Poutine et Zelensky ensemble?
Oui, le plan de paix de Trump pour l'Ukraine existe (et il a du sens)

Le Président américain a bel et bien une stratégie pour ramener la paix en Ukraine. Elle présente de sérieuses imperfections. Mais l'écarter d'emblée n'est pas une option, reconnaissent les experts familiers du conflit.
Publié: 16:36 heures
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Donald Trump l'a dit: la vulnérabilité actuelle de la Russie est économique.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump a bien un plan pour ramener la paix en Ukraine. Il ne l’a pas dévoilé lors de son intervention du jeudi 23 janvier à Davos, car les obstacles sont nombreux. Mais son équipe a quelques grands principes en tête, affinés durant les trois mois de transition depuis l’élection du 5 novembre 2024.

Entendons-nous d’abord sur les termes: il ne s’agira pas, pour le nouveau président américain qui affirme vouloir être un «pacificateur», d’une cessation des hostilités qui permettrait à l’Ukraine de prendre sa revanche sur la Russie. L’objectif double de sa nouvelle administration, et de son émissaire pour la région, l’ancien Général Keith Kellog, est d’identifier d’une part les leviers qui permettent aux deux belligérants de s’asseoir à la table des pourparlers, et de s’assurer qu’ensuite le calme perdurera sur l’actuelle ligne de front.

«Si nous parvenons à obtenir le gel des opérations militaires russes, et à rassurer parallèlement le gouvernement ukrainien, nous aurons le début de quelque chose», confirme à Blick un avocat américain basé à Bruxelles, proche du Parti républicain. Un copier-coller du point de départ envisagé, dès le mois de juillet, par Mike Pompeo, l’ancien secrétaire d'État et patron de la CIA sous la première présidence Trump. «Rien ne prouve qu’une capitulation de l’Ukraine est dans le viseur, expliquait-il dans une note publiée par son cabinet de consultants BGR le 25 juillet 2024. Ce que Trump cherche à faire, c’est à aider l’Ukraine d’une façon qui fera comprendre aux Russes qu’ils n’ont rien à gagner à poursuivre ce conflit dévastateur, et selon des modalités qui profitent à l’Amérique, au lieu de lui coûter.»

Trois variables seront pour cela décisives, selon Donald Trump.

La première est une question de personnes et de communication. En bon professionnel de la TV réalité, le nouveau président américain estime que Volodymyr Zelensky doit accepter de faire un pas de côté. Pour Trump, l’ancien comédien ukrainien élu Président le 20 mai 2019 a, quelque part, trop bien résisté à Poutine (il n’aurait pas dû riposter aux menaces russes, a affirmé Trump à Fox News) et trop peu pris le pouls de sa propre population, laminée par bientôt trois années de guerre.

Le report de l’élection présidentielle ukrainienne de mai 2024 le fragilise. L’usure de la guerre se fait sentir. Le rapport de force lui est défavorable. Devrait-il, par exemple, s’engager à ne pas se représenter lors du prochain scrutin si des pourparlers s’engagent? C’est le domino politique.

La seconde variable, on l’a compris à Davos, est économique. Donald Trump veut à la fois que l’Amérique profite de la paix (pour qu’elle soit vendable à l’opinion), et que Moscou prenne des engagements à ne pas réattaquer l’Ukraine, à défaut d’obtenir un retrait des territoires occupés, d’ailleurs officiellement rattachés à la Fédération de Russie depuis le 3 octobre 2022. Comment cela est-il possible? En faisant baisser les prix des hydrocarbures pour pénaliser davantage les exportations russes, en sanctionnant davantage les circuits financiers russes et internationaux qui poursuivent ce commerce énergétique, et en autorisant la confiscation pure et simple d’une première tranche d’avoirs russes gelés aux États-Unis.

Autre levier économique: l’ouverture à l’Ukraine d’une ligne de prêts de 500 milliards de dollars pour s’approvisionner en armes américaines. Il ne s’agirait plus de dons, mais de prêts remboursables. L’argent nourrirait les firmes industrielles des régions trumpistes. Les géants américains de l’armement consolideraient ainsi leur avance sur leurs concurrents européens.

La troisième variable est géopolitique et passe par la Chine, à laquelle Donald Trump vient d’annoncer qu’il n’imposera pas, pour le moment, des hausses de tarifs douaniers. Le Président Xi Jinping est sur un volcan économique. La croissance chinoise a plafonné en 2024 autour de 4%. La baisse des prix de l’énergie, orchestrée par les Etats-Unis, va rendre les produits occidentaux plus compétitifs. La reconstruction du Moyen-Orient dévasté, de la Syrie à Beyrouth, est une opportunité pour les entreprises chinoises. Alors, deal? La Chine accepterait, en quelque sorte, d’être le sous-traitant logistique de cette «pax americana». Pékin ferait pression sur Moscou. La Chine pourrait apporter sa garantie que le conflit ne reprendra pas en Ukraine.

Et l’Ukraine justement? Le fardeau, une fois conclu l’accord-cadre pour ramener la paix, reviendrait aux Européens qui, logiquement, ont intérêt à rebâtir un pays destiné à rejoindre l’UE à terme. La géoéconomie de Trump le porte bien davantage à s’occuper du Moyen-Orient, de l’Asie et de l’Amérique latine. L’Union européenne serait le sous-traitant politique de la paix «Made in USA», avec la possibilité ouverte de proposer à Kiev des garanties de sécurité qui ne seraient pas celles de l’OTAN, donc des États-Unis.

«La guerre s’arrête immédiatement. L’Ukraine met en place d’importantes forces de défense afin que la Russie ne l’attaque plus jamais. Personne ne reconnaît l’occupation et l’annexion revendiquée par la Russie de tout territoire ukrainien, tout comme nous n’avons jamais comme nous n’avons jamais reconnu l’incorporation soviétique des États baltes et que nous avons refusé de reconnaître l’Allemagne de l’Est jusqu’en 1974. La Crimée est démilitarisée», écrivait Mike Pompeo dans sa note de juillet 2024.

Le plan est donc bien là. Mais les protagonistes ont changé. D’où sans doute les retards pris. Mike Pompeo lui-même en est la preuve vivante: tenu à l’écart de la nouvelle administration, il vient d’être privé par Donald Trump de la protection que lui accordait le «secret service».

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