Vous connaissez peut-être la fameuse phrase «What is good for General Motors is good for the country, and what is good for the country is good for General Motors» (Ce qui est bon pour General Motors est bon pour le pays, et ce qui est bon pour le pays est bon pour General Motors). Pendant des décennies, ce refrain a rythmé l’aventure industrielle et économique des États-Unis. Le destin du pays rimait avec celui de ses constructeurs automobiles, que le monde entier lui enviait. General Motors était l’Amérique lorsque Donald Trump commençait à peine à faire fortune dans l’immobilier à New York, en s’appuyant sur le patrimoine de son père, Fred Trump.
Cette phrase et ce constat, l’ancien président désormais réélu vient de les enterrer et de les remplacer. C’est aujourd’hui Elon Musk qui, pour Trump, est bon pour les États-Unis. Le milliardaire, magnat de la technologie spatiale, des voitures électrique, de l’internet et des réseaux sociaux, incarne pour Trump l’avenir d’un pays qui n’est pas capable de vivre sans un grand dessein. Le génie de Trump, capitaliste forcené, est d’avoir compris que la formidable réussite financière personnelle d’Elon Musk, mélée à son génie créatif, constituent pour l’Américain moyen le plus magnétique des aimants. Faire comme Elon. Réussir comme Elon. Casser tous les plafonds de verre comme Elon. Être moderne comme Elon. Tout y est. La conquête annoncée de la planète Mars a remplacé les autoroutes dont General Motors avait cruellement besoin pour ses voitures.
Le problème est que l’époque de GM n’est pas celle de EM. Musk est peut-être un visionnaire de génie. Mais c’est aussi un ennemi des règles, et un partisan acharné de l’intelligence artificielle pour gérer nos vies. General Motors ne voulait pas transformer l’existence de M. ou Me Smith. La firme voulait juste que le couple achète au moins deux voitures, si possible de sa marque. Elon Musk rêve d’implanter des puces électroniques dans nos cerveaux. Il ne s’agit pas de produire pour vendre, mais de produire pour contrôler.
L’État et ses dérives
C’est pour cela que l’alliance Musk-Trump pose question. L’ancien nouveau-président et son conseiller milliardaire défendent tous deux le profit contre l’État et les «deals» de leader à leader plutôt que les accords entre pays. Leur Amérique sera peut-être conquérante, capable d’étonnantes ruptures, voire de créativité qui nous étonneront. Mais qui peut garantir aux citoyens américains qui viennent de réélire Donald Trump qu’ils ne seront pas, demain, via les algorithmes d’Elon Musk, surveillés et gérés par une puissance bien moins légitime que cet Etat dont il dénonce sans cesse les dérives?