Merci Donald Trump! Aussi paradoxal que cela puisse paraître après les attaques lancées par le vice-président américain J.D. Vance contre les Européens à la conférence sur la sécurité de Munich, ces remerciements correspondent à une réalité.
Bousculés par les Etats-Unis, voire insultés (dans le cas du gouvernement allemand qui digère mal la rencontre entre J.D. Vance et la dirigeante d’extrême droite Alice Weidel, avant les législatives du 23 février), les Européens sont peut-être en train de se réveiller. C’est le pari d’Emmanuel Macron qui organisait, ce lundi 17 février, une rencontre consacrée aux questions de défense avec ses principaux partenaires de l'Union européenne (UE) et le Secrétaire général de l’OTAN.
Trois décisions
Ce «Merci Donald Trump!» s’est au moins confirmé, à Paris, dans trois décisions prises en urgence au Palais de l’Elysée. La première, annoncée par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, est l’accord de l’exécutif communautaire pour retirer des calculs du déficit budgétaire des Etats-membres leurs dépenses de défense. Ce n’est pas encore bouclé. Mais c’est une vieille revendication de la France, qui évoque toujours le coût de sa dissuasion nucléaire (environ 7 milliards d’euros par an). Point important: ce changement statistique facilitera l’étape future envisagée, à savoir la création «d’eurobonds» pour la défense, soit l’émission d’obligations européennes pour financer des achats d’armes ou des investissements dans ce domaine.
La seconde décision porte sur l’Ukraine. La question d’un éventuel déploiement de troupes européennes au sol pour protéger un éventuel accord de paix est désormais sur la table. La France, le Royaume-Uni et la Suède y sont favorables. Le blocage pour l’heure est du côté de l’Allemagne qui promet d’investir 1% de plus de son PIB dans la défense en 2025 (soit environ 45 milliards d’euros) mais demeure très prudente.
Nouvelle donne
Reste que le démarrage des discussions directes entre Trump et Poutine – les délégations russes et américaines se rencontrent cette semaine en Arabie saoudite – a modifié la donne. Les Européens savent qu’ils doivent peser de tout leur poids pour être à la table des négociations, et pour soutenir l’Ukraine dont le président Volodymyr Zelensky a exclu tout processus de paix qui ne l’inclurait pas.
Merci Trump, enfin, pour poser la question du rôle de l’OTAN, l’Alliance atlantique. La plus puissante coalition militaire du monde est aujourd’hui fragilisée par la surenchère américaine. Washington veut que ses alliés européens (30 pays membres sur 32) investissent au moins 5% de leur PIB pour la défense. Soit. Mais voilà que le boomerang revient de l’autre côté de l’Atlantique. Le chancelier allemand, d’autant plus prudent qu’il est dans sa dernière semaine de campagne électorale, a mis en garde contre toute défense européenne qui ne soit pas connectée à l’OTAN, donc aux Etats-Unis. Sauf que ces derniers soufflent le chaud et le froid. Plus les Européens seront volontaires, plus l’administration Trump devra tenir ses engagements.
Orban marginalisé
Ultime paradoxe, Donald Trump, alias le «nouveau Shériff dans la ville» (c'est ainsi que son Secrétaire à la défense l'a désigné) peut être «remercié» parce qu’il a mis ses alliés européens en difficulté. Le Premier ministre Hongrois Viktor Orbán et le slovaque Robert Fico, partisans d’un apaisement maximal envers Poutine, sont tenus à l’écart. La Première ministre Italienne Giorgia Meloni, proche de Trump, se retrouve le dos au mur, obligée de faire preuve de solidarité européenne. Mieux: le Royaume-Uni, traditionnellement si proche des Etats-Unis, joue désormais la partition militaire européenne. Son Premier ministre Keir Starmer était à Paris. L’opposition conservatrice a dit qu’elle le soutenait sur l’Ukraine. Cela commence à ressembler à un front commun…
Merci Donald Trump! Rien de neuf chez Emmanuel Macron. Le président français a toujours aimé se mesurer, avec des succès mitigés, à son homologue américain qu’il a pris soin de joindre au téléphone avant la réunion. En juin 2017, Macron avait été le premier à réagir à la décision de Trump de quitter les accords de Paris sur le climat (ce qu’il vient à nouveau de faire). En novembre 2019, le président français avait bousculé ses pairs en affirmant que l’OTAN était en «mort cérébrale». La France retrouve là son rôle historique, lorsque la relation transatlantique devient fébrile: elle est, de tous les pays de l’Union européenne, celle qui, fort de son histoire, (de La Fayette à De Gaulle) peut le mieux riposter face aux Etats-Unis.
Signal d’alarme
Merci Trump? A condition que ce réveil européen se concrétise. Et qu’à Washington, la nouvelle administration, gênée par des partenaires européens moins vassalisés que prévu, entende le signal d’alarme venu du Vieux Continent. Et en tire les conséquences dans ses discussions bilatérales avec Moscou.