Dérégulation et dérogations
A Davos, Trump exhorte le capitalisme mondial à servir les Etats-Unis

Donald Trump n'a pas hésité à faire la leçon au public du Forum économique mondial de Davos: installez-vous aux États-Unis, ou vous risquez d'en subir les conséquences. Avec, comme arme de persuasion massive, un arsenal de dérégulation, d'incitations et de taxes.
Publié: 18:31 heures
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Dernière mise à jour: 19:15 heures
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Donald Trump a donné au Forum de Davos, en visioconférence, son premier discours international depuis son investiture.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump n’a qu’un seul message adressé au monde économique: servir les intérêts des États-Unis, sous une forme ou sous une autre, deviendra indispensable pour survivre et prospérer durant son mandat. C’est ce message, décliné sous plusieurs formes, que le président américain a délivré en visioconférence, de la manière la plus directe et la plus brutale qui soit, face aux participants du Forum économique mondial de Davos, lors de son premier discours international depuis son investiture le 20 janvier à Washington. En accusant sans surprise son prédécesseur Joe Biden d’avoir «perdu tout contrôle»..

Acheter américain. Produire américain. Investir aux États-Unis, ce pays bien décidé, selon les termes de Donald Trump, «à redevenir le meilleur endroit sur la terre» pour les capitalistes du monde entier, les «Good old USA» (les bons vieux USA). Pour arriver où ? A faire de son pays «la capitale mondiale de l'Intelligence artificielle et de la cryptomonnaie». Signe révélateur, le nouveau locataire de la Maison-Blanche, debout derrière son pupitre, n’a jamais prononcé le mot «coopération». Banni également, comme l’on pouvait s'y attendre, le terme «multilatéralisme». A l'OPEP de faire baisser le cours du pétrole. Point.

Seule l’Amérique compte

Seule l’Amérique compte et le Forum de Davos, supposé incarner une volonté commune d’améliorer le monde a été durement rappelé ce jeudi à cette réalité lorsque Donald Trump a insisté sur les trois grands rendez-vous de sa présidence: le 250e anniversaire de la fondation des Etats-Unis en 2026, la Coupe du monde de football qui aura lieu la même année, puis les Jeux Olympiques de 2028 à Los Angeles. Alors quoi faire, comment faire durant ces quatre années de Trump 2?

La réponse a été donnée par l’intéressé, qui a promis de se rendre de nouveau en personne dans la station des Grisons, peut-être dès 2026: faire des États-Unis et de son marché de 340 millions d’habitants l’axe moteur de toute stratégie internationale. Pourquoi? Pour profiter de «la plus massive dérégulation de l’histoire, et des plus grandes réductions d’impôts jamais mises en œuvre dans l’histoire de l’Amérique». Comment? En mettant, si vous êtes un État ami, la main au portefeuille pour investir et acheter américain.

Deux cas ont été cités nommément. Celui de l’Arabie saoudite dont Donald Trump a déjà annoncé un programme d’investissement massif aux États-Unis d’au moins 600 milliards de dollars, qu’il entend bien encore augmenter après ses discussions avec le «très sympathique» Prince héritier Mohammed Bin Salman. Et celui des 31 pays membres de l’Otan (en plus des États-Unis), priés de consacrer 5% de leur produit intérieur brut à leur défense. En partie, bien sûr, pour acheter des armes «Made in USA».

Oublié, le climat

Le climat? Aucun des panélistes présents pour l’interroger ne lui a posé la question, alors que le Forum de Davos s’enorgueillissait jadis des initiatives «vertes». Rien. Le PDG d Total, Patrick Pouyanné, a préféré lui demander des précisions sur le gaz liquéfié que Donald Trump compte bien vendre à l’Union européenne, vis-à-vis de laquelle son agenda est clair, au-delà de l’indispensable rééquilibrage de la balance commerciale: la forcer à abandonner son arsenal réglementaire imposé aux multinationales américaines. Y compris le respect du droit de la concurrence, au nom duquel la Commission européenne a imposé de lourdes amendes à plusieurs géants du numérique.

«J’aime l’Europe»

«J’aime l’Europe. J’aime les pays d’Europe, mais l’Union européenne en a après les compagnies américaines. Vous ne pouvez pas être compétitif» a-t-il dénoncé, s’en prenant par avance aux obstacles non tarifaires imposés pour entrer sur le marché unique. «C’est une forme de taxation que je combattrai. Elle doit cesser». La dérégulation tous azimuts est le credo Trumpiste par excellence.

Se mettre au service de l’Amérique, puissance pacificatrice. Car pour Donald Trump, tout est clair: «Jamais la guerre en Ukraine n’aurait eu lieu si j’étais resté au pouvoir. En aucun cas la Russie n’aurait donné l’assaut». Le président américain s’est gardé de donner la moindre précision sur ses demandes actuelles à Vladimir Poutine pour cesser les hostilités, réitérant juste son appel à la Chine pour qu’elle intervienne auprès de Moscou.

Sommet avec Poutine

Pas d’indication non plus sur le calendrier d’un sommet avec le président russe («qui aura bien lieu») ou sur l’endroit où les deux hommes se rencontreront. Donald Trump a préféré, en ancien promoteur immobilier qu’il est, s’attarder sur les ravages humains du conflit, sur les destructions des villes entières, et sur le nombre de morts probablement sous estimés «car de très nombreux cadavres» se trouvent selon lui sous les décombres.

L’image est forte, faite pour impressionner: voilà ce que pourrait devenir le monde s’il ne comprend pas que les règles éditées par Trump sont destinées, en sauvant l’Amérique, à nous sauver tous.

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