La Maison Blanche bouge
Ce que Trump va refuser à Poutine en Ukraine

Donald Trump reçoit ce vendredi 28 février Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche. Il veut, on le sait, un cessez-le-feu rapide en Ukraine. Mais Vladimir Poutine, qui espère tout rafler, pourrait être déçu.
Publié: 28.02.2025 à 10:30 heures
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Dernière mise à jour: 28.02.2025 à 12:37 heures
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Pendant que Donald Trump reçoit Voloymyr Zelensky à Washington, Poutine continue de se rapprocher des pays africains.
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ceux qui croient le «deal» ukrainien déjà bouclé entre Trump et Poutine se trompent lourdement. Cette affirmation ne vient pas des Européens, affairés à essayer de riposter aux pressions commerciales et militaires de l’administration américaine, après les visites à Washington d’Emmanuel Macron et du Premier ministre britannique Keir Starmer. Elle vient de l’entourage de Donald Trump. Car pour ce dernier, un «deal» ne peut rimer qu'avec victoire. Or céder sur l’Ukraine n’en serait pas une. C’est l’atout ultime de Volodymyr Zelensky, reçu ce vendredi 28 février à la Maison Blanche.

Résumons: la meilleure paix possible, pour le Kremlin, serait celle qui n’en est pas une. En bref, la Russie rêve d’un cessez-le-feu en Ukraine qui lui permette de remettre sur pied son armée laminée par trois ans de guerre, de ne céder aucun territoire conquis, et de ne pas être présentée comme l’agresseur mais au contraire comme le défenseur des droits des russophones d’Ukraine. C’est, en partie, ce que Trump laisse entendre. Sauf que pour l’heure, le président américain n’a fait que parler. Il n’a bien sûr rien signé. Il envoie des signaux contradictoires. Il a échangé avec Vladimir Poutine. Il reçoit Volodymyr Zelensky à reculons. Tout cela est vrai, mais il est bien trop tôt pour dire que Washington est prêt à brader la paix en Ukraine.

Dissocier Chine et Russie

La première raison pour laquelle Trump doit l’emporter face à Poutine, ou du moins apparaître comme le vainqueur, est géopolitique. La menace, désignée par Washington, est celle de la Chine alliée de la Russie. Il s’agit donc de dissocier le plus possible ces deux puissances. Or, il faut pour cela mettre le Kremlin en difficulté. Le président russe, méfiant, ne changera pas d’alliance – ce qui de toute façon est peu probable – s’il n’y est pas forcé.

Sanctions économiques

C'est sans doute dans le registre des sanctions économiques que le président américain portera l'estocade. Trump, obsédé par les «deals» lucratifs, ne veut pas payer davantage pour l’Ukraine. Il va donc mettre dans la balance les avoirs russes saisis par les Occidentaux. Et en particulier les 300 milliards d’euros d’actifs de la banque centrale russe gelés dans les banques européennes. Une levée immédiate de ces sanctions est donc très peu probable. Plus important: Washington a annoncé vouloir «cibler» les entités fantômes qui permettent à la Russie de contourner l’embargo. Vladimir Poutine restera ligoté économiquement.

Rapport de force

Le second registre sur lequel Trump va décevoir Poutine est celui du rapport de force. L’objectif américain, rappelons-le, est de vendre le plus possible de produits «Made in USA», à commencer par des armes. On pense en particulier à ce qui coûte le plus cher, comme les batteries antimissiles Patriot ou les avions F35. Or plus Trump va en vendre aux Européens (prêts à en acheter pour se protéger et calmer Washington), plus les pays proches de la Russie seront mieux armés et à même de lui résister.

Plus grave pour Poutine: cette course aux armements va l’obliger à s’enfoncer encore plus dans une économie de guerre qui, dans les faits, appauvrit son pays et sa population. Souvenons-nous de la «guerre des étoiles» de Ronald Reagan, le créateur du slogan MAGA (Make America Great Again): elle a mis l’ex-URSS sous pression et a fini par lui faire rendre l’âme. Car la Russie n’a pas les moyens d’une course infernale aux armements de haute technologie.

Cessez-le-feu

Troisième registre sur lequel Poutine peut perdre: le cessez-le-feu. Bien sûr, tous les experts redoutent que Moscou profite d’un arrêt des combats pour se réarmer, puis teste les défenses de l’OTAN, l’Alliance atlantique fragilisée par l’attitude des Etats-Unis. Sauf que cela reviendrait à faire perdre la face à Donald Trump, le nouveau «shérif». La réalité est donc qu’un cessez-le-feu, si l’aide économique massive est au rendez-vous, peut davantage profiter à l’Ukraine dont Donald Trump veut exploiter les terres rares et reconstruire les villes.

Dès lors qu’il signera l’arrêt des combats, Poutine aura l’obligation de s’y conformer, au moins pendant les trois prochaines années du mandat du président américain. Or cette période peut être mise à profit par l’Ukraine. Y compris par Volodymyr Zelenksy, capable de se faire réélire malgré les ingérences russes annoncées dans le débat électoral.

«Peacemaker respecté»

Vladimir Poutine se méfie de Trump et il a bien raison. Le locataire de la Maison Blanche veut être un «peacemaker» respecté. Il se fiche, il est vrai, du droit international. Il est prêt, il est vrai, à forcer la main des Ukrainiens. Il admire, c’est juste, l’homme fort qu’est Poutine. Et après? Une fois la photo des deux hommes prise à Riyad en Arabie saoudite où ils veulent se rencontrer, qui aura la main sur les médias et sur l’opinion mondiale? Trump. Poutine sera remis en selle, mais pas réhabilité. Les Etats-Unis intensifieront leurs pressions sur la Chine, compliquant la relation entre Moscou et Pékin.

Poutine a l’avantage tactique. Trump le sait. Et il n’est sans doute pas prêt à le laisser en profiter à ses dépens, surtout si cela lui permet, en Europe et en Ukraine, d’engranger des milliards de dollars de commandes de matériel.

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