Pas convaincues par Kamala
Ces Américaines ne sont pas aux bottes des mecs, mais elles ont voté Trump

La candidate démocrate Kamala Harris ciblait en particulier les femmes. Sa victoire, pensait-elle, se trouvait dans les mains des Américaines. Erreur. Beaucoup de ses concitoyennes ont voté Trump. Je les ai rencontrées en Floride.
Publié: 06.11.2024 à 22:24 heures
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Donald Trump et son épouse Melania, mannequin d'origine slovène. Cette dernière avait défendu l'avortement dans son livre de mémoires
Photo: IMAGO/Everett Collection
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Richard WerlyJournaliste Blick

Elles jubilent. Elles s’envoient des photos de leur héros sur leurs portables. Elles multiplient les blagues méchantes envers celle qui pensait mieux les représenter, et mieux les protéger. Ces Américaines ont voté Trump et sont fières de sa victoire.

Elles n’ont jamais imaginé, m’ont-elles répété ce mercredi 6 novembre au lendemain de l’élection présidentielle, mettre dans l’urne un bulletin pour Kamala Harris. Ines Flax, animatrice des réseaux pro-Trump en Floride, est catégorique: «Trump a raison quand il affirme protéger les femmes. Ce n’est pas être dominée par les hommes que de leur demander de vous offrir une sécurité matérielle et familiale.»

Kamala Harris, 60 ans depuis le mois d’octobre, va sans doute méditer longtemps sur ce grand ratage féminin. Tous les sondages lui donnaient une nette avance sur Trump chez les électrices. 30 points d’écart en moyenne chez les 18/35 ans! Sa campagne avait même concocté un clip avec la voix de l’actrice Julia Roberts, incitant les femmes à voter pour elle, tout en laissant croire le contraire à leur mari.

Joe Biden l’avait fait en 2020

La candidate démocrate, qui a joint Donald Trump au téléphone ce mercredi 6 novembre à son golf de Mar-a-Lago, pour reconnaître sa défaite, pensait rééditer la performance de Joe Biden. Lequel, en 2020, avait pu compter sur le soutien des mères de famille, y compris dans les rangs du parti républicain, en raison de la gestion erratique de la pandémie de Covid-19 par Donald Trump. La peur du virus s’était conjuguée avec la quasi-absence de campagne électorale. Les électrices avaient alors fait confiance au vétéran de la politique, candidat de l’establishment.

Ines Flax (au centre, casquette rouge) anime à Miami les réseaux pro-Trump.
Photo: Pierre Ballenegger

Avortement et factures

Changement complet de contexte quatre ans plus tard. La preuve, durant cette nuit électorale, aux abords du Palais des Congrès de West Palm Beach (Floride) où Donald Trump s’est exprimé vers 2h30 du matin. Quatre jeunes étudiantes de l’Atlantic University de Palm Beach m’abordent.

Donna est un peu la cheffe du groupe. C’est elle qui a apporté avec elle le panneau «Trump 2024». Inscrite dans l’école d’infirmières au sein de ce campus privé, Donna ne voulait surtout pas que son prénom rime avec celui de Kamala: «Pourquoi nous, les femmes, aurions pour seul souci l’avortement? Vous pensez qu’on ne regarde pas nos factures? Qu’on ignore les problèmes de logement? Que l’on ne redoute pas d’être agressée dans les villes où de plus en plus de migrants errent de façon incontrôlée?»

Ses copines acquiescent. Attention: aucune, à part Donna, n’a voulu me parler de la question de l’avortement. Pourquoi? «Il reste suffisamment d’États qui pratiquent l’interruption volontaire de grossesse aux États-Unis pour répondre aux urgences», m’ont-elles répondu pour clore la conversation. Pile au moment où la chaîne locale de Palm Beach, WPTV, confirmait une autre défaite: celle de la campagne pour un 4e amendement qui abrogerait l’interdiction de l’IVG après six semaines dans cet État conservateur. Parier sur l’effet mobilisateur de la défense de l’IVG aura donc été l’un des échecs majeurs de la vice-présidente sortante.

La question masculine

Vient la question des hommes. Toutes les enquêtes, celle d’avant scrutin et celles publiées au fil des premiers dépouillements, montrent combien le discours viril de Trump a séduit les électeurs. Et les électrices? Les femmes ne sont-elles pas choquées par le comportement passé du candidat et par des déclarations ouvertement sexistes?

Trump promettait jadis de pouvoir, comme star de la TV, «empoigner les femmes par la chatte». Alors Jessica? La jeune femme âgée d’une trentaine d’années est une amie d’Ines Flax à Miami Beach. Je la recontacte au téléphone après la victoire de l’ancien président: «Vous pensez que John Kennedy parlait autrement, en privé, de Marilyn Monroe? Et vous croyez que nous, les femmes, on n’est pas capables de dire des choses comme ça sur les hommes? L’idée selon laquelle toute relation doit être polie, courtoise, sans aspérités, ne correspond pas à la vie réelle.»

Ces femmes ont voté Trump sans avoir le sentiment d’être à la botte des mecs. «On pense à nos familles, à nos enfants, à la vie de tous les jours. J’ai plus peur de l’État que de mon mari», assène Ines Flax, dont l’époux est gynécologue. Ces électrices n’ont pas d’illusion sur le caractère macho du président élu.

Jane a passé la nuit près du centre des congrès de West Palm Beach.
Photo: Richard Werly

Mais elles constatent que sa femme Melania est restée près de lui. Et qu’il met la famille au premier plan: «Kamala Harris parle de nous les femmes alors qu’elle n’a pas d’enfants et qu’elle doit une bonne partie de sa carrière à sa liaison avec l’ancien maire de San Francisco. Vous pensez que c’est crédible? Vous croyez qu’elle n’a pas couché pour en arriver là?» s’énerve Jane, une militante pro-Trump qui a passé toute la nuit sur le pont qui relie au continent l’île où se trouve le golf de Mar-a-Lago.

Bon pour ce pays

Les Américaines qui ont voté Trump assument. La candidate démocrate, soutenue par les vedettes du show-business comme Beyoncé, ne parlait pas des sujets qui les préoccupent. Alors que Trump, lui, sera à l’écoute. Jessica reprend la parole: «Arrêtez de nous opposer aux hommes. Les médias déplorent une Amérique fracturée mais ils veulent faire la police dans nos vies et dans nos chambres à coucher. On vote Trump parce qu’il est bon pour ce pays. Point.»

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