Attention, âmes sensibles s'abstenir. En prenant un peu de recul, le tableau n'est pas des plus joyeux: la campagne pour la présidentielle 2024 était vraiment indécente. Le candidat républicain à la présidence, Donald Trump, qualifiait le président américain en exercice Joe Biden de «fils de pute stupide», tandis que ce dernier traitait à son tour les partisans de Trump de «déchets». Et Kamala Harris, qui a remplacé Joe Biden pour la candidature démocrate, se battait – en vain – pour plus de décence dans la course à la fonction politique la plus influente du monde.
Les deux grands partis des Etats-Unis ont investi des milliards dans ce coude à coude extrêmement serré, et ont inondé les sept swing states de publicités parfois douteuses. En Arizona par exemple, les républicains critiquent la politique migratoire de la démocrate, prétendument trop laxiste, en placardant le long de l'autoroute des messages tels que «Les trafiquants d'êtres humains sont pour Kamala Harris». Mais au final, les bannières publicitaires haineuses ne sont pas le plus grand danger qui menace actuellement les Etats-Unis.
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Dans d'innombrables spots publicitaires télévisés diffusés, républicains comme démocrates ont joué avec la peur des téléspectateurs, en spéculant sur les dangers en cas d'élection de leurs adversaires respectifs. Les deux partis ont investi 2,4 milliards de dollars dans la campagne électorale, sans compter les sommes colossales que des organisations telles que les «Super PAC» injectent dans la publicité politique.
244 millions attendus aux urnes
De nombreuses personnes craignent sincèrement pour l'avenir de leur pays, croyant à la fable «Kamala communiste», martelée tout le long de la campagne, ou aux mises en garde exagérées contre le document «Project 2025», que Trump utiliserait comme plan directeur s'il parvient à briguer un second mandat.
Aujourd'hui, la campagne électorale la plus brutale de l'histoire des Etats-Unis touche à sa fin. Plus de 244 millions de personnes dans cette nation de 337 millions d'habitants sont appelées aux urnes. Si le nombre de votants est aussi élevé que lors du dernier tour en 2020, avec une participation de 66,6%, des dizaines de milliers de scrutateurs devront dépouiller quelque 162 millions de bulletins, à travers les 50 Etats américains.
En 2020, des scènes désagréables ont eu lieu. A l'image du district de Maricopa, dans le swing state de l'Arizona, où des miliciens armés ont tenté de perturber le processus électoral. Cette année, l'Arizona a réagi en sécurisant le centre électoral de la capitale Phoenix: elle a installé des écrans et barricades supplémentaires pour que les scrutateurs puissent faire leur travail sans encombres. Les responsables des élections de Florence, une banlieue de Phoenix, ont fait exactement le contraire, en transformant leur centre de vote en un bureau aux murs de verre pour 32 millions de dollars. Tout le monde peut ainsi regarder de tous les côtés 24 heures sur 24, et observer le dépouillement par-dessus les épaules des scrutateurs.
Des groupes armés se préparent à une «prise de contrôle hostile»
De telles mesures sont peut-être bien intentionnées, mais ne servent pas à grand-chose. Le camp Trump crie déjà à la fraude et évoque de prétendues falsifications électorales. Pourtant, à l'exception de quelques urnes incendiées dans l'Etat de l'Oregon, aucune ingérence électorale n'a été prouvée. Contrairement aux actions de propagande des armées en ligne iraniennes, chinoises et russes qui, avec leurs fausses informations, jettent de l'huile sur le feu.
Mais une chose est d'ores et déjà claire: si Kamala Harris remporte l'élection, Donald Trump s'opposera au résultat par des dizaines de procédures juridiques déjà engagées. Des groupes lourdement armés comme les Patriots for America, que Blick a suivi fin octobre, se préparent à la prétendue «prise de contrôle hostile» de Washington – quoi que cela puisse signifier.
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L'époque où les adversaires politiques se serraient la main après la bataille électorale et se félicitaient, au moins par téléphone, est révolue. Les jours à venir livreront, espérons-le, un résultat définitif. Mais certainement pas la paix pour les millions d'Américains qui ont perdu confiance dans leur système politique.
Une présidentielle unique
Cette fois-ci, le résultat devrait arriver plus tard que prévu. Cela s'explique par les nouvelles règles électorales. Ainsi, en Pennsylvanie et dans le Wisconsin, les enveloppes déposées ne peuvent être ouvertes que le jour même du scrutin. Et en Géorgie, tous les bulletins de vote doivent être comptés à la main. Un travail de longue haleine.
Si Kamala Harris remporte la course, elle deviendrait la première femme à prendre la tête de la plus grande puissance mondiale. Tandis que si c'est Donald Trump qui l'emporte, il sera le premier ex-président depuis Grover Cleveland (président démocrate des Etats-Unis de 1885 à 1889, puis de 1893 à 1897) à revenir à la Maison-Blanche, après avoir perdu sa réélection.
Pour l'instant, une seule chose est sûre: le 20 janvier 2025 marquera la fin de l'une des plus longues carrières politiques de l'histoire américaine. Joe Biden prendra alors une retraite bien méritée. Mais selon le résultat de l'élection, ce sera un départ très, très amer.