Il y est presque. Donald Trump parait, sauf énorme surprise électorale qui donnerait lieu de toute façon à une avalanche de contestations de sa part, sur le point de retourner à la Maison-Blanche. Les trois derniers États clés en lice - Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin - sont à sa portée.
Le 45e président des Etats-Unis devrait donc être aussi le 47e, après l’intervalle de Joe Biden. Une prouesse politique qu’un seul homme, le président Grover Cleveland, avait réussi en 1892, réélu une seconde fois après une défaite à l’issue de son premier mandat.
A l’heure d’écrire ses lignes, le score final de cette élection présidentielle américaine n’est pas verrouillé. La différence en nombre de grands électeurs — ces électeurs qui représentent les 50 États + Washington DC en fonction de leur population — entre les deux candidats semble toutefois assurer une victoire quasi certaine à Donald Trump.
Même le New York Times considère que sa chance de l’emporter est très forte. 248 grands électeurs pour Donald Trump, contre 214 pour Kamala Harris à 8h15 du matin, heure suisse. Le chiffre à atteindre pour l’emporter est de 270 grands électeurs sur 538. Joe Biden, il y a quatre ans, en avait remporté 306 contre 232 pour son adversaire, alors président sortant. Une nette victoire du candidat Républicain sonnerait sans doute la fin de la carrière politique de l’actuelle vice-présidente, première femme noire à se présenter à la course à la Maison-Blanche, et seconde femme à échouer après Hillary Clinton, battue par le même Trump en 2016.
Vague républicaine
Les résultats de cette nuit, État par État, donneront une idée juste de l’ampleur de la vague républicaine qui a déferlé sur les États-Unis. 34 sièges de sénateurs étaient en lice, ainsi que les 435 sièges de la Chambre des représentants, plus une série de gouverneurs, de parlementaires au niveau des États, et de responsables locaux. Or le contrôle du Sénat est assuré pour le parti de Donald Trump, qui rafle ainsi la mise et pourra gouverner les mains libres. L'échec des démocrates est patent. La malédiction de la vice-présidence a encore frappé. Et déjà, une question flotte au dessus du dépouillement en cours: celle que beaucoup d’observateurs se posaient depuis des mois sur la stratégie adoptée par Donald Trump. Comment a-t-il pu reconquérir les États-Unis?
Cette réponse se résume peu ou prou à une affirmation: moi seul, Donald Trump, ex-promoteur immobilier New-Yorkais et ancien président des États-Unis, peut régler vos problèmes. Trump sera l’homme de la réindustrialisation. Trump ordonnera les expulsions massives de migrants et la construction de nouveaux murs aux frontières. Trump relocalisera aux Etats-Unis des dizaines de milliers d’entreprises. Trump forcera les pays en guerre à conclure la paix, à commencer par l’Ukraine… Trump, Trump, Trump. Et cela a marché.
Quatre clés de compréhension
La raison de ce succès tient à quatre éléments que notre périple de trois semaines aux États-Unis, pour Blick, nous a permis de mieux appréhender.
Le premier est cette insularité américaine impossible à vraiment comprendre depuis le vieux continent. Toute une partie de la population des États-Unis se vit, même si c’est faux, comme victime de ses alliés occidentaux et asiatiques, et donc de sa propre puissance. Donald Trump a le profil parfait pour ces électeurs. Il incarne la figure du chef qui promet de défendre coûte que coûte ses concitoyens contre les dangers extérieurs: économiques, militaires, écologiques, démographiques. Comment? En concluant des «deals», sa spécialité.
La seconde clé de compréhension du succès trumpiste est la libération de la parole et le refus de considérer la démocratie comme un débat avec des règles. Avec son soutien Elon Musk, milliardaire libertarien profondément hostile à l’État et aux réglementations, Donald Trump remplace le débat d’idées par le seul rapport de force. Peu importe l’État de droit. L’important est que son adversaire soit plus faible, et si possible disqualifié. Or beaucoup d’Américains pensent aujourd’hui comme lui. Pour eux, le combat qu’ils disent mener face aux élites est de toute façon inégal. La pandémie de Covid a instillé dans une partie de la population ce sentiment d’être manipulé. Trump incarne la démocratie de la colère. Celle du «ma parole vaut toutes les autres. Et si je peux parler plus fort que mes opposants, elle devient la vérité».
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La politique du cash
Troisième réussite de Donald Trump: avoir ramené la politique au rôle de machine à cash. Le président des États-Unis est là, selon lui, pour faire gagner plus d’argent aux Américains. Point. Et pour faire payer davantage tous ceux qui profitent des garanties de sécurité de Washington. Toutes les promesses de Trump sont sonnantes et trébuchantes. Elon Musk, son allié milliardaire, a d’ailleurs créé une loterie dotée d’un million de dollars pour inciter à s’enregistrer et à voter. Là aussi, rien de neuf. Les États-Unis sont le pays du roi dollar. Trump ne parle pas de routes, de grands projets, d’infrastructures comme l’a fait avec succès Joe Biden. Il parle de prix, de salaires, de fins de mois. Avec la crédibilité que lui donne sa fortune. Non sans avoir fait oublier ses multiples faillites et démêlés avec la justice tout au long de sa carrière immobilière.
Quatrième succès enfin, qui est peut-être le plus important: l’incarnation. Joe Biden, on s’en souvient trop peu, a remporté l’élection de 2020 sur fond de pandémie de Covid 19, sans véritable campagne, avec un nombre de meetings réduits au strict minimum. La peur sanitaire alimentait alors un réflexe de retour des Américains vers l’État, supposé les protéger. Tandis que le complotisme explosait en parallèle. Donald Trump a encaissé, puis il est reparti à l’assaut, pour produire le show politique le plus explosif qui soit. Avec un vocabulaire simple. Et une soif de revanche que ses partisans ont tout de suite vécu comme l’opportunité de se venger, eux aussi. La santé déclinante de Joe Biden, et la nomination accélérée et sans primaires démocrates de Kamala Harris, se sont ensuite avérées des cibles faciles à viser. Et à faire tomber.
Un sport de combat impitoyable
Désormais assuré de l'emporter à l’issue de cette élection du 5 novembre, Donald Trump aura prouvé que la politique, à l’heure des réseaux sociaux, est plus que jamais un sport de combat impitoyable. Reste dès lors une question: quelles règles va-t-il respecter si cette longue nuit électorale devait s'achever par son incroyable succès ? Et quelles assurances va-t-il donner à ses adversaires (et à ses partenaires) dans une aussi grande démocratie que les Etats-Unis, qu’il n’utilisera pas sa victoire au profit unique de son pouvoir solitaire?