Président ou despote?
Donald Trump, roi sans couronne des Etats-Unis

Le président américain est de plus en plus critiqué pour sa centralisation excessive du pouvoir. Ses adversaires l'accusent de se comporter comme un monarque. Premier bilan, un mois après son investiture.
Publié: 16:50 heures
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Donald Trump avait annoncé qu'il serait «dictateur un jour». Est-il en train d'aller plus loin ?
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il l’avait annoncé. Un dictateur? Oui, Donald Trump avait reconnu, avant son élection le 5 novembre 2024, être prêt à le devenir. Mais pour une journée seulement, le temps de prendre les décrets présidentiels indispensables, selon lui, au renvoi massif forcé des migrants clandestins, et à la remise sur pied des Etats-Unis, conformément à son mot d’ordre «MAGA» (Make America Great Again – Rendre à l’Amérique sa grandeur).

Et maintenant? Que peut-on dire de son exercice du pouvoir présidentiel, un mois après son investiture le 20 janvier 2025?

Les supporters de Trump, évidemment, jurent que celui-ci a pour seul objectif de tenir ses promesses. A savoir la prospérité (par une politique protectionniste à base de tarifs douaniers augmentés), la sécurité (par le renvoi programmé de plus de onze millions de migrants clandestins) et le retour de la paix (par l’accord obtenu entre Israël et le Hamas à Gaza, et les pressions déployées pour en finir avec la guerre en Ukraine. Son électorat MAGA applaudit aussi aux premières coupes dans le budget fédéral, avec la fermeture de nombreux programmes d’aide au développement de US AID, le licenciement de plus de 11 000 fonctionnaires en cinq semaines, et une surveillance accrue du travail de l’administration fédérale via l’envoi d’e-mails demandant aux employés du secteur public de justifier leur occupation des derniers jours.

Quid de l’équilibre des pouvoirs?

Mais quid de l’équilibre des pouvoirs et du système démocratique, basé aux États-Unis l’indépendance de la justice, la liberté de la presse et le fédéralisme? A y regarder de près, ces premières semaines de pouvoir trumpiste nourrissent logiquement l’inquiétude de ses adversaires.

Du côté de l’équilibre des pouvoirs, il faut redire que l’élection du 5 novembre a été un triomphe politique pour le mouvement MAGA. Donald Trump a remporté le vote populaire avec 2,3 millions de voix en plus que Kamala Harris. Le 47e président a obtenu 312 «grands électeurs» (les représentants des États) contre 2256 pour la candidate démocrate. Son Parti républicain contrôle désormais le Sénat, par 53 contre 47. Et il a conservé sa courte majorité à la Chambre des Représentants, par 218 sièges contre 215. Les horloges politiques américaines seront maintenant remises à jour lors des «mid-terms», les élections de mi-mandat, en novembre 2026.

Les Républicains obéissent

Est-ce inquiétant de voir que la majorité républicaine au Sénat a, malgré la controverse suscitée par ces candidats, approuvé la nomination de Tulsi Gabbard (Directrice du Renseignement), de Kash Patel (à la tête du FBI), de Pete Hegseth (Défense) ou de Robert Kennedy Jr (Santé) ? La réponse, sur le plan strictement politique, est négative. On savait que Donald Trump contrôle d’une main de fer les parlementaires Républicains. L’ancien chef de la minorité républicain au Sénat Mitch McConnell (83) en a d’ailleurs tiré les conséquences. Il a annoncé son retrait de la vie politique après avoir été le seul Républicain à voter contre Tulsi Gabbard, connue pour avoir encensé Vladimir Poutine et l’ex-dictateur libyen Bachar al-Assad.

Doit-on aussi s’inquiéter des atteintes à la Justice? Là, la réponse est plus préoccupante. Ce 24 février, un deuxième juge fédéral a fait l’objet d’une menace de destitution par les membres conservateurs de la Chambre des représentants des États-Unis, qui intensifient les critiques publiques contre les magistrats qui se prononcent contre le programme présidentiel.

Juges dans le viseur

Dans ce cas précis, le juge John Bates de Washington DC est attaqué pour avoir ordonné à l’administration Trump de rétablir les sites web gouvernementaux sur la santé qui avaient été mis hors ligne en réponse à un décret exigeant la suppression de «l’extrémisme de l’idéologie du genre». Le premier magistrat menacé de destitution est Paul Engelmayer de Manhattan, accusé d’avoir émis le 8 février une ordonnance pour bloquer le contrôle du système de paiements du Trésor américain par le nouveau Département de l’efficacité gouvernementale (Doge), dirigé par Elon Musk.

Quid des fonctionnaires? La réponse est là aussi ambiguë. Légalement, Elon Musk ne dirige pas un département ministériel. La meilleure preuve est que son e-mail envoyé aux fonctionnaires de l’administration fédérale, les menaçant d’être licenciés s’ils n’ont pas répondu à un questionnaire sur les activités d’ici au lundi 3 mars, s’est vu rejeté par ses collègues Tulsi Gabbard (Services secrets) et Kash Patel (FBI) !

Chaos dans l’administration

Résultat: le fait de répondre ou non se fait désormais sur une base «volontaire». Mais l’impression de chaos domine. Plus de 11 000 fonctionnaires ont déjà annoncé leur intention de démissionner. Des employés de sites nucléaires avaient été licenciés par erreur.

Plus de 20 employés de la fonction publique ont par ailleurs démissionné le 25 février du département de l’efficacité gouvernementale du milliardaire Elon Musk, en expliquant qu’ils refusent d’utiliser leur expertise technique pour «démanteler des services publics essentiels». «Nous avons juré de servir le peuple américain et de respecter notre serment à la Constitution», ont-ils écrit. «Il est devenu évident que nous ne pouvons plus honorer ces engagements». Attention, danger!

Signal d’alarme dans les médias

Et les médias? Là aussi, le signal d’alarme retentit. La Commission fédérale des communications, désormais dirigée par Brendan Carr (un avocat proche du Chef de l’Etat, coauteur du Projet 2025, matrice du programme politique trumpiste, mais vétéran de la FCC) vient de lancer une enquête sur une série d’organisations médiatiques, y compris le propriétaire de NBC News. Il a aussi affirmé que le Congrès devrait cesser de financer les stations publiques PBS et NPR, menaçant de les supprimer. S’ajoute à ces attaques la nouvelle politique de la Maison-Blanche qui tient désormais à l’écart de sa salle de presse l’agence Associated Press. Laquelle a porté plainte.

A surveiller aussi: les nominations à la tête des armées. Donald Trump, commandant en chef, a le pouvoir de nommer les Généraux qu’il souhaite promouvoir. Il vient de le faire en limogeant le Chef d’État-Major interarmes, le général de l’armée de l’air Charles CQ Brown, ainsi que plusieurs officiers supérieurs. Le nouveau chef d’Etat-Major sera un Général trois étoiles, Dan «Razin» Caine, proche du mouvement MAGA, mais il devra être confirmé par le Sénat.

Président-roi

Trump va-t-il trop loin dans ses nominations? Pour l’heure, la question posée est surtout celle du profil des candidats, et de leur qualification pour ces missions. Le droit, lui, est respecté. Ce qui n’empêche pas plusieurs gouverneurs d’Etats importants, inquiets de la multiplication des décrets présidentiels dont la validité est discutable, de déplorer l’attitude monarchique du 47e président des Etats-Unis. Pas question, pour eux, de voir s’installer à Washington un «Président-Roi» à la tête de la République.

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