Un commentaire de Richard Werly
Trump peut insulter Zelensky, il n'a jamais eu son courage

Le président des Etats-Unis est en train de transformer Washington en show de TV réalité mondialisé. Soit. Mais la politique, sous toutes les latitudes, c'est aussi du courage. Et Volodymyr Zelensky n'en a jamais manqué, estime notre journaliste Richard Werly.
Publié: 19.02.2025 à 20:12 heures
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Dernière mise à jour: 20.02.2025 à 06:12 heures
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Donald Trump accuse désormais Volodymyr Zelensky d'être un «dictateur sans élections».
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump l’a donc fait. Comme sur le plateau de la fameuse émission de TV réalité «The Apprentice» dont il était le héros dans les années 2000, le président des Etats-Unis vient de déclarer son «You are fired!» (Tu es viré!) dans l’espoir d’en finir avec Volodymyr Zelensky.

«Fired» Zelensky, traité de «comédien moyen» et de «dictateur sans élections»? Peut-être à terme. Il faut reconnaître, en effet, que la position du chef de l’Etat ukrainien élu démocratiquement avec 73% des voix en avril 2019 peut vite devenir intenable. Comment tenir si le principal allié de votre pays depuis le début de la guerre décide publiquement de vous lâcher, en vous insultant au passage? Est-il possible d’incarner encore la résistance d’un peuple et d’un pays lorsque vous êtes en train de devenir, de facto, l’obstacle à l’ouverture de négociation de paix, après plus de 400'000 morts ukrainiens tombés au combat depuis le 24 février 2022?

Réalité incontournable

Cette réalité politique, diplomatique et militaire ne disparaîtra pas. Si Trump persiste à accuser Volodymyr Zelensky de tous les maux, y compris celui d’avoir déclenché cette guerre voulue et menée depuis trois ans par la Russie de Vladimir Poutine, tout peut basculer. Telle est la règle dans le monde brutal et impitoyable qui se dessine depuis le triomphe électoral de l’ancien promoteur new-yorkais le 5 novembre 2024. Une nouvelle histoire est en marche, où tout ce qui s’est passé depuis l’assaut sur l’Ukraine lancé par l’armée russe n’a plus aucune valeur de vérité aux yeux du locataire de la Maison Blanche et du réseau social de son allié Elon Musk. Soit. Les Etats-Unis d’Amérique sont en droit de choisir leurs nouveaux alliés, et d’abandonner ceux qui ont eu le tort de leur faire confiance. L’histoire de l’interventionnisme de la première puissance mondiale est jalonnée des cadavres de ceux qui crurent en elle.

Une réalité, en revanche, est indéniable, ineffaçable et plus forte que les incantations de Trump et des siens. Volodymyr Zelensky a fait face. Il a résisté. Il a tenu, contraint d’imposer la loi martiale comme cela se passe dans la plupart des pays agressés, mais sans jamais museler la presse et le débat au sein d’une société ukrainienne aujourd'hui bien plus libre et démocratique que la Russie muselée par les services de sécurité de Poutine. Cette résistance n’a pas été sans faille. La corruption est encore endémique en Ukraine. La complaisance d’hier des autorités de Kiev avec le nationalisme anti-russe peut aussi être dénoncée.

Zelensky n’a pas fui

Et après? Le «comédien» Zelensky n’a pas trahi son pays. Il n’a pas fui. Il s’est appuyé sur le soutien de pays démocratiques. Sa reddition, à l’inverse, aurait ouvert la voie à une Ukraine mise au pas par Moscou, dont les troupes ont commis des crimes de guerre documentés par la justice internationale.

Tous ceux qui, depuis le début du conflit ukrainien, accusent l’OTAN d’avoir provoqué cette guerre et continuent de trouver des excuses au Kremlin sautent évidemment de joie. Bravo Trump, ce président qui place le rapport de force et le gain (financier, commercial ou en ressources naturelles) au-dessus de tout! Bravo Trump, ce chef de l’Etat qui impose une paix logique à leurs yeux, puisqu’elle est celle de grandes puissances qui ont le droit d’asservir leurs voisins, et de délimiter sans pitié leur zone d’influence!

Opinions européennes

Soyons réalistes. Ce discours gagnera peut-être. Les opinions publiques européennes, lassées de cette guerre, se laisseront éventuellement convaincre que l’Ukraine, après tout, n’aurait jamais dû s’émanciper de la Russie. D’autres diront que le choix des Etats-Unis de dissocier coûte que coûte Moscou de Pékin est géopolitiquement juste. Sauf que cela ne changera rien au dossier Zelensky. Et rien à la vaillance des Ukrainiens qui, en se battant, ont de facto jusque-là protégé l’Europe d’un régime russe qui déteste la liberté, la démocratie, et tout ce qui déstabilise tant l’étreinte mafieuse et sécuritaire de Poutine.

Donald Trump aussi est un résistant. Il a résisté aux juges de son pays qui l’ont condamné. Il a résisté, en 2020, au verdict des urnes, avant de lâcher prise. Il résiste, tous les jours, aux faits qui ne correspondent pas à sa vision du monde et de l’Amérique. Il a, tout au long de sa carrière, résisté à l’Etat de droit, déformant la réalité, multipliant les mensonges, rétribuant ceux qui le servent avant (souvent) de les abandonner.

Profit cynique

Volodymyr Zelensky n’est pas un président parfait. Sa légitimité démocratique, c’est vrai, s’étiole au fil des années de guerre. Le conflit l’a peu à peu affaibli. Or Donald Trump n’a toujours aimé que les forts. Ces forts qui ne requièrent, pour leur défense, aucun autre courage que celui d’un «deal» conclu les yeux fermés. Pour en tirer, le plus vite possible, un profit aussi cynique que maximal.

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