Une quinzaine de dirigeants alliés de l'Ukraine tiennent dimanche à Londres un sommet crucial pour imaginer de nouvelles garanties de sécurité en Europe face aux craintes de lâchage par Washington, accentuées après le clash de vendredi entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky.
Zelensky ovationné
Ovationné par des dizaines de personnes rassemblées devant le 10 Downing Street, le président ukrainien a été chaleureusement accueilli samedi par le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui l'a assuré de l'«absolue détermination» du Royaume-Uni à soutenir son pays face à l'invasion russe.
Londres et Kiev ont signé dans la foulée un accord de prêt de 2,26 milliards de livres (près de 2,74 milliards d'euros) pour soutenir les capacités de défense de l'Ukraine, qui sera remboursé avec les bénéfices des actifs russes gelés. «L'argent servira à produire des armes en Ukraine», a déclaré Volodymyr Zelensky sur Telegram, se disant «reconnaissant au peuple et au gouvernement du Royaume-Uni». Volodymyr Zelensky doit rencontrer le roi Charles III dimanche, et participer au sommet sur la sécurité prévu à partir de 14H00 (même heure GMT).
Ce sommet réunit notamment le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz, les Premiers ministres canadien Justin Trudeau, polonais Donald Tusk, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte et les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen, Ursula von der Leyen et Antonio Costa. Il précède un sommet européen extraordinaire sur l'Ukraine prévu le 6 mars à Bruxelles.
Selon Downing Street, les discussions à Londres vont porter sur «le renforcement de la position de l'Ukraine aujourd'hui, y compris un soutien militaire continu et une pression économique accrue sur la Russie».
Garanties de sécurité
Les participants discuteront également de «la nécessité pour l'Europe de jouer son rôle en matière de défense» et des «prochaines étapes de la planification de garanties de sécurité solides» sur le continent, face au risque de retrait du parapluie militaire et nucléaire américain.
Ukraine et Europe suivent avec inquiétude le rapprochement entre Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine. Moscou et Washington ont lancé, sans inviter l'Ukraine ni les Européens, des négociations pour mettre fin à la guerre, dont le président américain refuse de considérer Moscou comme responsable.
Des craintes qui ne sont pas près de s'apaiser après la violente altercation publique dans le Bureau ovale entre Volodymyr Zelensky, Donald Trump et le vice-président américain JD Vance vendredi.
Pendant de longues minutes, le président américain a reproché à son homologue ukrainien de «s'être mis en très mauvaise posture», lui a lancé qu'il «n'avait pas les cartes en main» et lui a ordonné de faire la paix avec la Russie en menaçant: «concluez un accord ou nous vous laissons tomber». Il a ensuite chassé son invité de la Maison Blanche.
«Nouvelle ère d'infamie»
«Une nouvelle ère d'infamie a commencé (...) dans laquelle nous devons plus que jamais défendre l'ordre international fondé sur des règles et la force du droit contre la loi du plus fort», a réagi samedi la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock. Cette dernière a jugé urgent que l'Allemagne et l'Union européenne assouplissent leurs règles budgétaires afin de dégager des moyens supplémentaires pour aider l'Ukraine et renforcer leur propre défense.
«Il est devenu clair que le monde libre a besoin d'un nouveau leader. C'est à nous, Européens, de relever ce défi», avait exhorté la veille la cheffe de la diplomatie de l'UE Kaja Kallas. Le président français Emmanuel Macron s'est dit prêt à «ouvrir la discussion» sur une éventuelle future dissuasion nucléaire européenne, après une demande en ce sens du futur chancelier allemand Friedrich Merz, qui a jugé nécessaire que l'Europe se prépare «au pire scénario» d'une Otan lâchée par Washington.
Dans un entretien à plusieurs journaux français, Emmanuel Macron a dit espérer que les pays de l'Union européenne avanceront rapidement vers «un financement massif et commun» représentant «des centaines de milliards d'euros» pour bâtir une défense commune. «Je crois qu'aujourd’hui, c'est le moment d'un réveil stratégique, parce que dans tous les pays il y a un trouble, une incertitude, sur le soutien américain dans la durée», a-t-il expliqué.
«Si Poutine atteint ses objectifs, alors l'Europe sera la prochaine»
A quelques kilomètres de la ligne de front, dans l'est de l'Ukraine, les soldats ukrainiens ont suivi avec effarement le clash entre leur président et Donald Trump. Nadija, une lieutenant de 21 ans, dit s'être sentie «vide» et se demande ce que l'Ukraine a bien pu faire pour mériter d'être traitée ainsi.
Face au risque de lâchage par les Etats-Unis, Nadija compte sur le soutien de l'Europe, persuadée d'un «réveil» des pays frontaliers de la Russie. «Si le soutien s'affaiblit, si Poutine atteint ses objectifs, alors l'Europe sera la prochaine» à être attaquée, prédit-elle.
Un autre soldat répondant au pseudonyme de Smile, tête baissé et regard abattu malgré d'intenses yeux bleus, dit se sentir «trahi» et «abandonné». «La façon dont Trump s'est comporté est inacceptable», lâche-il, en espérant que l'Europe fera quelque chose pour aider l'Ukraine. «Sinon, que pouvons-nous faire d'autre?»