Il en a évidemment pris connaissance. Même s'il a affirmé le contraire durant son débat télévisé face à Kamala Harris, le 10 septembre 2024 à Philadelphie (Pennsylvanie), Donald Trump a bel et bien parcouru ce «Project 2025» (Projet 2025), dont le sous-titre est «Building for conservative victory through policy, personnel, and training.» Traduction: «Construire la victoire des conservateurs par la politique, le personnel et la formation.» Un projet considéré par le «New York Times» comme le levier intellectuel pour «institutionnaliser le Trumpisme».
Dans sa résidence de Floride, à Mar-a-Lago, les copies imprimées de ce document produit par «Heritage Foundation», le principal laboratoire d'idées conservateur de Washington, ont été distribuées à tous les participants aux réunions de la «War transition room». C'est là que siège l'État-major de la transition sous la direction de Susie Wiles, l'ex-directrice de campagne de Donald Trump, déjà nommée «Chief of Staff» du prochain président. «Impossible de le rater. Si le 'Projet 2025' n'est pas la Bible de la future administration, il est en tout cas bien visible», a confirmé un participant au Sun Sentinel, le quotidien du Comté de Palm Beach.
Mêmes termes, mêmes phrases
La preuve? Les communiqués de nomination de l'équipe Trump-Vance égrènent, depuis le 5 novembre, les mêmes termes et phrases que le programme politique rédigé par la «Heritage Foundation»: «1. Sécuriser la frontière, achever la construction du mur et expulser les étrangers en situation irrégulière (dans le communiqué de nomination de Tom Homan, le futur «Tsar» des frontières). 2. Désarmer le gouvernement fédéral en renforçant la responsabilité et la surveillance du FBI et du ministère de la Justice (dans l'annonce de la nomination du futur ministre de la Justice Matt Gaetz). 3 Libérer la production énergétique américaine pour réduire les prix de l'énergie (dans le discours de Trump du 5 novembre). 4 Réduire la croissance des dépenses publiques pour faire fléchir l'inflation (dans le mandat donné à Elon Musk et Vivek Ramaswany pour rendre le gouvernement plus efficace) 5. Rendre les bureaucrates fédéraux plus responsables devant le Président et le Congrès démocratiquement élus (dans le communiqué sur la nomination de Doug Burgum comme chef du Département de l'Intérieur).
Pourquoi citer ces nominations? Parce qu'elles sont au cœur du «Project 2025», coordonné par le directeur de la fondation, Kevin Roberts. «Notre objectif est d'accélérer l'embauche de personnel aligné ainsi que la mise en œuvre d'une politique conservatrice, y compris via l'annulation, par décret, de ce que nous estimons être des politiques erronées de l'administration actuelle», expliquait-il en janvier au New York Times. Le résultat: un catalogue de mesures à prendre dans les six premiers mois de la nouvelle administration. Avec pour premier objectif, inscrit noir sur blanc, la diminution du nombre de «bureaucrates et de fonctionnaires non élus qui exercent le pouvoir à la place du Congrès (le parlement)».
Une introduction qui en dit long
Le texte le plus important de ce «Project 2025» est l'introduction rédigée par Kevin Roberts lui-même et intitulée «A promise to America» (Une promesse à l'Amérique). Car il donne le ton des États-Unis «Made in Trump» en 2024, celui de la revanche: «Regardez l'Amérique d'aujourd'hui, sous l'égide de l'élite dirigeante et de l'élite culturelle peut-on lire. L'inflation ravage les budgets familiaux, les décès par overdose de drogue. Les enfants subissent la normalisation toxique du transgendérisme. Les drag-queens et la pornographie envahissant les bibliothèques de leurs écoles. Outre-mer, la dictature communiste totalitaire de Pékin est engagée dans une guerre froide stratégique, culturelle et économique contre les intérêts, les valeurs et la population de l'Amérique.»
Face à cela poursuit l'auteur: «Les élites mondialistes de Washington ne s'éveillent que lentement. Les communautés à faibles revenus se noient dans la dépendance à l'égard du gouvernement et de la toxicomanie. Les élites contemporaines ont même réutilisé les pires ingrédients du «chic radical» des années 1970 pour construire un culte totalitaire qui brouille l'image de l'homme et de la femme. Le plus alarmant, c'est que les fondements moraux mêmes de notre société sont en péril.»
Suivent quatre recommandations, dont l'empreinte est partout dans les premières annonces de Donald Trump et de son équipe:
Recommandation 1: Restaurer la famille en tant que pièce maîtresse de la vie américaine et protéger nos enfants.
Recommandation 2: Démanteler l'État administratif et rendre l'autonomie au peuple américain.
Recommandation 3: Défendre la souveraineté, les frontières et les richesses de notre nation contre les menaces mondiales.
Recommandation 4: Garantir les droits individuels que Dieu nous a donnés pour vivre librement, ce que notre Constitution appelle «les bienfaits de la liberté».
Au-delà des propositions pour refouler les migrants ou réindustrialiser les États-Unis en misant sur les hydrocarbures (le fameux «Drill, baby Drill» de Trump), c'est la défiance envers l'État fédéral qui marque ce «Project 2025». «Le moyen le plus sûr de remettre le gouvernement fédéral au service du peuple américain est de réduire sa taille et son champ d'action à quelque chose qui ressemble à l'intention constitutionnelle initiale, peut-on lire. Les conservateurs souhaitent un gouvernement plus petit non pas pour son propre intérêt, mais pour l'épanouissement de la population. Or l'establishment de Washington ne veut pas d'un gouvernement limité par la Constitution parce que cela signifie qu'ils perdent du pouvoir et qu'ils sont davantage tenus de rendre des comptes par les personnes qui les ont mis au pouvoir.»
Un écho pas si éloigné des doléances, du côté de l'UDC en Suisse, des tenants de la démocratie directe comme ultime moyen de gouverner pour et par le peuple...