ukrainienne, par exemple en lui livrant d’urgence les fameux missiles Taurus allemands jusque-là retenus par le chancelier sortant (battu aux législatives du 23 février) Olaf Scholz. La France et l’Italie pourraient aussi livrer des batteries de missiles antiaériens Mambas, et les participants pourraient promettre plus de canons et d’avions. C’est la thèse du bouclier ukrainien. L’équilibre des forces demeurera peu ou prou le même. Mais elle remet de force l’Ukraine dans la négociation. Elle permet à Zelensky de dire «non».

La logique de Trump

Seconde réponse, voulue par Donald Trump. Les Européens déboursent massivement pour leur défense, mais ils exigent, eux aussi, une paix en Ukraine. En clair: la Russie de Poutine a gagné. Elle ne pourra pas a priori aller plus loin car l’Europe sera mieux armée. Mais sa zone d’influence (est de l’Ukraine, Moldavie, Géorgie) reste dans son viseur, et les prochaines élections présidentielles en Roumanie et en Pologne, en mai, seront à hauts risques, vu les ingérences attendues en provenance de Russie et des Etats-Unis.

Il faut reconnaître à Trump une logique. Il considère l’Europe de l’ouest comme «sa» zone d’influence qui doit rapporter aux Etats-Unis en termes de commandes d’armes et d’ouverture de son marché. Et il veut, en parallèle, mettre les mains sur les ressources ukrainiennes et faire un «deal» avec la Russie.

Pas de Troisième guerre mondiale

Et la troisième guerre mondiale? Cet argument ne tient pas. Vladimir Poutine a plusieurs fois depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 février 2022 brandit cette menace. Il a menacé d’utiliser ses bombes atomiques. Or la Russie n’a jamais été attaquée, sauf en août 2024 lorsque les Ukrainiens ont pris le contrôle d’une poche dans la région de Koursk.

Le vrai sujet, le seul, est de savoir si à Londres ce dimanche, les Européens vont tenir tête à Donald Trump et faire de l’Ukraine «leur» sujet. Ce qui peut entraîner, il faut l’admettre, une escalade de la part de la Russie qui perdrait alors l’avantage. Les Européens, en somme, doivent décider ou non de jouer au poker avec Trump, en redonnant – ou pas – à Kiev, des «cartes en main».

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la