Les scènes retransmises par les caméras de la Maison Blanche vendredi soir ressemblaient à une émission de téléréalité. Le président américain Donald Trump et son vice-président J.D. Vance se sont acharnés sur un Volodymyr Zelensky ahuri et désemparé, tentant de se justifier les bras croisés.
Le président ukrainien s'était rendu à Washington à la dernière minute pour signer avec Trump un accord de plusieurs milliards de dollars sur les matières premières. L'argent aurait dû être utilisé pour la reconstruction et pour dédommager les Américains de leur importante aide militaire. La signature n'a pas eu lieu. A la place, un coup d'éclat qui a de quoi faire frémir tout le Vieux Continent.
Une question de Zelensky fut déterminante: «Je parle avec mes amis en Pologne et ils sont inquiets que vous preniez de plus en plus le parti de la Russie. Que leur dites-vous?» En guise de réponse, Trump a accusé son invité d'éprouver «de la haine envers Poutine» et «d'attiser les braises d'une Troisième Guerre mondiale». De son côté, J.D. Vance a continué à jeter de l'huile sur le feu, accusant Zelensky de manquer de respect envers ses alliés américains.
Après environ 45 minutes de discussion, Zelensky a quitté la Maison Blanche, plus tôt que prévu. Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a immédiatement exigé des excuses de la part de Zelensky pour leur avoir fait «perdre leur temps» lors d'une réunion qui s'est «terminée de cette manière». Mais il n'y aura pas d'excuses, pas plus qu'une nouvelle rencontre.
Poutine se frotte les mains
Le rapprochement de Trump avec le Kremlin va donner du souffle au président russe Vladimir Poutine dans son agression. Il faut s'attendre à de nouvelles offensives. Ralph D. Thiele, président de la société politico-militaire et président d'EuroDefense Allemagne, déclare à Blick: «L'Ukraine va subir des dommages et Zelensky ne pourra probablement pas rester en place.»
Pour l'expert, il est clair que l'Europe doit maintenant agir militairement pour stopper l'appétit vorace de Poutine. «Elle a besoin au plus vite de premières formations, que l'on puisse utiliser au-delà des slogans. Ce qu'il faut, c'est une force armée européenne performante qu'il faut composer à partir des troupes et des systèmes d'armes des Etats européens.»
S'agissait-il d'une vengeance?
Le fait que Trump se soit clairement détourné de l'Ukraine, contrairement à son prédécesseur Joe Biden, pourrait avoir deux sources distinctes. «Trump ne voit manifestement aucun avantage économique ou stratégique dans sa relation avec l'Ukraine, explique Philipp Adorf, assistant scientifique à l'Université de Bonn. Pour lui, le pays représente surtout une charge financière, car ce dernier a besoin d'un soutien militaire et économique continu de la part des Etats-Unis. En revanche, Trump décerne un plus grand profit dans une relation stable avec la Russie. Il voit en Poutine un partenaire de négociation plus digne de confiance et plus fidèle qu'en Zelensky.»
Philipp Adorf n'exclut toutefois pas que Trump ait voulu se venger de Zelensky. «Trump n'a jamais pardonné à Zelensky d'avoir refusé en 2019 d'ouvrir une enquête sur Hunter Biden et ses activités commerciales en Ukraine.» Cette question a été en effet un élément central de la première procédure de destitution de Trump. En outre, le président s'est irrité du fait que Zelensky ait visité une usine d'armement en Pennsylvanie avec le gouverneur démocrate, Josh Shapiro, pendant la campagne électorale américaine.
Probablement la fin de l'aide américaine
Philipp Adorf qualifie la relation entre les Etats-Unis et l'Ukraine de «peut-être irrémédiablement endommagée». Avec les majorités républicaines au Congrès, Trump dispose du soutien nécessaire pour imposer sa ligne isolationniste. «Il ne faut donc pas s'attendre à ce que le Congrès mette à disposition de l'Ukraine des fonds supplémentaires de sa propre initiative», estime l'expert.
Zelensky doit maintenant panser ses plaies et se réorienter. «L'Ukraine a désormais tout intérêt à se concentrer sur ses alliés européens, explique Ulrich Schmid, expert de la Russie à l'Université de Saint-Gall. Et les Européens doivent comprendre qu'il ne faut plus compter sur les Etats-Unis pour quoi que ce soit tant que Trump sera au pouvoir.»
La plupart des Européens tendent déjà la main. Le potentiel futur chancelier allemand Friedrich Merz veut se tenir aux côtés de l'Ukraine: «Nous ne devons jamais confondre les agresseurs et les victimes dans cette terrible guerre.» Seul un Européen s'écarte de la ligne: le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui a félicité Trump à la suite de sa rencontre avec Zelensky. «Il s'est courageusement engagé pour la paix!»
Négociations demandées
Les chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que les dirigeants de l'OTAN et de l'UE se réuniront ce dimanche à Londres pour discuter de la suite des événements. Le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui a également rendu visite à Trump récemment, a été invité et souhaite jouer un rôle de médiateur.
La Première ministre italienne d'extrême droite Giorgia Meloni espère toujours pouvoir recoller les morceaux de l'amitié entre l'Europe et les Etats-Unis. Elle demande un sommet entre les deux puissances occidentales et met en garde: «Toute division de l'Occident nous rend tous plus faibles et favorise ceux qui veulent provoquer la chute de notre civilisation.»
Mais un tel sommet sera-t-il vraiment efficace? La division a en réalité déjà commencé. Depuis vendredi soir, le monde entier a pu constater que Donald Trump et ses amis républicains ont choisi leur camp.