3 ans de guerre aujourd'hui
S'il continue comme ca, Trump va rendre la paix impossible en Ukraine

Le président américain pense qu'à force de ménager la Russie et d'exercer une pression maximale sur l'Ukraine, les combats cesseront. Et si Donald Trump se trompait radicalement d'approche ?
Publié: 05:52 heures
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Dernière mise à jour: 06:49 heures
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A Rome, une manifestation pro-ukrainienne a rassemblé dimanche des milliers de personnes.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump continue dès qu’il le peut à marteler son slogan «Make America Great Again». Or ce lundi 24 février, pour le troisième et bien triste anniversaire de la guerre déclenchée par la Russie de Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky pourrait fort bien s’en inspirer.

Depuis trois ans, l’attitude du président ukrainien traité avec mépris de «comédien peu doué» et de «dictateur» par le locataire de la Maison Blanche, consiste à garder espoir pour qu’un jour «l’Ukraine soit aussi rendue à sa grandeur». Grandeur, dans le sens d’une souveraineté nationale retrouvée, à l’intérieur de frontières internationalement reconnues, et avec des garanties de sécurité suffisantes pour ne plus craindre une nouvelle agression de Moscou.

Le narratif des Etats-Unis, depuis l’investiture de Donald Trump le 20 janvier, tient en un mot: paix. L’ancien promoteur immobilier new-yorkais avait initialement promis de ramener la paix «en un jour» durant la campagne électorale. Cela s’avère, depuis, beaucoup plus compliqué. Et il n’est pas exclu qu’au moment où l’Ukraine entame, ce lundi 24 février, sa quatrième année de conflit, les manœuvres de Trump rendent au contraire impossible une cessation durable des combats et le retour à un voisinage pacifique dans cette partie du continent européen.

L’obstacle de la fierté

Premier obstacle à la paix que Donald Trump est en train de rendre plus difficile à franchir pour les Ukrainiens, à qui les Etats-Unis ont apporté depuis trois ans environ 115 milliards de dollars d’aide civile et militaire (et non 350 comme il l’a faussement affirmé): la fierté nationale. Oui, l’Ukraine est fière. Le nationalisme ukrainien et ses excès (y compris une nostalgie affichée de certains milieux pour les nazis) a, on le sait, d’ailleurs contribué à la montée des tensions avec la Russie.

Mais la guerre l’a transformé. Plus de 400 000 Ukrainiens ont perdu la vie au combat ou sous les attaques russes, selon les estimations internationales. Le fait d’entendre Donald Trump décrire les scènes de combat affreuses, les milliers de morts sous les décombres, et la jeunesse broyée – tout cela est vrai – ne va pas dissiper l’aspiration d’une large majorité d’Ukrainiens à vivre dans un Etat viable, qui fait le choix de la démocratie en se tournant vers l’Europe occidentale.

Or cette fierté est bafouée. Donald Trump la néglige, sans avoir les moyens de la faire taire. C’est le talon d’Achille majeur de son plan de paix qui, par ailleurs, peut avoir du sens.

Poutine, le choix de la guerre

Deuxième obstacle à la paix: Vladimir Poutine lui-même. Le président américain a choisi de ménager son homologue russe qu’il veut à tout prix rencontrer bientôt en Arabie saoudite. Son administration ne présente plus la Russie comme l’agresseur, alors que ce fait est incontestable. Ce sont bien les divisions de l’armée russe qui, le 24 février 2022, se sont ruées à l’assaut de Kiev avant d’être stoppées notamment par la résistance ukrainienne à l’aéroport d’Hostomel.

Or quelles concessions a fait Vladimir Poutine depuis un mois? Aucune. Rien. Des renseignements confirment par ailleurs que Moscou accroît sa présence militaire en Biélorussie. Ce qui renforce les Européens dans leur conviction que Vladimir Poutine attend son heure pour tester les défenses d’un pays de l’OTAN. En bref: Trump renforce par ses actions la défiance envers la Russie qui sera visée ce lundi 24 février par un 16e paquet de sanctions de l’Union européenne.

Troisième obstacle à la paix que la surenchère de Trump renforce sans que cela se manifeste – pour l’heure – publiquement: la détermination chinoise à tirer profit de ce conflit. Pékin a saisi la manœuvre trumpiste. Washington espère, en courtisant Moscou, détacher la Russie de son actuel allié et protecteur chinois. Que feriez-vous donc si vous étiez la Chine? Vous ne chercheriez pas tous les moyens pour bloquer un règlement durable de ce conflit? Plus la Russie combat, plus elle est faible, et plus ces ressources naturelles sont dans la main des Chinois qui en ont grandement besoin.

Les terres rares de Trump

Plus évident encore: l’acharnement de Trump à demander l’accès aux terres rares ukrainiennes ne peut qu’inciter les Chinois à empêcher que l’exploitation de ces minerais démarre. La Chine était favorable à une paix qui placerait davantage la Russie dans sa sphère d’influence. Toute autre solution ne l’intéresse pas.

Trois ans de guerre, de destructions, de villes rasées ne peuvent pas être oubliés parce que Donald Trump l’ordonne. Ajoutons à cela le possible réveil des Européens, qui ont les moyens s’ils le veulent d’équiper militairement l’Ukraine et de l’armer davantage, en augmentant leur propre budget de défense (comme le veut Trump). Le paradoxe est donc qu’en misant sur la Russie, pour le seul avantage des Etats-Unis, le président américain court le risque de rendre l’équation ukrainienne encore plus létale et difficile à résoudre.

Trump veut être à la fois un «dealmaker» (un faiseur de deals) et un «peacemaker» (un faiseur de paix). C’est peut-être possible. Mais ce n’est sûrement pas faisable s’il soutient des «deals» qui, pour l’Ukraine, riment avec défaite, soumission et vulnérabilité maximale à venir.

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